Réciprocité et retraites

Le vieillissement de la population est, avec le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité, un des trois grands défis de nos pays européens. C’est un sujet extrêmement émotionnel. Il n’est pas a priori agréable de vieillir, car les forces physiques diminuent nécessairement et de nombreuses personnes refusent inconsciemment ou consciemment cet état de fait, par exemple en refusant de participer aux activités réservées aux aînés.

Est associée au vieillissement la question des retraites. Une règle essentielle à la vie en société est le principe de réciprocité. Les parents financent l’éducation de leurs enfants et doivent s’en occuper soigneusement. Réciproquement, les enfants doivent financer leurs parents quand ceux-ci ne sont plus en âge de travailler. Ce principe fonde le système de retraite par répartition sur lequel repose notre AVS.

Il suppose un équilibre des prestations entre jeunes et aînés. Il n’est pas possible de payer des retraites à partir de 55 ans comme le font les régimes spéciaux en France voisine. Les retraites par répartition ne sont finançables que  si elles ont la durée d’une génération (vingt ans). A ce niveau, l’âge fixé en Suisse pour obtenir l’AVS est satisfaisant dans le cas des hommes puisque leur espérance de vie avoisine les 82 ans. Il ne l’est pas pour les femmes puisque leur espérance de vie dépasse 85 ans.

Mais ce principe de répartition se heurte à deux problèmes. Le premier est le non renouvellement des générations. Actuellement en Suisse, le taux de fécondité des femmes en âge de procréer est un peu supérieur à 1,5 enfant, alors que le taux d’équilibre avoisine 2,0. Il n’y a plus assez d’enfants pour payer les retraites de leurs parents. Les mesures correctives peuvent être l’augmentation du niveau des cotisations ou l’augmentation du nombre d’années de cotisations. La baisse des pensions est exclue compte tenu du niveau actuel de l’AVS qui n’est déjà pas suffisant pour vivre dans de nombreux ménages.

«Il ne servirait à rien de prolonger la durée d’activité si les aîné(e)s ne peuvent garder leur emploi»

Sur ce sujet de l’augmentation du nombre d’années de cotisation, des discours irréalistes sont souvent tenus. Une augmentation indifférenciée de l’âge de la retraite serait profondément injuste, car elle pénaliserait les personnes qui ont travaillé dès la fin de leur apprentissage et favoriserait les universitaires qui n’ont exercé une activité salariée qu’à la fin de leurs études. Elle doit donc être écartée. Il faut davantage s’orienter vers une augmentation différenciée de cet âge selon la durée de cotisations.

Mais le diable est dans les détails. Les entreprises font peu d’efforts aujourd’hui pour maintenir dans l’emploi leurs salariés de plus de 60 ans. Le taux de chômage des seniors est élevé. Il ne servirait à rien de prolonger la durée d’activité si les aîné(e)s ne peuvent garder leur emploi. Il faut donc envisager des mesures spécifiques pour les fins de carrière. Celles-ci ne peuvent être décidées que dans un partenariat social qui n’est pas encore engagé, les mentalités des entrepreneurs et des salariés n’ayant pas encore intégré la nouvelle donne démographique.

Au-delà de la question de l’âge de la retraite, le chantier de la prise en compte du vieillissement n’en est qu’à ses préliminaires. Pour terminer, il faut mettre l’accent sur la question démographique. Un discours de fin du monde incite certains jeunes gens à refuser d’avoir des enfants. Ce faisant, ils accéléreront l’arrivée de l’événement qu’ils semblent craindre. Comment seront-ils pris en charge à l’âge de la vieillesse par des enfants inexistants? Cela sera strictement impossible, comme l’illustre l’exemple de la Chine qui a imposé un temps la limite des naissances à un enfant par femme.

Jean-Jacques Friboulet

15 janvier 2020

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