Coronavirus: l'Eglise n'oublie pas les démunis

Face aux restrictions liées au coronavirus, qui génèrent de l’anxiété et demandent de l’accompagnement, l’Eglise catholique a adapté son offre. Mais tout son dispositif d’aide a été chamboulé. Les explications de Pascal Bregnard, responsable du département solidarité de l’Eglise catholique dans le canton de Vaud. 

Quelle situation vivez-vous sur le terrain depuis le décret des mesures liées au coronavirus? 
Pascal Bregnard: Depuis une semaine, on ne chôme pas car cette situation génère de l’anxiété et demande de l’accompagnement. Elle exige aussi de répondre à des besoins tout-à-fait concrets. Nous avons par exemple une structure d’une dizaine de places pour les femmes avec enfants dans la rue. Actuellement, il est plus important que jamais de la garder ouverte, car elle peut accueillir 24 heures sur 24 tout en permettant d’y vivre le confinement en chambres séparées. Les personnes fragilisées ont aussi toujours besoin de manger et leurs réseaux où trouver de la nourriture ont un peu changé. Nous avons heureusement pu maintenir la distribution alimentaire sur Lausanne, Renens et Vevey, où existe une forte demande. 

Combien de bénéficiaires sont aidés dans le cadre de ces distributions de nourriture?
Avec la distribution sur Renens, par exemple, nous aidons une centaine de familles. A cause de la peur et respect du confinement, nous avons quand même vu cette semaine une diminution de la fréquentation. En gros les deux tiers des gens se sont déplacés.

«Tout le dispositif d’aide mis en place est bouleversé»

Quelle difficulté représente pour vous cette situation?
Tout le dispositif d’aide mis en place par l’Eglise catholique est bouleversé car ce sont prioritairement des personnes d’un certain âge, donc à risque, qui aidaient par exemple à la distribution de nourriture ou dans le centre de requérants d’asile de Vallorbe. Dès l’arrivée de l’épidémie, nous leur avons naturellement demandé de rester chez elles. Résultat, la structure ARAVO composée essentiellement de bénévoles âgés, à Vallorbe, a dû cesser ses activités. Nous n’avons pu maintenir que le service d’aumônerie, où nous avons une professionnelle qui va régulièrement à Vallorbe, pour occuper les enfants et leur donner du matériel.

Quelles solutions concrètes avez-vous pu trouver?
À Renens par exemple, nous avons pu compter sur l’aide de la protection civile, qui s’est investie pour rendre possible la distribution de nourriture, en faisant respecter les règles de distances sanitaires entre les bénéficiaires. À Vevey, il existait heureusement déjà un système de SMS permettant de faire venir les gens de façon échelonnée et il est en train de se mettre en place à Lausanne et Renens.

Comment ont réagi les bénéficiaires?
Au départ, il y a eu pas mal d’interrogations, puisque beaucoup de structures ont dû fermer. Du coup, les gens se sont sentis plus isolés. Je pense que c’est un phénomène qui va aller grandissant. Plus on sera longtemps en confinement, plus grand sera ce sentiment d’isolement.

«Que ce soit par téléphone, WhatsApp, ou Skype, il est primordial dans cette situation de garder le lien»

Cela reste donc important de garder le lien?
Primordial, surtout dans cette situation. Nous avons mis en place cette semaine des groupes de parole, soit par WhatsApp, soit par Skype, soit par téléphone. Il y a aussi des partages de la Bible on-line qui ont démarré avec des gens en précarité qui ont l’habitude de le vivre ensemble. Nous le vivons ensemble, mais de façon différente. Et puis , il y a le projet Abraham. Il s’agit d’une permanence téléphonique ouverte tous les jours de la semaine. Soixante aumôniers se sont mis à disposition de tout un chacun, quelle que soit sa foi, pour accueillir les gens dans ce qu’ils vivent actuellement.

Y a-t-il d’autres lieux où l’Eglise catholique se montre présente en ce moment? 
Oui, les prisons et les centres de requérants d’asile. Ce sont des lieux un peu oubliés en ce moment et où les Eglises catholiques et protestantes restent présentes. Même si nous avons dû réduire notre activité dans les prisons, les prisonniers ont besoin d’un soutien, y compris spirituel. Je pense aussi au centre de réfugiés de Vallorbe, qui abrite une population déjà fragile par son cheminement de vie, mais qui l’est encore davantage aujourd’hui. Les gens y vivent un confinement de groupe. Ils n’ont pas la possibilité d’avoir une chambre séparée et là, il y a un souci pour leur santé. Le Secrétariat d’Etat aux migrations a par ailleurs suspendu les procédures. La grande question, très anxiogène, est de savoir pour combien de temps: une semaine? Deux? Ou durant tout ce ce temps de crise? (cath.ch/cp)

Retrouvez Pascal Bregnard dans l’émission radio: «Le coronavirus dans les marges romandes» Hautes Fréquences, sur RTS, La Première, le 29 mars à 19h.

Carole Pirker

Portail catholique suisse

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