St-Maurice: le trésor de l'Abbaye vaut bien une relique de saint Louis

Des reliques de saint Louis ont intégré le trésor de l’Abbaye de Saint-Maurice (VS), aux vêpres de la Toussaint, le 1er novembre 2019. L’étudiant designer genevois, Sylvain Ferrero, a eu le privilège de réaliser le reliquaire dans lequel le fragment du manteau royal repose désormais.

Au soir du 1er novembre 2019, fête de la Toussaint, une nouvelle relique a fait son entrée au trésor de l’Abbaye de St-Maurice, au terme de vêpres solennelles présidées par Mgr Jean Scarcella, Père-abbé du lieu. «Les derniers objets qui ont intégré le trésor sont une collection de calices des années 1930-40», rappelle le chanoine Olivier Roduit, procureur de l’Abbaye et directeur des collections abbatiales. «Il s’agit donc du premier reliquaire du 21e siècle à entrer à l’Abbaye», déclare l’Abbé Jean Scarcella.

«C’est le premier reliquaire du 21e siècle à entrer dans le trésor de l’Abbaye»

Tout commence en 2015. Un tout petit fragment textile, provenant du manteau de saint Louis, refait surface lors d’une vente aux enchères à Paris. Une Valaisanne – qui souhaite rester anonyme – l’acquiert pour l’offrir la même année à l’Abbaye de St-Maurice. «Elle ne voulait pas que cette relique reste dans le monde profane», précise Olivier Roduit, en ajoutant: «Dans son élan de générosité, la donatrice a également financé la réalisation du reliquaire».

Un projet impliquant les jeunes

Le reliquaire (à g.) doit pouvoir contenir le porte-relique, avec au centre le fragment du manteau de saint Louis | © Grégory Roth

Parce qu’avant d’entrer dans le trésor, il faut que la relique soit protégée de la lumière. Mais surtout, elle doit être contenue dans un vaisseau digne de son prestige, qui ne soit pas trop imposant et qui puisse être manipulé à l’occasion des processions et des rites religieux. En printemps 2019, l’Abbaye prend alors contact avec la Haute Ecole d’art et de design (HEAD) de Genève, et mandate vingt-deux étudiants de la filière «Design bijou et accessoires» afin de réaliser des prototypes de reliquaires.

«Il était important pour nous que ce soit des jeunes qui participent à ce projet, explique Denise Witschard, conservatrice-restauratrice en charge du chantier de l’Abbaye. «Les étudiants n’ont eu que quelques semaines pour se plonger dans cet univers particulier», indique Elizabeth Fischer, responsable du département Design Produit, Bijou et accessoires de la HEAD. Une visite du trésor, commentée par le professeur Pierre-Alain Mariaux, a permis à cette classe de 2e année de Bachelor de se familiariser avec les reliquaires agaunois, avant de se mettre à l’œuvre.

De la conception à une unique réalisation

Puis le jury, composé de l’Abbé de St-Maurice, de Denise Witschard, d’Elizabeth Fischer, et de la donatrice, s’est réuni à huis clos le 3 septembre afin de départager les vingt-deux projets de reliquaires et de désigner le lauréat. Le premier prix, Sylvain Ferrero, s’est alors activé afin de réaliser l’objet final avant la Toussaint. «Un reliquaire est là pour révéler ce qu’il contient, sans le divulguer, commente Mgr Scarcella. Et c’est parfaitement ce que représente le reliquaire de Sylvain Ferrero, qui est un chef-d’œuvre».

Sylvain Ferrero, posant avec «son» reliquaire, en compagnie de Mgr Jean Scarcella | © Grégory Roth

«Le reliquaire est là pour révéler ce qu’il contient, sans le divulguer. Ce que fait parfaitement l’œuvre de Sylvain Ferrero»

Le designer spécialisé dans l’horlogerie le reconnaît, il ignorait jusque-là l’existence, la signification et la fonction d’un reliquaire. «Je suis baptisé catholique, mais je n’ai pas trop baigné dans la religion et je ne suis pas pratiquant, a révélé le Genevois en conférence de presse. Par contre, j’ai beaucoup de respect pour la religion et la foi. Alors, en créant ce reliquaire, je voulais raconter une histoire simple, qui soit comprise de tous et qui me représente». L’argent et la fleur de lys représente la royauté et la vie de saint Louis, explique-t-il. L’or représente le monde divin. Le tout dans une sorte de drapé, imitant les plis d’un tissu. La forme exprime ainsi se qui se passe à l’intérieur.

Le reliquaire Custodiat

Baptisé Custodiat (protéger et garder, en latin), le reliquaire de Sylvain Ferrero rejoint un ensemble prestigieux, où se trouvent notamment la coupe «dite de saint Charlemagne», la croix reliquaire de la Vraie Croix, originaire du Nord de la France, et le reliquaire de la Sainte Epine, offerte par saint Louis, parmi la quarantaine de reliquaires que contient le trésor.

«Aujourd’hui est un grand jour pour l’Abbaye, mais aussi pour moi», déclare Sylvain Ferrero, devant l’assemblée réunie à la basilique après les vêpres. «Le fait que ma création entre dans le trésor d’Agaune est une carte de visite inestimable. Et une fierté d’avoir mon nom à côté de celui de grands orfèvres dont les œuvres ont intégré le trésor depuis des siècles». Le lauréat conclut en remerciant particulièrement Fabrice Schaefer, son professeur de la filière Design bijou et accessoires de la HEAD, qui l’a aidé à mener son projet à bien et «sans qui son reliquaire n’aurait sans doute pas pu voir le jour».

De g. à d., Elizabeth Fischer, professeur de l’HEAD; Sylvain Ferrero, lauréat; Sidonie Teikiteetini, vote du public; Jennifer Genovese, directrice du trésor | © Grégory Roth

Les vingt-et-une autres maquettes de reliquaires proposées par les étudiants de la HEAD sont également à découvrir dans le trésor jusqu’au 5 janvier 2020, dans le cadre de l’exposition temporaire «Reliquaire en chantier», consacrée à la restauration de la grande châsse qui abrite les restes de Maurice. (cath.ch/gr)

St-Maurice et saint Louis

Pour l’Abbaye de St-Maurice, saint Louis n’est pas n’importe quel saint. Il se trouve que la communauté de chanoines a entretenu une longue relation avec Louis IX. Le monarque, surnommé le ‘Prudhomme’, avait offert à l’Abbaye une épine de la Sainte Couronne du Christ, en échange de 25 reliques de saint Maurice et de ses compagnons, afin d’en répandre le culte et de susciter la ferveur des Français. Cette sainte épine, offerte par saint Louis en 1262, est toujours visible au sein du trésor d’Agaune, et sera placée à terme à côté du manteau «dit de saint Louis».

Le manteau en question a été conservé jusqu’en 1793 dans le trésor de la basilique de St-Denis, où se trouvent les tombeaux des rois. Mais personne ne peut affirmer que l’étoffe ait effectivement été portée par Louis IX, d’où son «appellation prudente».

Toutefois, l’Abbaye a confié un travail de datation à la Fondation Abegg-Stiftung, à Riggisberg (BE), leader mondial dans l’expertise des tissus anciens. Sur une vingtaine de pages, les analyses menées par les spécialistes de textiles anciens ont confirmé que ce fragment est contemporain au monarque, dont le règne s’étend de 1226 à 1270, qu’il pourrait bel et bien lui avoir appartenu. GR

Grégory Roth

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/st-maurice-le-tresor-de-labbaye-vaut-bien-une-relique-de-saint-louis/