Le mariage civil pour tous passe mal chez certains protestants

Au lendemain de la décision de la Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS) de soutenir le mariage civil pour les couples de même sexe, les voix réfractaires se font entendre. Elles se réjouissent que le mariage hétéro et homosexuel n’ait pas été mis sur le même plan au niveau liturgique.

Avec 45 oui, 10 non et 4 abstentions, une majorité de délégués de la FEPS ont dit «oui» au mariage civil pour tous. Ils recommandent aussi d’adopter l’éventuelle modification de la définition du mariage au plan civil comme prérequis au mariage religieux et de garantir la liberté de conscience des pasteurs, comme pour tous les autres actes ecclésiastiques.

En revanche, ils ont refusé d’intégrer le mariage des couples de même sexe dans les registres des mariages des Églises membres et d’élaborer la liturgie de la même façon que pour le mariage de couples hétérosexuels. Un point que soulignent aujourd’hui les voix réticentes au sein de la communauté protestante.

Pour un délégué romand qui fait partie des minoritaires, le mariage hétérosexuel ne peut pas être mis sur le même plan, au niveau liturgique, qu’un mariage hétérosexuel : «La position catholique est plus proche de ce que je pense», dit-il sous couvert d’anonymat. 

Délégué de l’Eglise réformée valaisanne lui aussi opposé au mariage pour tous, Daniel Ruegg se déclare étonné que l’église protestante se positionne sur la question, alors que le politique ne l’a pas encore réellement fait. Or pour lui, les choses sont claires: «L’institution du mariage lie un homme et une femme. Au plan théologique, je ne suis donc pas d’accord. L’Eglise, et donc moi en tant que pasteur, peut-elle bénir des unions de couples de même sexe?», se demande-t-il. S’il souligne que l’Eglise réformée a une tradition de tolérance qui lui paraît importante, beaucoup sont encore réticents en son sein, estime-t-il.

Les réticents

Et parmi les résistants, on compte des pasteurs et des laïcs qui ne sont pas délégués à la FEPS et qui ont fait connaître leur position avant l’Assemblée des délégués: «Nous avons rédigé une lettre ouverte à l’intention des délégués, signées par plus de 8465 personnes issues des paroisses réformées mais aussi d’autres communautés», explique Gérard Pella, l’un des responsables du Rassemblement pour un renouveau réformé (R3) et pasteur de l’église évangélique réformée vaudoise (EERV) aujourd’hui à la retraite. «Le document demande aux instances dirigeantes des Églises protestantes de Suisse de renoncer à se prononcer en faveur d’une célébration d’un mariage religieux pour un couple de même sexe.» Une autre déclaration d’octobre 2019, signée par des théologiens et des pasteurs surtout suisses allemands, va dans le même sens. Ce document estime en particulier qu’introduire un mariage religieux pour des couples de même sexe est en «rupture radicale avec la tradition judéo-chrétienne et avec les confessions chrétiennes». 

Verre à moitié vide, à moitié plein

Au lendemain du vote, le «oui» au mariage civil, c’est donc, pour Gérard Pella, le verre à moitié vide: «Je suis peiné par cette décision car c’est une prise de position qui répond au désir du milieu LGBT et des théologiens plus libéraux». Le pasteur se dit en revanche rassuré par le verre à moitié plein, car la décision prend en compte trois demandes de leur part, à commencer par la garantie de la liberté de conscience des pasteurse-s. «Celles et ceux qui ne souhaitent pas célébrer le mariage de personnes de même sexe sont libres de ne pas le faire». Deuxième point qui correspond aux positions des opposants, l’assemblée a renoncé à se prononcer en faveur du mariage religieux: «On a été entendus, ce point n’a pas été voté. Le point de vue officiel est que cette compétence revient aux Eglises cantonales. Le débat va donc se poursuivre à ce niveau.» Enfin, troisième et dernier élément, «le rappel qu’il existe plusieurs conceptions du mariage au sein des Eglises protestantes.»

Pour Gérard Pella, avoir encouragé le mariage pour tous est grave: «C’est un peu comme une boîte de Pandore. On ne peut pas en mesurer toutes les conséquences, car derrière se cache la revendication de l’adoption et de la procréation médicalement assistée, voire de la gestation pour autrui.»

Reste qu’avec les recommandations adoptées par la FEPS, la balle est désormais dans le camp des Eglises cantonales. À elles de voir si et comment elles les appliqueront. (cath.ch/cp)

Carole Pirker

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