«Les prisons ne contribuent pas à la justice»

«Il faut que l’Eglise catholique aide à trouver des alternatives intelligentes à l’incarcération qui ne résout pas le problème de la réinsertion sociale», a déclaré Jean Caël, responsable de la section Prison-Justice du Secours Catholique (Caritas France), le 7 novembre 2019.

Propos recueillis au Vatican par Paul-Ambroise de Dinechin, I.MEDIA

Jean Caël, responsable de la section Prison-Justice du Secours Catholique, de Caritas France, participait au colloque organisé au Vatican par le Dicastère pour le service du développement humain intégral sur la pastorale des prisons.

Dans les prisons, quel est le plus grand défi auquel l’Eglise fait face?
Il y a en Europe des problématiques communes. La première d’entre elles sans doute reste que l’Etat se désintéresse de la question des prisons. On affiche des politiques de réinsertion sans véritables moyens de les mettre en œuvre. Cela fonctionne plus comme une machine à gérer et à dissimuler la pauvreté que comme une manière de prononcer des sanctions intelligentes permettant aux individus de retrouver une place dans la société.

Lors de cette réunion au Vatican, on a constaté que la justice n’était pas aussi juste que cela. Elle s’en prend davantage aux pauvres qui peuvent le moins se défendre. Beaucoup de personnes qui n’y ont pourtant pas leur place se trouvent en prison: des malades mentaux, des marginaux ou encore des consommateurs de drogue. Ces personnes ne sont pas forcément à l’origine d’un fait délictuel quoiqu’elles en sont pourtant le vecteur temporaire. Malheureusement, ce sont elles qui subissent la sanction. Les prisons ne contribuent donc pas à la justice.

Le pape François a récemment relevé le «grave problème» de la surpopulation carcérale en Italie. Qu’en est-il en France?
C’est identique. Cela signifie que la justice frappe fort et qu’elle néglige les alternatives à l’incarcération. Culturellement, la prison reste symbolique. En réalité, elle est plus nuisible que constructive. En particulier, les courtes peines: en trois mois, on a le temps de perdre son appartement, son travail et son conjoint.

«On pourrait imaginer la création d’une Journée mondiale du respect du prisonnier, puisqu’ils sont si souvent méprisés»

Qu’ils soient de l’Eglise ou des ONG, les réseaux doivent être plus critiques sur ce qui paraît être une évidence. Pour l’opinion publique, construire de prisons en plus grand nombre permet d’enfermer plus de personnes et de résoudre le problème de surpopulation carcérale. Mais ce n’est pas la solution. Il faut proposer des sanctions plus intelligentes. Les services d’Eglise devraient par exemple offrir des places d’alternative à l’incarcération. 

Qu’est-ce que le Vatican peut apporter dans un tel combat?
A plusieurs reprises, et sur différents continents, a été émis le souhait d’avoir un texte issu du pape pour asseoir notre légitimité, notre crédibilité. Il y a très peu de populations cibles que le Christ cite et vers lesquelles il recommande de se tourner de manière préférentielle. Mais dans l’évangile de saint Matthieu, au chapitre 25, Jésus invite à aller visiter les prisonniers. L’Eglise doit mettre cela davantage en avant à travers la pastorale de la prison. On pourrait aussi imaginer la création d’une Journée mondiale du respect du prisonnier, puisqu’ils sont si souvent méprisés.

Quant au pape François, on a besoin qu’il nous encourage et nous confirme dans cette mission. Il a d’ailleurs prouvé à de nombreuses reprises son intérêt pour les prisonniers: dans chaque pays qu’il visite, le chef de l’Eglise catholique se rend dans une prison. Il faut qu’il continue à tracer cette route, car c’est par l’exemple mieux que par le discours que l’on convainc. (cath.ch/imedia/pad/gr)

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