Valais: les EMS seront-ils obligés d'accueillir EXIT?

Les parlementaires valaisans décideront le 12 mars 2020 si les EMS et autres établissements de soins du canton seront forcés d’accepter le suicide assisté dans leurs murs. L’article de la future Loi sur la santé qui le permettrait n’a toutefois pas la faveur de la majorité des députés.

«L’article 18A appelé à légiférer sur le suicide assisté en EMS semble mort-né», affirme le quotidien valaisan Le Nouvelliste du 10 mars 2020. Le Parti démocrate chrétien (PDC) et l’Union démocratique du centre (UDC), les deux partis les plus puissants au parlement cantonal, ne veulent en effet pas de cet article. La «Famille C», qui compte le PDC du centre, le PDC du Bas-Valais, le Parti chrétien social du Haut-Valais (CSPO) et le PDC du Haut-Valais (CVPO), soutient une motion urgente demandant que toute mention à l’assistance au suicide soit supprimée dans la loi sur la santé. Le PDC du centre craint que les avancées importantes générées par la loi dans de nombreux domaines ne soient «sacrifiées sur l’autel d’un seul article éminemment émotionnel».

Des actes contraires à la mission des EMS

L’article en question, le 18A, stipule que «1. l’assistance au suicide représente une liberté individuelle. Toute personne capable de discernement peut faire valoir cette liberté. 2. Les institutions sanitaires avec mandat public doivent respecter le choix d’une personne patiente ou résidente de bénéficier d’une assistance au suicide en leur sein, par une aide extérieure à l’institution», si un certain nombre de conditions sont remplies.

Tout établissement qui refuserait de se plier à cet article mettrait en péril rien de moins que sa survie, puisque l’Etat pourrait refuser dès lors de le subventionner, explique Michel Salamolard sur sa page Facebook. Le prêtre du diocèse de Sion y décrypte les contradictions et les dangers de la nouvelle loi sur la santé si elle était votée telle quelle. Pour lui, «l’immense et injuste paradoxe de l’article 18A est de créer une loi d’exception, qui impose à certaines institutions (EMS et autres), et à elles seulement, une contrainte parfaitement contraire à leur mission. Avec tous les effets négatifs imposés de ce fait à tous les résidents, à tous les personnels concernés, à nous tous enfin, proches de parents ou d’amis en EMS, peut-être un jour nous-mêmes bénéficiaires de soins et de prise en charge en institution». Le prêtre, très engagé contre le suicide assisté, affirme que si l’article 18A était accepté, les institutions concernées deviendraient de facto «des succursales d’EXIT».

Incohérences

Lors des discussions au Parlement valaisan, la notion de «liberté individuelle» a posé problème. La députée du Parti libéral radical (PLR) Sylvie Masserey Anselin, l’une des chevilles ouvrières de l’article 18A, avait jugé que, dans le secteur du suicide assisté, «la liberté individuelle des personnes doit l’emporter sur la liberté de l’institution». Le député UDC Cyrille Fauchère a, lui, regretté que «de liberté individuelle, l’assistance au suicide est devenue un droit et même une obligation».

Une incohérence également soulevée par Michel Salamolard, qui note que «contre toute évidence juridique, le Rapport de la Commission parlementaire allègue néanmoins l’article 10 alinéa 2 de la Constitution fédérale [selon laquelle l’Etat doit protéger l’intégrité physique et psychique des individus, ndlr.] en faveur de l’aide au suicide. Cette aberrante interprétation revient à affirmer une chose et son contraire: l’Etat devrait à la fois protéger l’intégrité physique et psychique des individus, ainsi que leur liberté de mouvement et à la fois garantir le suicide (avec ou sans aide d’autrui) qui détruit cette intégrité et cette liberté!»

Et le prêtre valaisan de proposer une solution acceptable par tous, selon laquelle «c’est à EXIT qu’on devrait demander de fournir non seulement la potion létale, mais aussi le local du suicide assisté«.

Le Valais divisé

En décembre 2019, la Conférence des évêques suisses (CES) a publié des «Orientations pastorales» sur l’attitude à adopter face à la pratique du suicide assisté. La CES y estime que «c’est par le développement des soins palliatifs qu’on évitera que l’assistance au suicide se présente comme une ‘solution’ aux yeux de la société et de la personne malade et qu’elle finisse par être considérée faussement comme une forme de soin ou de respect des personnes».

D’après une enquête réalisée en 2019 par Le Nouvelliste, le Valais reste très divisé sur la question. La moitié des 52 établissements médico-sociaux (EMS) du canton autorisent le suicide assisté dans leurs murs et l’autre le refuse. Dans le canton de Vaud, la majorité des citoyens a accepté en 2012 le contre-projet du Conseil d’Etat à une intitiative d’EXIT autorisant l’assistance au suicide en EMS.

Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion, avait rappelé, lors d’une rencontre avec la presse, le 28 février 2019, l’opposition de l’Eglise au suicide assisté et le risque de sa banalisation. (cath.ch/nouv/arch/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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