Brésil: les évêques contre la construction d’une centrale nucléaire

«Nous n’avons pas besoin d’une centrale nucléaire» déclarent les évêques brésilien, à propos d’un projet de construction d’une usine nucléaire dans le nord-est du Brésil. Evoqué depuis plusieurs mois, le projet a été confirmé fin octobre 2019 par le gouvernement de Jair Bolsonaro.

«Nous sommes guidés et illuminés par l’idée que le progrès et le développement sont authentiques et réels, uniquement lorsqu’ils sont au service de la vie des plus démunis et non au profit d’une élite restreinte». C’est ainsi que se sont exprimés, lundi 11 novembre, les représentants pour la région nord-est de la Conférence Nationale des Évêques du Brésil (CNBB) à propos du projet de construction d’une centrale nucléaire à Itacuruba, une municipalité située au cœur du Sertao brésilien, dans l’État du Pernambuco, au nord-est du pays.

Confirmé fin octobre par Bento Costa Lima Leite de Albuquerque, le Ministre des Mines et de l’Énergie du gouvernement de Jair Bolsonaro, le projet de cette usine d’une capacité de six réacteurs fait l’objet de nombreuses critiques de la part de plusieurs observateurs. C’est le cas par exemple de José Junior Karajá, géographe et conseiller technique auprès du Conseil Indigéniste Missionnaire pour la région du Nordeste (CIMI/NE). Dans une interview accordée début octobre au site jésuite Instituto Humanitas Unisinos, le scientifique alertait déjà sur les conséquences possibles de la présence d’un complexe nucléaire près des berges du Rio Sao Francisco, le 5ème cours d’eau le plus important du Brésil.

Impacts sur l’environnement…

«Les réacteurs d’une usine nucléaire fonctionnent à haute température et ont besoin pour cela d’être refroidis sans interruption pour éviter tout risque d’explosion et d’irradiation, expliquait le scientifique. Le choix de la commune de Itacuruba, près du fleuve Sao Francisco, permettrait donc de disposer de suffisamment d’eau pour refroidir les réacteurs. Le problème, c’est que l’eau utilisée pour le refroidissement des réacteurs retourne vers le fleuve avec une hausse de température de 4 à 5 degrés, ce qui provoque des interférences au sein de la faune et de la flore du milieu aquatique et peut altérer l’ensemble de l’écosystème».

… et les populations

L’autre préoccupation que suscite ce projet nucléaire est l’impact prévisible sur les populations. La région d’Itacuruba est en effet habitée par des peuples indigènes, quilombolas (n.d.l.r. descendants des esclaves) et des populations traditionnelles « ribeirinhas » (riveraines), qui vivent toutes quasi essentiellement de la pêche. Ces populations ont déjà été impactées à plusieurs reprises depuis les années 1950 par la construction de pas moins de huit complexes hydroélectriques aux alentours du lieu choisi pour le projet de la future usine nucléaire, comme le souligne les évêques de la région.

«Les personnes qui vivent dans cette région ont un visage, un nom, une histoire, a ainsi rappelé Mgr Gabriel Marchesi, évêque du diocèse de Floresta, sur lequel se trouve la commune de Itacuruba. Et cette histoire comprend des promesses non tenues avec l’implantation des centrales hydroélectriques, et des espoirs frustrés par l’impossibilité de continuer à travailler et vivre dignement». D’où la préoccupation du prélat liée au «respect de la vie de ceux et celles qui vivent dans la région (…) et qui veulent se construire une existence meilleure, en accord avec leur mode de vie, leurs traditions, leurs possibilités et leurs aspirations».

D’ailleurs, pour Mgr Paulo Jackson Nobrega de Sousa, l’évêque du diocèse Garanhuns, à 300 km à l’est de Itacuruba, et président de la CNBB-région Nordeste, les habitants de la région ne sentent pas le besoin d’une usine nucléaire. «Nous dénonçons les erreurs du passé et estimons qu’elles devraient nous aider à mieux réfléchir, pour qu’elles ne se répètent pas et, surtout, pour que les décisions ne soient pas prises sans écouter les principaux intéressés».

Eglise mobilisée

Dans cet optique, la mobilisation de l’Église du Nordeste est importante sur ce dossier. Par exemple dans le diocèse de Floresta, les paroisses pastorales  et les pastorales, en particulier la Commission Pastorale des Pêcheurs (CPP), multiplient les réunions d’information et de sensibilisation des populations sur le projet de construction de l’usine nucléaire.

De leur côté, Fernando Saburido l’archevêque de Olinda et Recife, et son évêque auxiliaire Mgr Limacêdo Silva, ont déjà rencontré plusieurs députés de l’État du Pernambuco afin de partager leurs préoccupations et celles des habitants. Une démarche de sensibilisation est également menée au siège de la Conférence Nationale des Évêques du Brésil (CNBB) à Brasilia. De quoi, espèrent-ils, susciter le débat sur ce projet et, plus largement, sur la place de l’énergie nucléaire au Brésil. (cath.ch/jcg/gr)

Jean-Claude Gérez

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