Une commission Justice et Paix pour Chypre

L’archevêque maronite de Nicosie, Mgr Youssef Soueif, a annoncé la création officielle d’une Commission Justice et Paix chypriote. Toujours partagée entre Grecs et Turcs, l’île de la Méditerranée aspire à une paix durable fondée sur le respect mutuel.

Nicosie a accueilli à fin février 2020, la rencontre des secrétaires généraux des commissions européennes Justice et Paix. Entre rencontres académiques et visites culturelles, les délégués des quinze pays européens présents ont pris la mesure du désir de paix qui anime l’île, et des complexités géopolitiques qui bloquent tout compromis. A cette occasion Mgr Youssef Soueif, archevêque maronite de l’île à annoncé la mise ne place d’une commission Justice et Paix dans le pays, rapporte Cécile Dubernet, membre du comité exécutif de Justice et Paix Europe.

L’île de Chypre, à quelques encablures de la Turquie, de la Syrie et du Liban, bénéficie d’une position géostratégique exceptionnelle. Depuis l’Antiquité, elle est l’objet de toutes les convoitises. Elle a été envahie par différents empires, les Egyptiens, les Grecs, les Romains, les Croisés, les Ottomans, les Anglais. Indépendante en 1960, l’île est immédiatement tiraillée entre désirs d’association à la Grèce, dont la culture imprègne le pays, et peurs justifiées des populations turcophones. Les tensions conduisent à des massacres et à des déplacements au tournant des années 70, puis à l’invasion turque. Depuis 1974, l’île est divisée par une frontière militaire, la fameuse ligne verte, sous contrôle de l’ONU.

Chypre : conflit gelé… réactivé

La partie indépendante de Chypre est membre de l’Union Européenne (UE); l’autre n’est reconnue que par la Turquie. La ligne ›verte’ traverse le centre de Nicosie comme une cicatrice faite de routes barrées et de blocs de maisons anciennes abandonnées. Depuis une dizaine d’années, les autorités turques permettent le passage pour retrouver ou acquérir des propriétés, pour investir ou simplement profiter de la nature splendide du nord, entre montagnes et mer. Certaines zones restent cependant des territoires militaires inaccessibles.

Chypre est membre de l’UE, mais pas des accords de Schengen. Elle est une porte de l’Europe, sans l’être tout à fait. L’île est en première ligne dans deux crises actuelles majeures: des migrants, y compris d’Afrique, arrivent du Liban ou de la Turquie, puis traversent la ligne verte. Ils se retrouvent coincés sur la partie sud de l’île, qui peine à les accueillir. Cette crise en cache une autre: une bataille pour le contrôle des ressources maritimes. Depuis 2018, la Turquie impose militairement des forages d’hydrocarbures dans les eaux nord chypriotes. En retour, l’UE a imposé des sanctions à la Turquie. Cette double situation inquiète les habitants de l’île.

Vivre la paix par le bas

La grande majorité des grecs chypriotes sont chrétiens orthodoxes mais la minorité maronite joue pour un rôle important en tant que médiatrice. Depuis les années 1970, la communauté maronite a maintenu un lien avec les villages et églises de la partie nord de l’île. Les autorités militaires turques n’ayant jamais exproprié l’Église, les maronites ont pétitionné pour rénover leurs églises, et y faire des pèlerinages dès que les autorisations le permettent.

L’Église maronite investit dans la reconstruction et l’animation de villages dont la population vieillit. Elle a développé des activités sociales mixtes regroupant Grecs et Turcs, chorales, équipe de football etc. Les écoles catholiques permettent aux enfants d’échapper aux harangues antiturques de l’Education nationale chypriote. (cath.ch/com/mp)  

Maurice Page

Portail catholique suisse

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