Mgr Scicluna: Bari, une «expérience qui demande à être prolongée»

Mgr Charles Scicluna, archevêque de Malte, a expliqué l’importance d’une réflexion collégiale sur la place de l’Eglise en Méditerranée. Il était présent lors de la rencontre de Bari, du 19 au 23 février 2020.

Par Camille Dalmas, I.MEDIA, à Bari

Organisée par la Conférence des évêques d’Italie (CEI), la rencontre de Bari rassemble 58 évêques autour du thème: ‘La Méditerranée, frontière de paix’. Elle a pour objectif d’offrir aux différentes Eglises du pourtour méditerranéen un cadre de discussion sur la place de l’Eglise et de l’évangélisation dans cet espace donné. Le pape François s’est rendu à Bari le 23 février pour écouter les conclusions de ces journées d’échanges et apporter sa pierre à l’édifice

Comment avez-vous vécu ce temps exceptionnel de rencontre et de partage?
Charles Scicluna: Le fait que nous nous rencontrions pour la première fois, évêques de pays du pourtour méditerranéen (même si de fait Malte est plutôt dans la mer Méditerranée!) était indispensable. Car le contact humain est essentiel. Nous pouvons de fait nous contacter par des plateformes numériques aujourd’hui, mais le contact humain reste obligatoire si l’on veut marcher ensemble.

Le choix d’une forme synodale par la CEI pour cette rencontre vous semble-t-elle pertinente? Qu’apporte-t-elle?
La méthode est synodale, mais ce n’est pas un synode, le pape ne l’a pas convoqué! En fait, c’est un choix intéressant, car la méthode synodale est l’une des formes que les évêques peuvent utiliser pour promouvoir ce que la constitution dogmatique Lumen Gentium appelle «l’esprit collégial», le rapport collégial entre évêque pour trouver des solutions à des problèmes donnés. En l’occurrence, les problèmes qui concernent la Méditerranée comme ensemble cohérent.

Votre rencontre ressemble à une voie synodale dans sa forme. Comptez-vous renouveler cette expérience?
Je l’espère. Tout le monde a exprimé cet espoir lors de notre rencontre, toute le monde espère avoir commencé quelque chose qui a un avenir. Ce n’est pas uniquement parce que nous aimons nous rencontrer, mais parce que nous avons besoin de nous voir afin de partager nos préoccupations, nos espoirs. Cette expérience demande à être prolongée.

«Pour développer la philanthropie, il faut cette xénophilie»

Comment le bassin méditerranéen peut-il être un sujet de réflexion pour l’Eglise?
Le bassin méditerranéen est caractérisé par la culture antique qu’il a embrassée. La Méditerranée a vu de très nombreuses cultures se développer et croître des pays qui sont aujourd’hui très anciens. C’est aussi là que les premières graines de la parole de Jésus Christ ont été plantées. Paul l’Apôtre quitte Césarée, un port de Terre Sainte, afin de parcourir les rives de Méditerranée. Il se rend notamment à Malte, après avoir vécu un naufrage, mais il fait bien d’autres voyages en Méditerranée, en Grèce et en Asie Mineure. Cette mer est donc le premier théâtre de l’évangélisation. C’est aussi la scène biblique sur laquelle les Actes des Apôtres se jouent, avec tant de voyages dont certains racontent les traversées de Paul, dont une en présence de saint Luc. Cette mer a ainsi un sens très important dans l’histoire de la rédemption et un rôle aussi important dans les Ecritures elles-mêmes. Elle est de plus le lieu de rencontre des religions abrahamiques. Le christianisme, comme le judaïsme et l’islam ont ce lien fort avec la foi d’Abraham. Enfin, il ne faut pas oublier que la Méditerranée a aussi été le théâtre de conflits. C’est pourquoi elle doit se transformer aujourd’hui en un théâtre de paix.

La venue à Malte le 31 mai prochain du pape François est un grand événement pour votre diocèse. Pensez-vous qu’il y ait un trait d’union entre cette rencontre et le pèlerinage apostolique du pontife sur votre île?
En janvier 2020, le pape François a donné deux enseignements importants sur les Actes des Apôtres (8, 1-10). Ce passage raconte le naufrage de Paul sur l’île de Malte et la façon dont les Maltais accueillirent ces 276 personnes, dont Paul et Luc, avec une «bonté inhabituelle». Les Grecs ont le mot «philanthropie»; ces indigènes maltais, qui n’avaient pas encore reçus Jésus Christ, ont montré un instinct profondément humain. Comme ici à Bari, l’idée est de promouvoir cette «bonté inhabituelle», qu’on traduirait en latin par «humanitas» [humanité, en français], comme le fait saint Jérôme dans la Vulgate. Et cette bonté est liée à une autre profonde vertu défendue par le Christ, qui est la «xenophilia». Nous avons perdu ce mot, parce que nous sommes uniquement occupés par la xénophobie. Pour développer la philanthropie, il faut cette xénophilie cependant, cette forme de courtoisie, de respect et d’amour pour l’autre. Aujourd’hui, cette «bonté inhabituelle», nous devons la montrer aux migrants, à ceux qui souffrent et arrivent sur nos côtes. (cath.ch/imedia/cd/rz)

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