Diaconat féminin: un rapport dynamique à la tradition est nécessaire

«Je ne suis pas sûre qu’il y ait beaucoup à gagner en particularisant le ministère» de femmes déjà au service de l’Eglise, confie avec prudence Anne-Marie Pelletier. La théologienne française a été nommée, le 9 avril 2020, membre de la nouvelle Commission d’étude sur le diaconat féminin créée par le pape François.

Comment avez-vous accueilli la nouvelle de la création de cette commission et de votre nomination?
Anne-Marie Pelletier: Evidemment je me réjouis que cette question d’un diaconat féminin, qui a occupé une première commission sans aboutir à des conclusions fermes, revienne dans l’actualité. Nous savons bien que, souvent, une commission qui a piétiné est une commission enterrée. J’espère simplement y apporter une contribution utile, tout comme j’espère que nous aurons l’occasion d’une réflexion théologique généreuse, qui ait un rapport dynamique à la tradition.


Quel est votre point de vue personnel sur ce sujet? Faut-il des femmes diacres?
Tout dépend évidemment du contenu donné à un diaconat féminin, de son statut au sein de l’Eglise, de la manière dont il serait conféré, de la façon dont il se situerait par rapport au diaconat permanent qui concerne aujourd’hui les hommes. A vrai dire, dans la vie ecclésiale, les femmes sont déjà sur la brèche, elles servent l’Evangile de multiples manières. C’est pourquoi, a priori, je ne suis pas sûre qu’il y ait beaucoup à gagner en particularisant le ministère de certaines d’entre elles sous la forme d’un diaconat institué. Mais ce sera, je pense, précisément, l’un des enjeux du débat. Ce sujet est aussi l’occasion de clarifier notre rapport à la tradition de l’Eglise: dans quel sens est-elle normative?


Le pape François évoque souvent le danger de «cléricaliser» les femmes ou encore de réduire leur importance dans l’Eglise à l’obtention d’une fonction. Qu’en pensez-vous?
Je suis tout à fait sensible à cette réserve. Certes il est important qu’il existe des mandats dans l’Eglise aussi bien que des reconnaissances institutionnelles de diaconies qu’exercent, de fait, bien des femmes. Mais je me méfie des raideurs et des exclusives que peut introduire une institutionnalisation trop poussée. Le cléricalisme est un poison qui diffuse bien au-delà du monde des clercs. C’est l’Eglise comme corps vivant, avec la multiplicité de ses charismes, qu’il faut faire exister dans la reconnaissance de l’égalité baptismale. C’est la circulation des services qu’il faut favoriser en évitant tout ce qui tend à trop figer dans des fonctionnalités rigides.

«Ce sujet est aussi l’occasion de clarifier notre rapport à la tradition de l’Eglise: dans quel sens est-elle normative?»


Quelle est selon vous l’intention du pape avec l’ouverture de cette nouvelle commission?
Le pape François a à cœur cette question majeure de «la place des femmes dans l’Eglise», comme l’on dit. Une question qui dépasse de beaucoup la condition qui est faite aux femmes dans l’institution. En vérité, elle met en jeu, plus globalement, la compréhension que nous avons de l’ensemble de l’institution ecclésiale, avec l’articulation en son sein d’hommes et de femmes, de clercs et de laïcs. C’est bien tout l’équilibre du corps ecclésial qui est concerné par une meilleure intelligence théologique de la place et de la mission des femmes.
Et nous savons combien le pape est attentif à ce problème, plus que jamais dans un contexte où la révélation d’abus de pouvoir et de crimes sexuels met en évidence l’existence de véritables pathologies dans notre ecclésiologie. La manière encore dont le pape aime évoquer – encore dans le dernier texte sur l’Amazonie – la qualité maternelle de l’Eglise suffit à comprendre qu’il soit attaché à cet approfondissement dont doit être l’occasion l’examen d’une possible ordination diaconale des femmes.

Ce travail peut-il contribuer plus largement à alimenter les recherches théologiques sur la place de la femme dans l’Eglise?  
Bien sûr, c’est même à mes yeux sa principale vertu. Dans cette question sont en jeu l’égalité baptismale entre hommes et femmes, mais aussi la théologie du sacrement de l’ordre dans l’Eglise catholique, objet, comme on sait, d’une grande vigilance pour le réserver aux hommes. (cath.ch/imedia/cg/bh)

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