Noël pour les prêtres: du stress du ministère à la joie du mystère

APIC – Témoignage

Marie-Claude Fragnière, pour l’Agence APIC (051295)

Fribourg, 5décembre(APIC) Ca y est, nos villes grandes et moyennes pétillent comme du champagne sous le scintillement des mille et une décorations

de Noël. L’ambiance est à l’effervescence. Toute l’année, on trotte à cent

à l’heure et voilà que le mois de décembre – le temps de l’Avent – apparaît

comme le marathon final. Ce n’est plus du trot mais du galop: de la banque

au magasin, des cartes de voeux au bureau de poste, du miroir aux boutiques

de mode, etc. Et dans la tête, c’est la balade du cheval fou, l’accélération en vue de la fête de Noël: prévoir tout et davantage. La tête, le

temps, le coeur, le corps: partout on affiche complet. Il n’y a plus le

moindre espace pour préparer Noël. Comprenons-nous bien, je voulais parler

de la venue de l’Emmanuel parmi les hommes. Mais si, rappelez-vous: ce bébé-Dieu couché dans la mangeoire de nos coeurs à la merci de nos oublis.

La fresque est caricaturale? Encore que…

Et au fait, pour un prêtre, comment ça se passe cette période du choc des

rencontres entre temporel et intemporel? Réponse à trois voix.

Luigi Griffa, vicaire à la paroisse du Christ-Roi à Fribourg

Noël pour vous, cette année. Cela représente-t-il un grand nombre d’heures

de ministère?

Cela commence avec les confessions du samedi après-midi, la messe du samedi soir, puis les trois messes du dimanche matin, l’après-midi c’est la

préparation de la messe de minuit elle-même, avec ensuite le verre de

l’amitié. Le lendemain, jour de Noël, il y a les messes du matin. Il faut

compter pratiquement deux jours et demi de ministère non-stop pour le weekend de Noël.

Avez-vous l’impression d’être débordé par cette tâche?

Personnellement, je suis au début de ma vie de prêtre, mais je pense

qu’avec les années et l’expérience, on peut par la planification à l’avance, alléger cette charge de ministère. Ce qui est exténuant, ce sont les

jours qui précèdent Noël avec les soupers, les visites que nous faisons

dans les hômes et les hôpitaux, les réunions de groupe, les rencontres personnelles. Sans compter les enterrements dont le rythme n’est évidemment

pas diminué parce que c’est Noël. Il est évident que la période de l’Avent,

est pour nous prêtres synonyme d’activité intense, de fatigue, voire de

stress.

La fatigue physique et le stress, ne sont pas incompatibles avec l’imprégnation du mystère de paix et de joie de Noël?

On a beau s’être tué à la tâche pendant les jours qui précèdent, la nuit

de Noël, il y a chaque fois un moment de grâce où l’on est vraiment porté,

et où l’aspect « poids lourd » du ministère disparaît. Je me souviens d’une

année récente où le 24 décembre même, dans l’après-midi, j’avais vécu une

rencontre très éprouvante qui m’avait boulversé. Mais la nuit même, pendant

la messe, la grâce de Noël était au rendez-vous.

Que signifie pour vous bien vivre Noël?

Se donner totalement pour les célébrations. La plus grande joie d’un

prêtre, c’est d’arriver à transmettre à ceux qui nous sont envoyés cette

intime conviction: Dieu s’est fait l’un des nôtres.

Vivre en plénitude une fête liturgique: cela se travaille ou cela se reçoit?

C’est quelque chose qui se reçoit, mais comme cela revient chaque année,

que c’est répétitif, on peut en le sachant à l’avance contribuer à se préparer à accueillir ce que l’on va recevoir. On peut par cet « avant » contribuer à une meilleure réceptivité de la grâce. Cependant, j’ai remarqué que

si l’on prépare une fête liturgique en mettant avec la meilleure intention

du monde toute sa concentration sur la préparation, on finit par oublier ce

que l’on prépare. On finit par croire que c’est de nous qui dépend complètement la grandeur et la beauté de la fête liturgique.

Qu’est qui vous ferait le plus plaisir à Noël?

Que le plus grand nombre de nos paroissiens sortent de la messe de minuit avec la certitude au coeur que Dieu est là…

Mauro Lepori, Abbé de l’Abbaye cistercienne d’’Hauterive, près de Fribourg

La fête de Noël représente un grand nombre d’heures de ministère?

Au monastère, le ministère c’est surtout la prière, la liturgie, les

messes, les répétitions des cérémonies et la préparation ds homélies. Il ya

aussi durant cette période une nette augmentation des confessions, une augmentation de l’activité d’accueil à l’hôtellerie. C’est également pour Noël

que nous envoyons notre chronique annuelle ainsi que nos voeux. C’est vrai

que le monastère devient un peu une fourmilière pendant la période de

l’Avent. Mais dans la clôture, le silence et le recueillement demeurent.

Avez-vous l’impression d’être débordé par cette tâche?

Cette année, j’ai demandé que la rédaction de la chronique se fasse

avant décembre pour atténuer un peu cette pression, pour éviter le mauvais

stress. J’appelle mauvais stress celui qui engendre de la nervosité intérieure et extérieure. Je dois vous dire qu’en entrant au monastère, j’étais

soulagé d’être détaché de l’aspect social des convenances à respecter, des

achats, des cadeaux à faire, etc. J’étais heureux d’être libéré de ce « surmoi social » un peu artificiel qui génère beaucoup d’agitation et de distraction. J’aspirais au silence pour goûter le mystère de Noël et j’étais

heureux de le trouver à Hauterive.

La fatigue physique et le stress, ne sont-ils pas incompatibles avec

l’imprégnation du mystère de paix et de joie de Noël?

Cette question, je peux me la poser chaque jour de l’année – liée à ma

fonction de Père Abbé -. Ne me fait-elle pas passer à côté de ma vocation

la plus profonde? Quelle est ma vocation la plus profone? Souvent, on a des

clichés sur la forme que doit prendre notre vocation. On se voit, on se

projette en train de réaliser sa vocation de telle manière. Mais Dieu est

là pour nous surprendre. Si j’ai conscience que ma vocation la plus profonde, c’est de vivre chaque instant par et pour le Seigneur, si c’est là ma

seule vraie valeur et que je veux la vivre en toute circonstance, alors au

coeur même du stress, la plénitude de ma vocation peut se réaliser, même si

ce n’est pas selon le climat serein, propice à la contemplation, que

j’avais souhaité. Je dirais même, surtout si ce n’est pas tel que je

l’avais souhaité, car je prouve là que mon essentiel n’est pas dans mes activités, mais dans mon coeur à coeur avec le Christ.

Que signifie, pour vous, bien vivre Noël?

C’est devenir un peu plus pauvre face au mystère. Je veux dire: avoir

moins d’encombrement entre moi et le Seigneur, c’est être pauvre face au

Christ pauvre. C’est également communier à la souffrance du monde. Noël est

un mystère de joie, non parce que nos souffrances seraient abolies mais

parce que nous sommes consolés par la présence de Jésus.

Vivre en plénitude une fête liturgique: cela se travaille ou cela se reçoit?

Une fête liturgique est toujours un événement de grâce. Quand il s’agit

de grâce, c’est l’ouverture du coeur qui est importante. Si je choisis

d’ouvrir mon coeur, alors je dois orienter ma liberté dans le sens de ce

choix, c’est-à-dire refuser d’être rempli par autre chose que par le Seigneur. C’est là ma part d’intervention, le reste est donné.

Qu’est ce qui vous ferait le plus plaisir à Noël?

Recevoir cette grâce: avoir davantage conscience que l’Amour du Christ

est tout et qu’Il suffit. Je le voudrais pour ma communauté et pour moi.

Abbé André Bise, curé de campagne à Vuadens en Gruyère

Concrètement, combien d’heures de ministère cela va représenter pour

vous, la fête de Noël de cette année?

C’est difficile à chiffrer. Il ne s’agit pas vraiment d’un nombre précis

d’heures de travail. Je parlerais plutôt d’une préoccupation constante depuis le début de l’Avent pour la mise en place de la fête de Noël. Cette

mise en place se fait à trois niveaux: la préparation de la liturgie:

chants, crêche, décoration, enfants de choeur; la préparation plus intérieure des paroissiens: confessions, homélies, recontres: et enfin la préparation ou du moins la présence aux rencontres communautaires – qui sont

toujours des occasions de contact que j’apprécie – avec les personnes âgées, les malades, les enfants, etc.

Avez-vous l’impression d’être débordé par cette tâche?

Non, pas du point de vue de la tâche concrète à accomplir. Cependant, je

pourrais dire que je connais cette impression de débordement face à la préparation spirituelle au mystère de Noël: il y aurait tant à faire!

Je crois qu’il y a en effet une certaine incompatibilité. J’ai toujours

eu l’impression que l’affairement autour des fêtes de Noël prenait le dessus sur la réalité de la foi. L’émerveillement face à cette chose étonnante. « Dieu vient demeurer parmi nous », est souvent étouffé par l’activisme

profane, sentimental, voire folklorique lié à la préparation de Noël.

Que signifie pour vous bien vivre Noël?

Voila la question importante. Je n’ai jamais été satisfait par la façon

de vivre les fêtes de Noël en paroisse. Bien sûr, je ne suis pas juge: il

peut se passer des merveilles dans les coeurs même si on ne vient à l’église que pour vibrer de souvenirs en entendant chanter « Il est né le divin

Enfant » ou que pour montrer la crêche aux enfants – en ce sens là, les enfants à Noël ont souvent auprès de leurs parents le rôle des anges auprès

des bergers: « Un Enfant nous est né, allons voir là-bas ».

Mais je reste sur ma faim. J’aimerais que l’attente et la réception de

l’Enfant Jésus se fasse d’une manière plus intense, plus silencieuse, plus

vraie. Je ne parle pas uniquement pour les autres, moi aussi je me sens

pris parfois dans les filets de l’activisme, de la distraction, de la tension à la période de Noël. J’en souffre et je pense ne pas être le seul.

Quelquefois j’aspire à vivre l’Avent et préparer Noël avec un petit groupe

dans le silence et la simplicité. J’ai la chance d’avoir des paroissiens et

des paroissiennes fidèles aux messes de semaine et j’aime sentir cette ferveur simple et profonde qui se vit sobrement sans souci du décor. Je crois

que c’est dans la simplicité et ce silence que l’on peut vraiment s’intérioriser. Bien vivre Noël, c’est le vivre dans la foi.

Vivre en plénitude une fête liturgique: cela se travaille ou cela se reçoit?

Pour répondre à cette question, je vais vous raconter un paradoxe que

j’ai expérimenté il y a quelques années. Un groupe de jeunes avait dit

qu’il tenait à s’occuper de la préparation du vin chaud et des biscuits

après la messe de minuit. Ils avaient fait cela d’une manière remarquable,

les biscuits étaient excellents, tout était parfaitement bien préparé, mais

ce l’était tellement qu’ils n’avaient pas eu le temps de venir à la messe.

Le souci de bien faire avait totalement évacué l’essentiel de Noël. Cela

montre bien les limites de la préparation. Je crois que la liturgie est

très importante parce que très signifiante: il est important d’avoir une

belle crêche, de beaux chants avec des paroles pleines de sens. Il est important que l’on encense la crêche. Mais ces gestes prennent toute leur valeur s’ils nous aident à nous rapprocher du mystère de foi. Il ne faut pas

que l’essentiel du mystère se perde dans les soucis extérieurs de la liturgie mais que les gestes liturgiques ramènent au coeur du mystère.

Qu’est ce qui vous ferait le plus plaisir à Noël?

Deux choses: avoir le temps et le désir de vivre cette grande journée de

Noël dans la prière et rencontrer des parents et amis très chers. (apicmcf/ba)

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