Coronavirus: Leonardo Boff exhorte à repenser notre mode de vie

Dans un texte publié le 20 mars 2020, Leonardo Boff estime que l’actuelle pandémie représente une opportunité unique pour repenser notre manière d’habiter la Maison Commune, la forme dont nous produisons, consommons et notre relation avec l’environnement.

 «Le temps est venu de questionner les vertus supposées du capital: l’accumulation illimitée, la compétition, l’individualisme, l’indifférence face à la misère de millions de personnes, la réduction de l’Etat et l’exaltation du slogan de Wallstreet: ‘le profit, c’est bien’. Tout cela est désormais en échec. Et ses jours sont comptés», assure Leonardo Boff sur son blog.

Toujours très virulent lorsqu’il s’agit de critiquer le modèle de développement néolibéral à l’échelle mondiale, le théologien brésilien assure que «ce qui désormais peut nous sauver, ce ne sont pas les entreprises privées mais l’Etat, avec ses politiques publiques de santé, toujours attaquées par le système du ›marché libre’». Dès lors, il faudra, après la crise sanitaire, économique et sociale qui frappe le monde, «recouvrer les vertus d’un nouveau paradigme, défendues par de nombreuses personnes dont je fais partie. Les vertus de l’attention, de la solidarité sociale, de la coresponsabilité et de la compassion».

Selon l’octogénaire, «le premier à voir vu l’urgence de ce changement a été Emmanuel Macron, le président français, néolibéral et issu du monde de la finance». Dans son article, le théologien rapporte d’ailleurs un extrait de l’intervention télévisée du président français, le 12 mars dernier. «Chers compatriotes, nous avons besoin de tirer, demain, les leçons de ce moment que nous traversons, questionner le modèle de développement que notre monde a choisi il y a des décennies et qui montre ses failles, questionner les faiblesses de nos démocraties».

«La Terre, mère généreuse et rebelle»

Pour le théologien, «le Covid-19, véritable désastre pour le capitalisme du désastre, a d’ailleurs produit un effondrement  des places boursières, le cœur de ce système spéculatif, individualiste et anti vie comme l’a nommé le pape François». «Ce système, poursuit-il, viole la loi la plus universelle du cosmos, de la nature et de l’être humain: l’interdépendance de des être entre eux ». Et de rajouter: «Il n’existe pas un seul être, encore moins nous autres humains, qui soit une île déconnectée de tout le reste. La Terre ne nous appartient pas pour l’exploiter selon notre bon vouloir. C’est nous qui appartenons à la Terre».

Leonardo Boff poursuit d’ailleurs sa réflexion sur le thème de la surexploitation de la planète et de ses conséquences. «Dans la vision des meilleurs cosmologistes et astronautes qui voient l’unité entre Terre et Humanité, nous sommes cette part de la Terre qui sent, pense, aime, prend soin et vénère. En surexploitant la nature et la Terre comme ce qui se pratique dans le monde entier, nous sommes en train de porter préjudice à nous-mêmes et nous exposer aux réactions et punitions qu’elle nous impose. La Terre est une mère généreuse, mais elle peut se montrer rebelle et nous envoyer un virus dévastateur».

«Pas de port de salut face au virus».

Le père de l’Éco théologie soutient d’ailleurs la thèse que cette pandémie ne peut pas être combattue par les seuls moyens économiques et sanitaires. «Ce virus demande une autre relation avec la nature et la Terre. Si, après être passés par cette crise, nous ne faisons par les changements nécessaires, la prochaine fois pourrait être la dernière, car nous faisons de nous-mêmes les ennemis jurés de la Terre. Et Elle peut ne plus nous vouloir ici».

Enfin, Leonard Boff adresse une mise en garde contre les limites de l’hyper information et les appels à des comportements responsables. « Cela ne suffit pas à adopter les comportements requis. Nous devons réveiller en nous la raison sensible et cordiale. Surmonter l’indifférence et sentir, avec le cœur, la douleur des autres. Personne n’est immunisé contre le virus. Riches et pauvres doivent être solidaires les uns avec les autres, se protéger soi-même et prendre soin des autres et assumer une responsabilité collective». Et de conclure: « Il n’existe pas de port de salut. Ou bien nous nous sentons humains, égaux dans la même Maison Commune, où bien nous nous noierons tous». (cath.ch/jcg/bh)

Jean-Claude Gérez

Portail catholique suisse

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