«Se confesser ou se confiner?»

Traditionnellement, la célébration de Pâques est précédée du sacrement de la réconciliation, même si pour beaucoup l’expression «faire ses Pâques» est devenue obsolète. En ces temps de coronavirus et de confinement, quel est le mot d’ordre dans les Eglises des cantons romands?

«Que puis-je faire si je ne trouve pas de prêtre? Vous faites ce que dit le Catéchisme», expliquait le pape François lors de son homélie, le 20 mars 2020, à la Maison Ste Marthe. «C’est très clair: si tu ne trouves pas un prêtre pour te confesser, parle à Dieu, il est ton père, et dis-lui la vérité : ‘Seigneur, j’ai fait ceci, cela, cela … Pardonne-moi’, et demande-lui pardon de tout ton cœur, avec l’acte de contrition et promets-lui : ‘Je me confesserai plus tard, mais pardonne-moi maintenant'».

Au même titre que la communion de désir, il existe donc un pardon de désir, lorsque le fidèle est empêché de participer physiquement à un sacrement. La Conférence des évêques suisses (CES) stipule, dans ses recommandations du 27 mars 2020, que «l’obligation de recevoir chaque année le sacrement du pardon n’est pas liée à la fête de Pâques, raison pour laquelle les évêques libèrent de la recommandation de la confession pascale. Toute personne qui a une raison grave et urgente de se confesser peut s’adresser à un prêtre par téléphone; celui-ci cherchera avec elle le moyen de le faire. Entendre une confession par téléphone ou en ligne n’est pas autorisé.»

Pas d’horaires de confession fixes

«Dès l’annonce des premières mesures, le 13 mars, j’ai indiqué aux prêtres que la confession restait possible, non pas dans un confessionnal où la proximité serait trop grande, mais dans un local où la distance peut être respectée, explique Pascal Desthieux, vicaire épiscopal à Genève. Le problème n’est donc pas le sacrement lui-même, mais la possibilité d’un rassemblement plus large de personnes attendant de pouvoir rencontrer le prêtre. C’est la raison pour laquelle les paroisses n’ont pas publié d’horaires de confession fixes. Dans une église assez grande, où les gens en attente pourraient respecter la distance et où le prêtre pourrait confesser dans un local assez vaste, les confessions restent possibles, estime le vicaire épiscopal.

«J’ai reçu ainsi quelques demandes de confession de personnes que je connais. Mais il faut dire que je ne suis plus curé de paroisse et qu’il m’est difficile d’estimer si cette demande a crû ou non.»

Eviter de pousser les gens à sortir

L’abbé Jean Glasson, vicaire épiscopal pour le canton de Fribourg, livre un son de cloche très analogue. «Nous devons éviter de donner des signaux poussant les gens à sortir de chez eux». Lorsqu’un rendez-vous est fixé individuellement avec le prêtre, il faut disposer d’un local adéquat pour, à la fois, pouvoir respecter la distance sanitaire et pouvoir parler assez fort pour se comprendre. «A ma connaissance, quelques prêtres ont maintenu les confessions habituelles, mais en adaptant leur pratique dans le respect des normes, par exemple en installant un plexiglas ou en demandant aux gens de s’inscrire au préalable et en leur donnant une heure fixe pour éviter tout rassemblement de personnes. Cette responsabilité reste aux prêtres et aux curés.»

L’Eglise dans le canton de Vaud suit les recommandations officielles, indique, de son côté, Marie-Danièle Litzler. En tant que collaboratrice du secteur formation, elle est une des personnes chargées de la ‘hotline’ mise en place par le vicariat. «En cas de demandes spécifiques, les prêtres peuvent se mettre à disposition, notamment dans les paroisses Notre-Dame et du Sacré-Cœur à Lausanne qui ont pris des mesures pour respecter les normes de distance. Mais cela doit rester l’exception. Nous avons eu quelques appels à ce sujet, mais a priori il ne semble pas que la demande soit plus forte qu’en temps normal.»

Le salut vient par le Christ. Crucifix de la cathédrale de Sion (Photo: Pierre Pistoletti)

Les prêtres et les fidèles font souvent partie des groupes à risque

Pour le diocèse de Sion, le vicaire général Pierre-Yves Maillard se montre très prudent. «Nous dissuadons le plus possible les personnes de se rencontrer. Nous suivons les recommandations fédérales de rester à la maison, ce d’autant plus que les prêtres et les fidèles font souvent partie des groupes à risque.» Les églises restent ouvertes, mais uniquement pour la dévotion individuelle, on ne peut y organiser aucune célébration publique. Les personnes en attente peuvent toujours téléphoner à un prêtre qui les écoutera et les conseillera.

Les gens prennent des risques plus grands en faisant leurs courses

Une prudence pas entièrement partagée par le Père Nicolas Buttet. Sur la page Facebook du fondateur de la communauté Eucharistein, basée à Epinassey (VS), un vaste débat s’est engagé sur la possibilité et la nécessité de se confesser et de communier physiquement à l’occasion de Semaine sainte. Il relaie en particulier l’avis d’un professeur de microbiologie, le docteur Gerard M. Nadal, de New York: «D’un point de vue strictement scientifique, il ne semble pas y avoir de bonne raison liée à la pandémie pour refuser aux fidèles le sacrement de la confession. Les gens prennent des risques infiniment plus grands en allant dans les magasins pour acheter de la nourriture et d’autres services ‘essentiels’, et font la queue avec d’autres personnes dans des endroits proches. […] Mais c’est aussi l’heure du courage, et lorsqu’il s’agit de fermer complètement la porte à la possibilité de la confession sacramentelle et de l’onction des malades, en tant que professeur de microbiologie, j’invite respectueusement les évêques à reconsidérer leur position.»

Nicolas Buttet souhaite une «authentique réflexion sur l’administration des sacrements en ce temps de crise, avant «de passer trop vite au ‘spirituel’ et au ‘virtuel’ et la responsabilité de la hiérarchie pour permettre de ‘toucher’ la chair blessée de nos frères et soeurs.» Il se fait en outre le relais de la pétition lancée le 4 avril par le site l’incorrect pour communier à Pâques. (cath.ch/mp)  

Le sacrement de la réconciliation
La confession est un sacrement pour les Églises catholique, orthodoxe et orientales. Elle est individuelle et privée. À son issue, le prêtre accorde ou non l’absolution, c’est-à-dire le pardon et la rémission des péchés du fidèle. Le prêtre est tenu au secret pour tout ce qui lui a été révélé au cours de la confession.
Depuis le Concile Vatican II (1962-1965), la confession, ou sacrement de pénitence, a été renommée ‘sacrement de réconciliation’ même si les deux premiers termes restent largement utilisés. Plus que sur la confession des péchés, l’accent est mis ainsi sur le retour à Dieu dans le repentir et la réconciliation avec Lui.  
Dès le début de la Réforme, les réformateurs ont remis en cause la pratique de la confession auriculaire: ils pensent qu’elle ne peut être ni obligatoire, ni réservée à l’oreille d’un prêtre. Dans le protestantisme, la confession est considérée comme faisant partie de la relation que chacun entretient avec Dieu devant lequel il reconnaît directement ses propres fautes et accepte son pardon. MP

Maurice Page

Portail catholique suisse

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