Le congrès américain reconnaît le génocide arménien

La Chambre des représentants des Etats-Unis a reconnu formellement, le 29 octobre 2019, le génocide arménien. Ce vote acquis à une très large majorité a provoqué la colère de la Turquie qui, plus de 100 ans après les massacres, s’obstine toujours à refuser d’admettre le premier génocide de l’histoire contemporaine.

La résolution appelant à commémorer le génocide arménien et rejeter sa négation a été adoptée par 405 voix sur 435, avec une rare union entre les députés démocrates et républicains. Il s’agit néanmoins d’un texte uniquement déclaratif et non contraignant. Le résultat du vote a été accueilli par des applaudissements dans l’hémicycle.

Reconnu par une trentaine de pays

Le génocide arménien est aujourd’hui reconnu par une trentaine de pays et la communauté des historiens. Selon les estimations, quelque 1,5 million d’Arméniens ont été massacrés en 1915 par les troupes de l’Empire ottoman et leurs supplétifs kurdes.

Mais la Turquie refuse toujours l’utilisation du terme ‘génocide’, évoquant des massacres réciproques sur fond de guerre et de famine ayant fait des centaines de milliers de morts dans les deux camps.

En avril 2017, peu après son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump avait qualifié le massacre des Arméniens en 1915 d'»une des pires atrocités de masse du XXe siècle», tout en se gardant d’employer le terme ‘génocide’. Ankara avait alors déjà exprimé sa colère, dénonçant la désinformation et les mauvaises définitions du président américain. Avant d’être élu en 2008, son prédécesseur Barack Obama s’était lui engagé à reconnaître le génocide, un terme qu’il n’a cependant jamais employé en tant que président.

Une obstination ancienne

L’obstination à refuser de reconnaître le génocide arménien remonte aux origines mêmes de la Turquie moderne. Sous l’empire ottoman, la population de la Turquie actuelle comptait entre un quart et un tiers de non-turcs et non-musulmans, souvent installés sur ce territoire depuis des siècles: Arméniens, Assyriens et Grecs chrétiens, Kurdes sunnites, Alévis se rattachant à une autre branche de l’islam ou encore juifs, sans compter les plus petites minorités.

En construisant dès la fin de Première guerre mondiale, le mythe d’une nation turque composée de Turcs musulmans sunnites, les pères fondateurs de l’Etat ont exclu l’idée d’un pays multiethnique, multiculturel et multireligieux. Après l’élimination des Assyriens puis des Arméniens, et l’expulsion des Grecs, ce fut au tour des Alévis et des Kurdes de subir les persécutions et la répression. Tous les régimes successifs, militaires ou civils, d’Ataturk au président Erdogan ont systématiquement consolidé ce principe d’une nation turque unitaire et indivisible réprimant sévèrement toutes les velléités d’autonomie des peuples. Reconnaître le génocide arménien ouvrirait une brèche dans cet édifice si soigneusement bétonné. Ce qui est intolérable pour les dirigeants turcs.    

Relations tendues entre Ankara et Washington

Ce vote intervient alors que les relations entre les Etats-Unis et la Turquie, alliés au sein de l’OTAN, viennent de traverser une nouvelle zone de fortes turbulences. Le président Trump a laissé le champ libre à une offensive turque en Syrie contre les combattants kurdes, pourtant également alliés de Washington, en retirant les forces américaines du nord du pays début octobre. (cath.ch/ag/mp)

Maurice Page

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