Affaire LGF: le prêtre accusé et Mgr de Raemy s’expliquent

Accusé de harcèlement sexuel par l’abbé Nikodeme Mekongo, curé des paroisses de Peseux et de Colombier (NE) dans un article publié par le quotidien Tages Anzeiger le 28 décembre 2019, l’abbé Paul Frochaux, curé de la cathédrale de Fribourg, rejette des accusations «surréalistes». Egalement mis en cause, car ami du prêtre accusé, Mgr Alain de Raemy, évêque auxiliaire du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), se dit visé dans le cadre de la succession épiscopale du diocèse de Coire.

L’article du quotidien zurichois relaie les accusations de l’abbé Nicodème Mekongo qui accuse l’abbé Paul Frochaux de harcèlement sexuel à son encontre et sur plusieurs personnes, entre 2008 et 2011, à la cure de Vevey. Sollicité par cath.ch, le prêtre incriminé se défend de toute attitude équivoque. «Je ne sais même pas si j’ai mis la main sur l’épaule de cet homme».

«C’est surréaliste!»

«Tout ce qui est dans sa lettre est surréaliste! Il m’accuse de harcèlement sexuel et finalement reconnaît devant la police vaudoise qu’il n’y a pas eu d’actes sexuels dans la cure de Vevey. Cherchez l’erreur!». L’abbé Frochaux nie toute activité d’ordre sexuel avec d’autres personnes passées par la cure.

«C’est absolument certain, il n’y a rien eu avec lui, ni avec les autres prêtres qu’il met en cause dans la lettre qu’il a envoyée à l’évêque», martèle le curé de la cathédrale Saint-Nicolas. Il évoque un bon séminariste dont il avait la responsabilité et avec lequel tout s’est bien passé jusqu’à son ordination diaconale.

«Il a ensuite souhaité quitter la cure de Notre-Dame pour aller vivre avec, a-t-il dit, sa sœur dans l’autre cure où il y avait un appartement. Cette personne n’était en fait pas sa sœur, mais une cousine. J’ai refusé catégoriquement».

Ce que l’abbé Mekongo a très mal pris en se fâchant. «Le vicaire général de l’époque, Rémy Berchier est intervenu à ma demande. Je ne souhaitais plus travailler avec lui, mais sur l’insistance du vicaire général, j’ai poursuivi la collaboration dans le cadre d’une relation difficile durant une année, jusqu’à son ordination». Le prêtre est ensuite parti pour Yverdon et l’abbé Frochaux n’a plus eu de contacts avec lui.

«Il n’y a pas de dossier»

Concernant le «jeune toxicomane» cité par le quotidien zurichois, l’abbé Frochaux l’a hébergé à la demande de la police pour une ou deux nuits. Ce jeune homme avait 23 ans et il le gardera finalement quelques mois pour lui donner une chance de terminer son apprentissage de cuisinier. «Après trois échecs, je lui ai dit de quitter la cure. Il n’était d’ailleurs pas si toxicomane que cela. Il fumait des joints». Le curé de la cathédrale est là aussi catégorique: «Il ne s’est rien passé avec ce jeune homme».

Le Tages Anzeiger évoque un «Dossier Frochaux» concernant une agression sexuelle supposée sur un garçon de 17 ans. «Il n’y a pas de dossier», répond le prêtre mis en cause. Une confrontation a eu lieu à l’évêché en présence du vicaire général Rémy Berchier, qui a protocolé cet entretien. «L’affaire était close. Cette histoire a été réglée à la satisfaction des deux parties. Il ne s’est rien passé entre ce garçon et moi».

Le prêtre se demande toutefois comment le journaliste a eu accès à cette information. «J’ai demandé au journaliste d’enquêter également du côté de l’autre personne, qu’il jugerait être la «victime», pour avoir son point de vue, ce qu’il n’a pas fait…»

«40 ans d’une belle et saine amitié»

Dernier point, l’abbé Nicodème Mekongo évoque des visites régulières de l’actuel évêque auxiliaire du diocèse à la cure de Vevey, alors chapelain de la Garde suisse cette époque. Laissant supposer une liaison entre les deux hommes. «Nous avons plus de 40 ans d’une belle et saine amitié. Il ne s’est jamais rien passé entre Alain et moi».

Suite à ces accusations, l’abbé Frochaux envisage, avec les autres prêtres mis en cause, de porter plainte. «Cet homme a détruit ma réputation. Je suis atterré. J’attends la fin de l’enquête interne demandée par notre évêque pour prendre une décision».

Très éprouvé par cette affaire, le curé de la cathédrale dit ne pas éprouver de haine à l’encontre du prêtre accusateur, mais estime devoir obtenir réparation. «Peut-être qu’un jour j’arriverai à pardonner. Malgré tout cela, je n’arrive pas à avoir de haine vis-à-vis de ce prêtre. En fait, c’est dramatique pour lui. Je reçois beaucoup de soutien de la part de nombreuses personnes et beaucoup de gens prient pour moi, un groupe WhatsApp s’est même mis en place. Cela m’aide à tenir». (cath.ch/bh)

Mgr Alain de Raemy, évêque auxiliaire du diocèse de LGF, rejette des «affabulations»

Le prêtre qui accuse l’abbé Frochaux de harcèlement sexuel évoque des visites régulières à la cure de Vevey.
Ce qui est absolument faux. A cette époque, j’exerçais mon ministère de chapelain de la Garde suisse et je venais en Suisse trois fois par an, pour le recrutement des gardes suisses, à Olten, Lucerne ou Zurich, et pour des vacances, après Noël, Pâques et en été. J’ai dû passer une ou deux fois à Vevey en sept ans.

Depuis combien de temps connaissez-vous l’abbé Paul Frochaux?
Nous nous sommes connus en 1979, à l’université de Fribourg en théologie. Avec un troisième prêtre (entre temps décédé), nous sommes devenus de très bons amis. Je les ai rejoints l’année suivante au Grand-séminaire de Fribourg. Cette amitié dure toujours. Il n’y a rien de ce que prétend ce prêtre entre l’abbé Frochaux et moi.

Ce même prêtre évoque également des week-ends avec l’abbé Paul Frochaux dans un chalet à Torgon, en Valais.
C’est un tissu de sous-entendus sournois, il n’y a pas d’accusations explicites d’actes sexuels. De plus, je ne suis allé à Torgon qu’une seule fois durant cette période où j’étais à la Garde suisse, et juste le temps de revoir les lieux.

Pensez-vous, comme l’affirme le journaliste du Tages Anzeiger, que ces révélations sont liées à l’élection du futur évêque de Coire?
Le journaliste me considère en tête de liste pour le diocèse de Coire. C’est étonnant. Charles Morerod lui-même n’y croit pas. Dans cette affaire, j’ai l’impression que ce n’est pas l’abbé Paul Frochaux. qui est visé, c’est plutôt moi. Pourquoi? En raison de la succession à Coire? Qui peut bien organiser une telle calomnie pour me nuire comme possible candidat?

Votre nom est souvent cité dans le cadre de cette succession
On me cite assez souvent parmi les choix possibles. C’est ce que j’entends de personnes du diocèse de Coire. Cela tient peut-être au fait que je suis un peu connu en Suisse allemande, en raison de mon ministère à la Garde suisse pendant sept ans et demi. Et il y a le précédent de Mgr Amédée Grab.

Quelle suite comptez-vous donner à cette affaire?
Je ne sais pas encore. Je vais réfléchir. Il est toujours délicat, en tant qu’évêque, de porter plainte contre un prêtre, même s’il a gravement fauté. Bien sûr, j’ai envie de porter plainte même si ce qui est dit à mon sujet n’est pas aussi accablant que pour mon confrère. Il n’y a rien d’autre que de dire que je passais régulièrement à la cure de Vevey.

Ce sera fait prochainement?
Il faut de toute façon attendre le résultat de l’enquête canonique demandée par l’évêque puisqu’il y a des accusations graves prononcées à l’encontre de l’abbé Frochaux. La police n’ayant rien trouvé de répréhensible au niveau pénal, a clôt son enquête. Elle n’a d’ailleurs pas interrogé l’abbé Frochaux puisqu’il n’y avait aucune raison de le faire.

Qui va mener cette enquête?
Un avocat genevois, non chrétien et indépendant, a été nommé par Mgr Morerod. Je n’ai aucune idée du temps que cela va lui prendre. Tout dépend s’il peut travailler en continu sur cette affaire ou ponctuellement. Nous espérons en tout cas qu’elle sera la plus rapide possible. C’est dans l’intérêt de tous.

Cette affaire appesantit le climat déjà très lourd qui règne dans l’Eglise ces derniers mois.
Il est inquiétant que sur la base d’affirmations gratuites, non prouvées, d’un seul prêtre, un seul journaliste puisse lancer cela dans le grand public aussi facilement, sans enquête plus approfondie ou en en taisant une partie. Et avoir un tel impact. Il est très facile sur un sujet aussi sensible, particulièrement en ce moment, de prendre n’importe quoi et de le jeter au grand public. C’est un affront fait aux trop nombreuses victimes qui méritent toujours une sérieuse recherche de la vérité et non pas la poursuite d’une idée préconçue, quelle qu’elle soit. BH

Bernard Hallet

Portail catholique suisse

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