Le cardinal Sarah défend son livre sur le célibat

Jacques Berset, cath.ch, avec I.Media   

La polémique autour du livre Des profondeurs de nos cœurs, qui défend ardemment le célibat sacerdotal, est «une diversion», affirme le cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. A la demande de Benoît XVI, le nom du pape émérite a été retiré en tant que co-auteur de l’ouvrage.

L’annonce le 12 janvier 2020 de la publication du livre Des profondeurs de nos cœurs, signé par le cardinal Sarah avec une large contribution de Benoît XVI, a en effet provoqué de vifs débats.

Dans un entretien accordé au quotidien italien Il Foglio le 25 janvier 2020, le prélat guinéen revient ainsi sur les vives critiques dont a fait l’objet l’ouvrage auquel a collaboré Benoît XVI. De nombreux critiques se demandent si le pape retraité n’aurait pas été utilisé par le cardinal africain dans ce qui apparaît comme une nouvelle fronde des milieux ultra-conservateurs pour empêcher une adaptation disciplinaire de l’Eglise.

Un livre qui n’arrive pas par hasard

Certains ont en effet reproché à l’ouvrage d’interférer avec la politique du pape François concernant le célibat sacerdotal. Des commentateurs sont allés jusqu’à s’interroger sur le rôle du pape émérite et ont remis en cause la réalité de sa participation à cet ouvrage.

Pour eux, ce livre n’arriverait pas par hasard à un moment crucial, le pape François s’apprêtant à publier l’exhortation apostolique post-synodale sur l’Amazonie. Le prochain document du pape argentin s’inscrit dans la foulée du document final voté par les évêques. Il pourrait, pour faire face à la crise des vocations dans des territoires particulièrement difficiles d’accès, où les fidèles ont très rarement accès à l’eucharistie, faute de prêtres, ouvrir la porte à l’ordination des «viri probati», des hommes mariés ayant fait leurs preuves en tant que diacres.

Des «mensonges vulgaires»

Revenant sur ces événements, le cardinal Sarah réprouve les «polémiques absurdes» et «mensonges vulgaires» proférés à l’encontre du pape émérite et de lui-même. «Ce qui me brise le cœur et me blesse profondément, c’est la brutalité, l’irrévérence avec laquelle Benoît XVI a été traité», confie-t-il.

Il faut selon lui se concentrer sur les écrits du pontife émérite allemand, le «reste est une diversion». «Sans animosité, sans attaquer personne, nous avons offert nos réflexions avec clarté, rigueur et fidélité à la vérité sur une question essentielle: le sacerdoce catholique et le célibat».

«Pourquoi alors dire que je me serais opposé au pape François?», interroge-t-il. «Dans le texte y a-t-il peut-être une seule phrase qui exprime une telle opposition?». «Pourquoi suis-je couvert constamment de calomnies et d’humiliations?» Le cardinal guinéen dénonce également ceux qui ont qualifié son livre de «fakebook». Son éditeur Fayard pourrait trouver «des réponses adéquates à cette diffamation».

Le prêtre est «l’époux exclusif de l’Eglise»

Pour le cardinal Sarah, le célibat des prêtres n’est pas une «simple discipline canonique», estimant que «si la loi du célibat s’affaiblit, même pour une seule région, s’ouvre une brèche, une blessure dans le mystère de l’Eglise». On ne peut pas créer un sacerdoce pour les hommes mariés sans «endommager le sacerdoce de Jésus Christ et de son épouse l’Eglise».

«Le prêtre, insiste-t-il, est l’époux exclusif de l’Eglise, il ne peut être un homme partagé. Quand il rentre chez lui il n’est pas en vacances. Il reste une personne consacrée». Le cardinal guinéen met en garde contre l’ordination d’hommes mariés pour résoudre la crise des vocations. L’expérience du manque de pasteurs dans l’Eglise protestante démontre le contraire, souligne-t-il.

Les prêtres catholiques mariés de rite oriental dénigrés ?

Ainsi, «pourquoi priver l’Amazonie du contact avec les prêtres qui vivent pleinement leur sacerdoce ?» Les personnes en voie de christianisation doivent plutôt selon lui rencontrer des prêtres qui ont donné toute leur vie au Christ. «Moi-même j’ai fait cette expérience», se souvient-il.  

Le cardinal Sarah écrit que dans les Eglises orientales «seule la présence prépondérante des moines rend supportable au peuple de Dieu la fréquentation d’un clergé marié. Nombreux sont les fidèles qui ne se confesseraient jamais à un prêtre marié». Le préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements affirme même que «le sensus fidei fait discerner aux croyants une forme d’incomplétude dans le clergé qui ne vit pas un célibat consacré». Cette façon de considérer les prêtres catholiques mariés est ressentie comme un dénigrement par les Eglises orientales et l’expression d’un sentiment de supériorité de l’Eglise latine.

Une demande des patriarches catholiques orientaux

Rappelons que les Eglises catholiques de rite oriental ont conservé l’usage ancien d’avoir un clergé paroissial marié mais des évêques choisis parmi les moines, c’est-à-dire célibataires. Les prêtres catholiques de rite oriental (copte, syriaque, chaldéen, maronite, syro-malabar, byzantin, arménien, guèze), sont reconnus et leurs Eglises sont depuis des siècles en communion avec l’évêque de Rome. Bien souvent, dans des territoires majoritairement musulmans ou durant la période communiste, notamment en Ukraine, ce clergé marié a permis la survie de l’Eglise catholique.

De plus, le pape François a levé l’interdiction faite aux Eglises orientales catholiques d’ordonner prêtres des hommes mariés sur le territoire de l’Eglise latine, en Occident. La décision a été prise le 23 décembre 2013 lors d’une audience du pape au cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Eglises orientales. Le 14 juin 2014, celui-ci a signé le décret Pontificia Praecepta de Clero Uxorato Orientali , publié dans les Acta Apostolicae Sedis, le «journal officiel» du Saint-Siège.

Des prêtres mariés aussi en Occident

Jusqu’à cette date, Rome obligeait les communautés des Eglises catholiques orientales en  diaspora à avoir comme curé des moines ou des prêtres célibataires, au motif qu’elles se trouvent sur des territoires où il n’existe que des prêtres célibataires dans l’Eglise latine.

En octobre 2010, lors du au Synode pour l’Eglise au Moyen-Orient, plusieurs évêques, dont le cardinal Vingt-Trois, en tant qu’ordinaire des fidèles orientaux en France, avaient demandé la libéralisation de cette interdiction. Les patriarches des Eglises orientales avaient aussi fait cette demande, car les prêtres mariés sont une réalité séculaire de leurs traditions.

Dans certaines Eglises orientales, ils représentent plus de 80 % des prêtres ordonnés. Et par conséquent, ces Eglises avaient des difficultés à fournir leurs diasporas – de plus en plus nombreuses en Occident – en prêtres célibataires. Le décret du 14 juin 2018  permet aux évêques orientaux d’ordonner des hommes mariés, même originaires de leurs diocèses occidentaux. Ils n’ont que l’obligation «d’informer préalablement par écrit l’évêque latin de résidence du candidat afin d’avoir son avis et toute information pertinente». (cath.ch/ah/be)

Jacques Berset

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