Le diocèse de LGF veut harmoniser sa «mosaïque culturelle»

Des fidèles et un clergé issus de nombreuses origines et cultures composent aujourd’hui le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF). Mais comment renforcer l’harmonie de cette mosaïque? C’est sur cette question que s’est penchée la session diocésaine annuelle, réunie du 12 au 14 novembre 2019 à Palexpo, à Genève.

Dans la Halle 1 de Palexpo, des centaines de petits drapeaux de pays s’étalent sur les tables rondes, et on croirait assister à un colloque d’une grande agence internationale. Car c’est bien d’universalité qu’il est question lors de cette session diocésaine intitulée «Eglise sans frontières».

«Inculturation», «migrants», «malentendus culturels», sont autant de termes clé que les 420 agents pastoraux, évêques, vicaires, prêtres et autres chargés de communication de LGF discutent en ateliers ou décodent en écoutant les divers intervenants qui se succèdent à la tribune. Ils abordent des questions liées au phénomène migratoire, avec notamment Patrick Renz, ancien directeur national de Migratio et de l’Action de Carême, ou Luca Marin, directeur du Centre d’information et d’études sur les migrations

Exposés sur la ‘pluriculturalité’

Mais les exposés explorent également la ‘pluriculturalité’ sur les plans théologique et ecclésiologique, avec Chantal Reynier, docteur en théologie, enseignant notamment à l’Université de Fribourg, l’abbé Jacques Rime, prêtre de LGF, Thomas Staubli, agent pastoral dans la pastorale de l’asile du diocèse, Sœur Marie-Hélène Robert, professeur de théologie à l’Université catholique de Lyon (UCLy), ou encore Nicolas Glasson, vicaire épiscopal dans le canton de Fribourg pour les vocations.

Le 13 novembre, Sœur Marie-Hélène Robert a fait profiter l’assistance de son expérience étendue de la pluriculturalité. Exerçant également la fonction d’animatrice de sessions sur les malentendus culturels, la Sœur Missionnaire de Notre-Dame des Apôtres a parcouru plus de 30 pays et vit depuis 25 ans dans des communautés pluriculturelles.

En marge de la session, la religieuse française a répondu à quelques questions d’approfondissement sur le thème de la rencontre. (cath.ch/rz)

Soeur Marie-Hélène Robert est une spécialiste de la pluriculturalité | © Raphaël Zbinden

Sœur Marie-Hélène Robert: «Nous devons tous négocier des éléments de notre culture»

Vous êtes une spécialiste des «malentendus culturels». Y en a-t-il beaucoup dans l’Eglise?
La pluriculturalité est déjà une pleine réalité en Eglise, dans de très nombreux endroits. Maintenant, il s’agit de trouver des outils pour la vivre au mieux. Et cela passe par la levée des «malentendus», qui surviennent presque inévitablement lorsque des cultures se rencontrent. Parfois on charge l’autre, on le considère comme un «ennemi», alors qu’il ne s’agit que d’une incompréhension réciproque. Il suffit parfois de s’expliquer. On en discute, on en rit et ça va mieux.Les problèmes les plus aigus se posent quand les éléments qui semblent «structurels» dans la culture d’une personne sont menacés. Par exemple, l’hospitalité peut être vue comme structurelle dans la culture espagnole, de même que l’efficacité du travail dans la culture allemande. Si un Espagnol vient en Allemagne, des contradictions peuvent apparaître entre les attentes des deux personnes. Quand l’Espagnol pense que l’Allemand doit l’amener à l’aéroport alors que ce dernier a un travail important à terminer. La clé est ici dans la négociation et la communication, autant pour celui qui arrive que pour celui qui accueille. Il s’agit de faire des compromis, sans toutefois renier sa propre culture.

Mais la pluriculturalité est de mise dans toute la société, l’Eglise a-t-elle dans ce domaine une particularité?
L’Eglise a deux caractéristiques: elle fonctionne comme un groupe humain tout en étant transcendée par Dieu. Par rapport à d’autres secteurs de la société, elle a l’avantage de posséder une référence commune qui est l’Evangile, ainsi qu’une organisation connue de tous. Tout le monde sait ce que signifie s’agenouiller ou faire un signe de croix.

«Qui suis-je pour juger celui qui ne se comporte pas de la même manière que moi à table?»

Récemment, des statues amazoniennes posées dans une église dans le cadre du synode, à Rome, ont été jetées dans le Tibre. S’agissait-il d’un «malentendu culturel»?
L’Eglise accepte qu’il y ait des milliers de manière d’exprimer sa foi. Mais il est vrai que des anomalies se sont produites. Par exemple chez beaucoup de missionnaires des siècles passés, qui assimilaient totalement l’annonce de l’Evangile à l’imposition de la civilisation occidentale. Ils ne savaient pas fonctionner autrement qu’avec la culture d’origine et ne comprenaient pas la valeur culturelle des peuples qu’ils évangélisaient. Le synode sur l’Amazonie est aux antipodes de cette tendance, car il consistait à écouter les valeurs culturelles de l’autre. Mais il est clair que l’on ne peut pas non plus en arriver à se prosterner devant des idoles, car un chrétien ne peut se prosterner que devant Dieu et les figures qu’il transcende. Un équilibre est à trouver entre ces deux extrêmes.

De façon concrète, quelles pistes un diocèse peut mettre en place pour améliorer la compréhension interculturelle en son sein?
Il est toujours utile d’avoir des formations en communication. Mais cette simple session diocésaine est déjà un grand pas. Le fait de s’asseoir ensemble, de parler et de rire de ses différences, débloque énormément de choses. Cela permet tout d’abord de se rendre conscients des blocages et des craintes qui peuvent exister en nous.
Car c’est souvent la peur qui est à l’origine des malentendus culturels. La peur d’être submergé, de perdre ses repères, de se voir imposer d’autres modes de fonctionnement. La personne qui a peur n’est pas allée au fond d’elle-même pour voir à quoi elle tient vraiment. Si la valeur de fond est l’amour universel, on peut passer sur le fait d’être en retard de temps en temps.
La recette, c’est de communiquer en parlant le même langage, le langage de l’amour, qui se nourrit de la sagesse. Et puis rester dans l’humilité. Dieu vit en chacun, et qui suis-je pour juger la personne qui ne se comporte pas de la même manière que moi à table?

Raphaël Zbinden

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