Pour le cardinal Koch, l'inculturation implique une purification

Roland Juchem, CIC / traduction Maurice Page

Le cardinal suisse Kurt Koch a participé au Synode sur l’Amazonie en tant que président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens. Dans un entretien à l’agence CIC, l’ancien évêque de Bâle parle du difficile oecuménisme en Amérique latine, de l’inculturation et de l’échange d’expériences pas toujours facile lors de la rencontre de trois semaines au Vatican.

Sous le pape François, l’Église catholique a renforcé le dialogue avec les communautés évangéliques et pentecôtistes. En Amazonie, ce n’est pas si facile parce que ces communautés sont souvent des concurrentes féroces pour les catholiques. Comment percevez-vous ce mélange confessionnel?
Kurt Koch: Je ne connais pas personnellement la situation. Je dépends de ce qu’on me rapporte. Au Synode, on en a relativement peu parlé. Quand les évêques disaient quelque chose, c’était souvent autocritique: par exemple, le fait que ces communautés sont présentes, alors que nos prêtres ne font généralement que des visites. Il faut distinguer les congrégations pentecôtistes qui souhaitent un dialogue de celles qui sont très anti-œcuméniques et anti-catholiques. Nous devons nous demander pourquoi nombre de fidèles quittent les communautés catholiques et protestantes historiques. Qu’avons-nous fait de faux? De l’autre côté nous pouvons apprendre, ce que nous ne devons en aucun cas adopter.

C’est-à-dire?
La prétendue «théologie de la prospérité», avec la promesse : Si vous venez chez nous, vous deviendrez riches. Ce serait tout le contraire de l’option préférentielle pour les pauvres des catholiques.

Ces nouveaux prédicateurs ne réussissent-ils pas aussi parce qu’ils se distinguent de tous les «méli-mélo» indigènes et catholiques: pas de symboles amazoniens, pas de saints, seulement la croix et la Bible. C’est une image plus claire.
Je dirais plutôt l’inverse. Ceux qui s’impliquent avec les peuples indigènes sont plus intéressants. L’inculturation est quelque chose de très important, mais elle implique toujours une purification.

Que faudrait-il purifier?
Il faut réfléchir: Quels éléments d’une culture ne peuvent pas être adoptés? Quels éléments ne peuvent être réconciliés avec la foi et doivent être différenciés de manière critique? J’ai beaucoup entendu parler de l’inculturation, mais peu d’une telle purification.

Que pourrait-on apprendre d’autre des pentecôtistes?
Deux choses. D’une part, la franchise de la foi ; la mentalité occidentale est parfois un peu confinée dans la tête. La foi dans ces communautés est beaucoup plus spontanée. Elle appartient tout à fait naturellement à la vie. Cela a à voir avec le fait que l’œuvre du Saint-Esprit est prise comme immédiatement perceptible.

Dans quelle mesure le Synode amazonien est-il aussi le résultat de cette pression concurrentielle?
Je n’ai pas l’impression que ce soit la raison principale du Synode. Il s’agissait de tracer de nouveaux chemins pour la pastorale et l’écologie intégrale.

Parmi les participants latino-américains, on a entendu dire que les membres de la curie ne comprennent souvent pas du tout ou seulement difficilement leurs préoccupations. Comment avez-vous perçu ce dialogue?
C’est une difficulté objective: les représentants de l’Amazonie ont des expériences directes, ils y vivent. Je n’y suis jamais allé moi-même et j’ai dû me demander encore et encore: qu’est-ce que cela signifie, qu’est-ce que tu veux dire? Ce n’est pas une conversation au même niveau d’expérience. C’est ainsi que peut naître l’impression: Ils ne nous comprennent pas. Mais je pense que c’est le contraire qui s’est produit, c’est du moins ce que j’ai vécu.

Les indiens Yiné de Santa Teresita, à une heure de pirogue de Puerto Maldonado, au cœur de l’Amazonie péruvienne | © Jean-Claude Gerez

Comment avez-vous vécu la discussion sur le projet de document final? Y a-t-il eu des déceptions?
C’est un problème de fond. Pour le document de travail, l’Instrumentum laboris,vous avez des mois et seulement quelques jours pour le document final. Après le Synode, il faudra se demander si l’on peut continuer avec cette méthodologie, surtout si le sujet est aussi vaste.

Une des suggestions est la création d’un rite catholique amazonien distinct, analogue à celui des Églises orientales. Qu’en pensez-vous?
La situation de départ avec les Eglises orientales me semble différente. Ces Eglises catholiques sont issues d’anciennes traditions orthodoxes qu’elles ont apportées avec elles lorsqu’elles cherchaient l’unité avec Rome. Les rites se sont développés organiquement. En Amazonie, il s’agirait d’en créer un nouveau.

Cela n’a pas pu être développé à partir de 500 ans d’histoire de l’Eglise en Amérique latine?
C’est ce que les populations locales doivent dire. Mais jusqu’à présent, elles ont la tradition latine. Je ne vois pas grand-chose sur quoi on pourrait construire historiquement, comme ce fut le cas pour les Eglises orientales.

Quelles conséquences possibles de ce synode voyez-vous pour l’Eglise en Suisse, en Europe?
Pour moi, beaucoup de questions concernent toute l’Eglise: sur le travail pastoral, les ministères, l’inculturation, les nouveaux rites. On ne peut pas aller immédiatement de l’Amazonie à l’Europe. Ce sont des questions que l’Eglise universelle doit traiter.

Cela signifie qu’il faudrait des synodes mondiaux sur chacun de ces thèmes?
Une assemblée plénière du synode des évêques pourrait le faire. Mais ce qui est décisif est ce que le pape en fait. (cath.ch/cic/mp)

Rédaction

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