Evangile de dimanche: Pâques dans les ténèbres

«Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin; c’était encore les ténèbres.» En cette fête de Pâques si particulière que nous vivons, ces quelques versets prennent un relief singulier. Marie-Madeleine est seule dans les ténèbres et elle se rend à un tombeau.

Marie-Madeleine a tout connu en quelques jours: la dispersion des Apôtres sur lesquels Jésus voulait faire reposer son Eglise; le retournement de la foule qui acclamait le fils de David entrant à Jérusalem puis s’est mise à réclamer sa mort. Et enfin, par-dessus tout, elle a vu la crucifixion de son Seigneur, de Celui dont la parole et les gestes avaient bouleversé sa vie.

En ces heures, nous voulons regarder Marie-Madeleine car elle nous ressemble. La dispersion des apôtres – de beaucoup d’apôtres – nous l’avons connue ces derniers temps. Certains ont montré de graves faiblesses; d’autres ont laissé transparaître une profonde perversité longtemps cachée, salissant aujourd’hui les belles paroles qu’ils prêchaient hier. Beaucoup de «colonnes» contemporaines de l’Eglise sur lesquelles nous avions pensé nous appuyer ont fini par se fissurer. Des Apôtres se sont dispersés et nous ont laissés, seuls, dans les ténèbres, comme Marie-Madeleine.

«Beaucoup de ‘colonnes’ contemporaines de l’Eglise sur lesquelles nous avions pensé nous appuyer ont fini par se fissurer.»

Marie-Madeleine est là. Sans les Apôtres. Sans la foule non plus qui accompagnait jadis Jésus. Ce retournement de la foule dont elle a souffert, nous aussi, nous ne cessons d’y être confrontés. Chaque année, dans nos pays européens, ils sont toujours plus nombreux ceux qui ne célèbrent pas Pâques.

Ils sont une foule immense ceux qui, après avoir acclamé le Christ entrant dans leur vie, ont fini par refuser qu’Il continue à y occuper une place de choix. Il n’y a pas d’abord à les accuser. Leur attitude tient beaucoup au piètre témoignage, voire à la coupable infidélité des disciples d’hier et d’aujourd’hui.

Et puis, dans cette «foule» de déçus, il y a aussi des chrétiens devenus anonymes… peut-être; espérons-le. Mais c’est un fait: eux non plus, ces croyants qui chantaient un «hosanna» rempli de ferveur il y a quelques années, ne font plus entendre de manière sonore leurs acclamations. Ils nous ont laissés, seuls, dans les ténèbres, comme Marie-Madeleine.

Marie-Madeleine est là, sans Apôtres, sans foule. Elle se rend à un tombeau. Elle se rend à ce lieu qui manifeste qu’elle est privée de la plupart des signes de la présence de son Seigneur. En ces heures, regardons, ici encore, Marie-Madeleine. Regardons-la car elle est le visage de ces personnes endeuillées, effroyablement isolées face à la mort et au doute.

Regardons Marie-Madeleine pour penser aussi à ces chrétiens privés des signes habituels de la présence du Seigneur, signes qu’aucun moyen technique, quelle que soit sa sophistication, ne pourra jamais remplacer. Le Seigneur semble les avoir laissés, seuls, dans les ténèbres, comme Marie-Madeleine.

«Marie-Madelaine est le visage de ces personnes endeuillées, effroyablement isolées face à la mort et au doute.»

«Dis-nous, Marie Madeleine, qu’as-tu vu en chemin?» Dis-le-nous car nous célébrons Pâques enveloppés des ténèbres qui semblent s’être installées sur notre monde, sur notre Eglise, sur notre vie. Redis-nous, Marie-Madeleine, le sens de la joie pascale. Montre-nous cette joie qui est visible aux yeux de ceux qui, comme toi, ont accepté de laisser couler abondamment leurs larmes.

Apprends-nous cette joie qui touche ceux qui, comme toi, resteront toujours blessés par l’impossibilité de «retenir» leur Seigneur. Donne-nous d’entendre cette joie dont l’annonce naît dans le silence et la crainte plus que dans le bruyant hosanna des foules trop sûres d’elles-mêmes.

Oui, Marie, en cette heure où tout nous porte à dire «on a enlevé le Seigneur», en cette heure où, comme toi, «nous ne savons pas où on l’a mis», donne-nous de tendre l’oreille pour écouter sa voix. Car nous voulons l’entendre nous appeler par notre nom. Comme toi, nous voulons l’entendre nous inviter à entrer dans cette joie pour laquelle Il nous a créés.

Jacques-Benoît Rauscher | Vendredi 10 avril 2020


Jn 20, 1-9

Le premier jour de la semaine,
Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ;
c’était encore les ténèbres.
Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau.
    Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple,
celui que Jésus aimait,
et elle leur dit :
« On a enlevé le Seigneur de son tombeau,
et nous ne savons pas où on l’a déposé. »
    Pierre partit donc avec l’autre disciple
pour se rendre au tombeau.
    Ils couraient tous les deux ensemble,
mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre
et arriva le premier au tombeau.
    En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ;
cependant il n’entre pas.
    Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour.
Il entre dans le tombeau ;
il aperçoit les linges, posés à plat,
    ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus,
non pas posé avec les linges,
mais roulé à part à sa place.
    C’est alors qu’entra l’autre disciple,
lui qui était arrivé le premier au tombeau.
Il vit, et il crut.
    Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris
que, selon l’Écriture,
il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.

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