Evangile de dimanche: hymne au changement

Il y a des récits qui semblent se présenter comme des contes pour enfants. Dans un conte pour enfants, il y a des méchants (souvent très méchants) et des gentils (vraiment «super gentils»). L’Evangile du pharisien et du publicain pourrait, à première vue, appartenir à cette catégorie de récit à la morale un peu binaire.

En le lisant, on est évidemment choqué par l’orgueil du pharisien et ému par l’abaissement du publicain. Dans ce contexte, il n’est pas difficile – a priori – de décerner les bons et les mauvais points, d’autant que Jésus nous dit clairement, à la fin de cet Évangile, que c’est bien l’attitude du publicain qui était la bonne. Pourtant, il me semble nécessaire de ne pas se méprendre sur les raisons pour lesquelles le publicain est dans le vrai et le pharisien fait fausse route.

En effet, le publicain est dans l’action de grâce; il est tourné vers Dieu. Il reconnaît que ce qu’il voit de bon en lui vient de Dieu: en cela, rien de condamnable, pourrait-on dire! Se réjouir des merveilles que Dieu fait en nous et par nous, n’est-ce pas une attitude profondément juste, qui consonne, par exemple, avec les mots de la Vierge dans le Magnificat?

Certes, le pharisien rend grâce en se comparant. Mais les psaumes ne disent-ils pas souvent que ceux qui cherchent le Seigneur ne manquent d’aucun bien, par opposition explicite aux impies? Quant au publicain, sa prière n’est-elle pas, à l’inverse, un peu larmoyante, incapable de voir ce qu’il y a de beau en lui et autour de lui? En quoi est-elle alors plus juste?

La prière vise plutôt à laisser Dieu prier en nous, à Le laisser travailler en nous

Il me semble que la vraie différence entre les deux attitudes doit être cherchée ailleurs que dans le contenu des prières formulées par les deux protagonistes. Cette différence est plutôt une question de relation profonde avec Dieu. La prière ne consiste, en effet, pas à informer Dieu de notre état intérieur qu’il soit réjoui ou contrit. Dieu sait toutes choses avant que nous les formulions. La prière vise plutôt à laisser Dieu prier en nous, à Le laisser travailler en nous pour que nous devenions toujours plus semblables à Lui.

Or, le Dieu que prie le pharisien manque de vie. Ce dernier fait mention de Dieu comme n’étant pas à l’œuvre : le pharisien ne dit pas « je te rends grâce car tu as fait de moi ce que je suis » ou « je te rends grâce car tu vas continuer ces merveilles que je vois en moi ». La vie et la prière du pharisien paraissent marquées par un côté statique, mort. Les choses sont comme elles sont. Heureusement pour ceux qui sont du bon côté, tant pis pour les autres et merci à Dieu pour cet état de fait. Point.

La prière du publicain, elle, appelle Dieu à le prendre en pitié, à changer les choses. Elle est un appel pressant pour que Dieu transforme quelque chose dans son existence. Le plus grand risque pour un croyant n’est pas d’être un pécheur, mais de s’arrêter d’avancer, soit parce qu’il désespère de Dieu, soit parce qu’il se croit déjà arrivé. Là est l’erreur du pharisien : prier comme un croyant figé.

Ainsi, l’Evangile de ce dimanche est d’abord une invitation à ne pas rester statique. Il est un appel à convertir notre prière pour que celle-ci confesse que rien n’est impossible à Dieu, qu’Il est toujours Celui qui vient. Dieu ne nous place pas, comme par magie, dans le rôle bien ficelé des « gentils », mais nous appelle toujours à continuer la route avec Lui qui jamais n’arrête son œuvre.

Jacques-Benoît Rauscher | Vendredi 25 octobre 2019


Lc 18, 9-14

En ce temps-là,
    à l’adresse de certains qui étaient convaincus d’être justes
et qui méprisaient les autres,
Jésus dit la parabole que voici :
    « Deux hommes montèrent au Temple pour prier.
L’un était pharisien,
et l’autre, publicain (c’est-à-dire un collecteur d’impôts).
    Le pharisien se tenait debout et priait en lui-même :
›Mon Dieu, je te rends grâce
parce que je ne suis pas comme les autres hommes
– ils sont voleurs, injustes, adultères –,
ou encore comme ce publicain.
    Je jeûne deux fois par semaine
et je verse le dixième de tout ce que je gagne.’
    Le publicain, lui, se tenait à distance
et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel ;
mais il se frappait la poitrine, en disant :
›Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis !’
    Je vous le déclare :
quand ce dernier redescendit dans sa maison,
c’est lui qui était devenu un homme juste,
plutôt que l’autre.
Qui s’élève sera abaissé ;
qui s’abaisse sera élevé. »

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