Abus sexuels: l’embarras des évêques

Par l’abbé Michel Salamolard, prêtre retraité du diocèse de Sion

Michel Salamolard, prêtre dans le diocèse de Sion. | DR

La tourmente des abus sexuels au sein de l’Eglise catholique semble ne pas connaître de fin. Les scandales se succèdent. Ils n’ont pas tous la même gravité, mais tous plombent l’image d’une Eglise défigurée. En Suisse romande aussi. Que peuvent les évêques pour combattre ce fléau? Essai de réponse et appel.

Déjà, les évêques suisses ont fait beaucoup, notamment celui de Fribourg. Courageusement, il a pris des mesures efficaces: pour écouter, reconnaître et accompagner les victimes, pour prévenir des crimes futurs. L’évêque de Sion l’a suivi, notamment en matière de prévention.

Faut-il jeter la pierre aux évêques parce qu’ils n’en font pas plus ou qu’ils n’ont pas agi plus tôt? La seule pierre qu’il est bon de leur confier, avec douceur et amitié, est celle que Jésus n’avait pas pour reposer sa tête! Une pierre où prendre appui calmement, se poser à nouveau afin de mieux poursuivre l’effort. Cette pierre, c’est le Christ lui-même, pierre angulaire. Ce sont aussi ceux à qui Jésus a remis la conduite et le soin de son Eglise: Pierre et ses compagnons, et leurs successeurs. Que la grâce divine soit le lieu de ressourcement et d’inspiration des évêques! Lieu de discernement aussi.

Si le risque est bien réel de n’en pas faire assez pour réparer les abominations commises et pour en empêcher d’autres, le danger guette aussi d’en faire trop ou de façon insuffisamment réfléchie. L’évêque de Fribourg, Lausanne et Genève a cru bon récemment d’apposer au mur de sa cathédrale une plaque commémorant les abus sexuels perpétrés et «couverts» au sein de son diocèse. Il a créé de ce fait un précédent, que l’évêque de Sion semble disposé à répéter sur une humble chapelle de Monthey. Que penser de telles initiatives? Exemples à suivre ou fourvoiements regrettables?

Elles partent, c’est certain, de bonnes intentions, notamment de la prise en compte de souhaits ou de suggestions de victimes. Ce critère ne saurait pourtant pas, à lui seul, justifier l’atteinte portée, volontairement ou non, aux églises catholiques et à ce qu’elles représentent: le Christ lui-même, sacramentellement présent au tabernacle et présent aussi par l’assemblée réunie pour s’unir à lui dans l’eucharistie.

Les murs de nos églises ne sont pas des panneaux d’affichage, fût-ce de nos aveux et de nos regrets. Si on veut leur faire dire quelque chose, à l’intérieur comme à l’extérieur, c’est la joie du salut, les signes de l’amour du Christ, l’évangile, l’exemple des saints.

Faut-il d’ailleurs graver dans l’airain ou dans le marbre le souvenir de certains abus sexuels? Les voilà tous déjà burinés profondément dans la mémoire collective, matérialisés à jamais dans les archives institutionnelles et médiatiques, écrites et numériques. Les historiens et les magazines ne les oublieront pas.

Si malgré cela des évêques estiment que des plaques commémoratives d’abus sont nécessaires, ce n’est pas sur des parois d’églises qu’ils devraient les sceller. Mais sur les murs des évêchés et des instituts religieux, dont les responsables passés ou présents auraient des raisons d’afficher leur repentir et leur volonté de conversion. Chers pères évêques, n’infligez pas aux sanctuaires et à Celui qu’ils représentent ce dont vous ne voudriez pas au portail de votre évêché!

Michel Salamolard | Dimanche 9 février 2020

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