La nouvelle évangélisation, «ce n’est pas un retour au passé»

par Bernard Litzler. Images: Grégory Roth

Lors du colloque sur La Joie de l’Evangile, fin novembre 2019 à Rome, a été rappelée la notion de nouvelle évangélisation, évoquée par le pape François. Explications avec les prêtres Martin Tremblay, du Canada, et Antonio Ramirez Marquez, du Mexique.

A Rome, le Canadien Martin Tremblay est devenu un connaisseur de la nouvelle évangélisation. Une discipline nouvelle également objet d’étude pour le CELAM, la Conférence épiscopale pour l’Amérique latine, qui en a chargé le Père Antonio Ramirez Marquez (voir la vidéo ci-dessous).

La nouvelle évangélisation fait partie de la théologie pastorale. Elle résulte de l’élan insufflé par saint Jean Paul II, qui avait progressivement développé l’idée d’une rechristianisation des pays de vieille chrétienté, là où on constate une baisse de la pratique. Un élan poursuivi par ses successeurs, Benoît XVI et François.

Ancien vicaire général du diocèse de Saint-Jérôme au Québec, Martin Tremblay, 49 ans, étudie la nouvelle évangélisation à l’Université du Latran à Rome.

Le concept de nouvelle évangélisation est destiné à stimuler l’ensemble des catholiques?
En fait, la réévangélisation doit être quotidienne. C’est une rencontre avec Dieu. Car avant de la faire vivre à d’autres, il faut l’avoir vécue de plus en plus, au quotidien. Chaque fois que je me mets en prière, je recommence avec le Seigneur. On ne peut pas dire que le Seigneur m’a déjà renouvelé, mais il me renouvelle. C’est le Dieu des vivants, le Dieu du présent. Quand ma journée d’hier est terminée, elle entre en quelque sorte dans le monde des morts. Ce qui compte, c’est l’aujourd’hui, le Dieu du présent qui se manifeste.

Vous vous intéressez aussi à la manière dont les autres Eglises perçoivent cette réévangélisation?
L’idée de nouvelle évangélisation est née grâce à un contact plus intime avec les Eglises protestantes. Deux prêtres catholiques, James Mallon, au Canada, et Michael White, aux Etats-Unis, s’étonnaient de voir que les paroisses protestantes proches attiraient des jeunes, alors que chez eux, c’était vide ou seulement avec des personnes âgées. Ils sont allés rencontrer les pasteurs et se sont inspirés de leurs manières de faire. Peut-être que chez nous, au Québec, on n’a pas vu le besoin de faire une évangélisation plus profonde. Car tout était catholique à 98% pendant 100 ans. L’enseignement allait de soi, les prêtres n’avaient pas besoin de faire beaucoup d’efforts, les gens croyaient.

L’abbé Martin Tremblay en discussion avec Bernard Litzler, directeur de médias catholiques | © Grégory Roth

Le mouvement de réévangélisation est la marque de toutes les Eglises chrétiennes?
Effectivement. A travers la planète, beaucoup de monde se mobilise. J’ai participé récemment à un congrès au Burkina Faso, en Afrique. Différents pays y prenaient part. Et eux aussi utilisent l’expression ›nouvelle évangélisation’. Cela m’a étonné. J’ai dit aux Africains que cela ne les concernait pas, car ils ne sont pas des pays de vieille chrétienté. Mais si on leur dit: ›Vous n’avez que 150 ans d’histoire et vous êtes dans l’évangélisation tout court’, ça ne passe pas, car ils se sentent exclus de ce qui se passe en Eglise.

Quels liens faites-vous entre la nouvelle évangélisation et la piété populaire?
Il ne faut pas dépasser la piété populaire, mais la poursuivre de manière différente. Le chapelet, par exemple, est un acte de piété populaire. Mais on ne va pas dire qu’une personne commençant dans la vie chrétienne doit utiliser le chapelet et que, lorsqu’elle sera suffisamment enseignée au niveau de la foi, elle pourrait passer à autre chose. Le chapelet n’est pas une étape, mais un moyen pour parvenir à la sainteté. Les moyens ne sont pas en concurrence l’un avec l’autre. Mais les actes de piété sont nécessaires, car le Christ nous a créés avec notre chair.

«On doit regarder comment, aujourd’hui, Dieu vient transformer ma vie.»

Mais, en parlant de nouvelle évangélisation, est-ce qu’on ne rêve pas d’un retour à une chrétienté majoritaire?
L’évangélisation n’est pas un retour en arrière. On ne veut pas dire qu’avant, on faisait de la bonne manière. Au Québec, par exemple, on ne peut pas revenir à ce qu’on vivait anciennement, car le contexte social a changé. On doit regarder comment, aujourd’hui, Dieu vient transformer ma vie. C’est ce que les prêtres et les chrétiens doivent faire: prier ensemble et regarder les besoins d’aujourd’hui. Chacun doit répondre à l’appel de Dieu dans son contexte propre. On doit mourir à l’idée d’être nombreux. Jésus n’a jamais dit d’être à tel niveau à telle époque. On doit abandonner l’idée d’un nombre et avoir l’idée de partager un feu qui nous brûle.

La nouvelle évangélisation va dans le sens de ceux qui rêvent d’un retour à la tradition de l’Eglise de toujours?
C’est difficile à dire. L’objectif n’est pas quantitatif. Il ne s’agit pas de piéger des gens, comme avec le commerce. Est-ce la gloire du pasteur de dire que son église est pleine? On ne porte pas au prêtre, on porte au Christ. C’est pourquoi il est important d’aider les gens à perdre cette idée de retour au passé. (cath.ch/bl)

La nouvelle évangélisation
En 1979, en Pologne, le pape Jean Paul II annonce, à Nowa Huta: «Une nouvelle évangélisation est commencée, comme s’il s’agissait d’une deuxième annonce, bien qu’en réalité ce soit toujours la même». L’expression était lancée. Le concept sera repris par Benoît XVI. Ce dernier y voit une manière de répondre à l’«éclipse du sens de Dieu» qui est, pour lui, le défi majeur du début du troisième millénaire.
Le 21 septembre 2010, il rédige la lettre apostolique Ubicumque et semper qui institue le Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation (CCPNE). Dans le texte, Benoît XVI évoque la réalisation de la nouvelle évangélisation qui incombe à «tout le peuple de Dieu» et la nécessité de réimplanter l’Evangile dans la culture des pays de tradition chrétienne. Le CCPNE est actuellement présidé par le cardinal italien Rino Fisichella. BL

Bernard Litzler

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