La messe chez Calvin

Depuis 1536, année de l’introduction officielle de la Réforme à Genève, la messe n’est plus célébrée sous les voûtes de la cathédrale St-Pierre. Complice du Duc de Savoie qui rêvait d’annexer la cité à ses Etats, le dernier évêque de Genève avait fui, abandonnant son troupeau aux Bernois protestants, trop heureux de proposer leur foi nouvelle aux Genevois qu’ils venaient secourir.

Des siècles suivirent dans ce qui allait devenir la «Cité de Calvin» ou la «Rome protestante», qui ne cessa d’afficher sa sainte horreur du culte «idolâtre» que des pamphlets de l’époque qualifiaient (?) de «puante messe».

Et bien, le 29 février prochain, un Rubicon sera franchi. Les catholiques de Genève sont invités à participer à une messe célébrée dans ce qui fut il y aura bientôt cinq siècles une cathédrale transformée depuis en temple protestant. Je dis bien que les catholiques sont «invités», non pas à réinvestir en revanchards «leur» cathédrale, mais à accepter une offre inédite de l’Eglise protestante de Genève. Bien sûr, des négociations ont précédé cette invitation.

«Ainsi va l’Eglise et l’Esprit qui la conduit. Non pas au rythme de déclarations, mais de gestes significatifs, porteurs d’une espérance inouïe»

Pour éviter toute équivoque, ce ne sera pas un évêque mitré et crossé qui présidera cette messe. Inutile de réveiller le ressentiment séculaire qui végète dans le subconscient d’une poignée de calvinistes genevois «pure laine». De même, la table eucharistique sera ouverte à tous ceux et celles qui se reconnaissent à la fois indignes de s’en approcher et guéris par la Parole du même Seigneur.

Alors, l’unité tant attendue enfin retrouvée? Non, mais un geste œcuménique qu’on ne sera pas prêt d’oublier. Un précédent qui rendra impossible toute régression. Ainsi va l’Eglise et l’Esprit qui la conduit. Non pas au rythme de déclarations, mais de gestes significatifs, porteurs d’une espérance inouïe.

Lors d’une cérémonie analogue dans l’ancienne cathédrale de Lausanne, le pasteur Jean-Baptiste Lipp accueillait au nom de son Eglise ses «frères et sœurs» catholiques en souhaitant ne plus devoir le faire dans un proche avenir. Il formait ainsi le vœu que catholiques et protestants se sentent partout «chez eux», quelle que soit la maison qui abrite leur prière. Certains jugeront ces propos téméraires ou naïfs. Du moins, ceux qui ignorent que ce pasteur protestant et son épouse catholique vivent déjà et depuis longtemps, en couple et en famille, ce qu’ils désirent voir advenir dans leurs Eglises respectives.

C’est pourquoi la messe «œcuménique» de la cathédrale de Genève risque de n’être qu’un show médiatique sans lendemain si le désir de l’unité n’est pas chevillé au cœur de chaque participant et vérifié par un engagement œcuménique de chaque instant.

Guy Musy

22 janvier 2020

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