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Bruxelles: Les journalistes et éditeurs catholiques (101295)
se penchent sur « l’expérience des valeurs chrétiennes dans les quotidiens »
Daniel Cornu présente les enjeux d’un journalisme chrétien
Bruxelles, 10décembre(APIC) Y a-t-il un profil du journalisme catholique?
Que peuvent les journalistes pour promouvoir une lecture chrétienne de
l’actualité? Ces deux questions étaient au centre du symposium qui a réuni
le 8 décembre à Bruxelles des journalistes et éditeurs de journaux catholiques de Belgique. Daniel Cornu, directeur du Centre romand de formation des
journalistes à Lausanne, était l’un des principaux orateurs de la journée.
Que pourrait être le journalisme chrétien, dans une société pluraliste
et moderne? Pour Daniel Cornu, la réponse ne peut se cantonner dans une
étroite réaffirmation de valeurs morales. L’expérience chrétienne ne se réduit pas à une morale; elle s’ancre dans une foi en Jésus Christ, partagée
par une communauté. De plus, entre chrétiens, l’Evangile inspire des « réponses variables, et parfois opposées ».
Cela signifie-t-il une perte de profil pour les journalistes chrétiens?
Non, estime D. Cornu, pour autant qu’ils s’efforcent de mettre en oeuvre
une expérience des valeurs chrétiennes à chaque étape de leur travail.
Ainsi, dans l’observation et la collecte des faits, tout journaliste
pratique déjà un choix. « Une observation chrétienne de l’actualité rappelle
que les grands et les petits enjeux de l’actualité mondiale ont pour fin
ultime l’homme, comme créature de Dieu rachetée », suggère le professeur
suisse. Au fil des jours, il y a des faits à repérer qui n’ont rien de
grandiose et sont pourtant « signes de l’oeuvre de libération ».
D. Cornu pousse sa suggestion jusqu’au bout : pourquoi une observation
chrétienne de la réalité ne mènerait-elle pas « à la découverte de la face
cachée de l’actualité, à l’octroi d’un droit de parole à des hommes vivant
de l’autre côté de la réalité médiatique, à l’attention portée aux plus petits, aux plus faibles, afin de leur permettre de faire le récit de leur
vie et de questionner à partir de leurs expériences les divers ordres qui
entendent la régenter: la raison politique, la logique économique, les lois
et les normes sociales »?
Une interprétation à la lumière de la foi d’une communauté
L’observation se complète ou se corrige par des éclairages ou des explications complémentaires. La foi ne fournit pas au chrétien des interprétations toutes faites. S’il est journaliste, remarque D. Cornu, les événements réclameront de lui tout un travail d’interprétation à la lumière de
l’expérience croyante d’une communauté. Travail toujours « provisoire et imparfait », qui renvoie par là même à une vérité qui dépasse le journaliste.
Qu’il ne craigne donc pas de pousser l’interrogation jusqu’à saisir dans
l’actualité journalistique des « signes » de la présence du Christ « dans
l’existence quotidienne des hommes ».
Après l’observation et l’interprétation vient le récit. Y aurait-il aussi un art « chrétien » du récit? Daniel Cornu croit le déceler dans les récits qui donnent à l’histoire sa force de « libération » jusque dans les bouleversements ou dans les épisodes tragiques. La journaliste tchèque Milena
Jesenska, morte en camp de concentration, voyait le journaliste comme un
« médiateur… entre les événements et le peuple ». Du journaliste chrétien,
on attend le récit d’ »une liberté selon l’espérance », et même, selon l’expression du philosophe français Paul Ricoeur, une « liberté pour déchiffrer
les signes de la résurrection sous l’apparence contraire de la mort ».
Mais, avertit Daniel Cornu, le journaliste chrétien peut être alors un
témoin « foncièrement inattendu et déstabilisant parce qu’il impose une référence à un langage et à des normes qui viennent mettre en question radicalement le langage et les normes mêmes du système ». Si on lui demande
d’être attentif aux signes de « salut » ou de « résurrection », il faut s’attendre à ce qu’il n’épouse pas forcément les modes du temps ou du lecteur,
et ne laisse pas les événements porteurs de sens « filer comme des météores »… pour qu’ils ne questionnent pas trop.
En 1963, dans son encyclique « Pacem in Terris », le pape Jean XXIII retenait la vérité, la liberté, la justice et la solidarité (ou l’amour) comme
quatre valeurs fondamentales pour la vie en société. Protestant, Daniel
Cornu assume volontiers cette proposition pour une lecture chrétienne de
l’actualité qui soit capable, non seulement de générer mais « de régénérer
les principales valeurs constitutives de la société ».
Témoins d’espérance
Roger Dillemans, recteur de la Katholieke Universiteit de Leuven de 1985
à 1995, croit aux codes éthiques et à la déontologie, mais non à leur pouvoir magique: « leur apport est nul, dit-il, lorsque la violation de ces codes fait grimper les ventes et vaut au journaliste contrevenant la protection des éditeurs ». Pour R. Dillemans, la course à l’audience mine l’éthique même de la profession. Mais il y a davantage: une « crise culturelle générale », avec « remise en question des valeurs et certitudes fondamentales,
laissant un vide existentiel que bien des esprits désemparés ont du mal à
combler ». Or, poursuit-il, « ce dont l’humanité a besoin aujourd’hui, c’est
d’une vision positive sur son existence et son avenir »; bref, un besoin
d’espérance ».
Les journalistes catholiques auraient-ils le monopole des valeurs ou le
« privilège du coeur »? « Non, et tant mieux! », devait se réjouir Philippe
Vandevoorde, en concluant les échanges au nom de l’Association des journalistes catholiques de Belgique qu’il préside. Mais, « ce qui distingue un
journaliste catholique est d’abord sa foi. Foi en Dieu, en son Amour, donc
en l’homme, sa création, malgré les errements les plus révoltants dont
l’actualité nous livre chaque jour son abondante moisson. Une foi qui ne
trouve pas seulement à s’exprimer dans son rôle, spécifique ou occasionnel,
d’informateur religieux, mais dans la manière même de pratiquer son métier. » (apic/cip/mp)
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