Homélie du 19 avril 2020 (Jn 20, 19-31)

 Mgr Charles Morerod – Église St-Maurice, Ursy, FR

On voit l’acte de foi de l’apôtre Thomas: alors qu’il doutait, Jésus l’invite à toucher. On ne sait pas s’il touche, mais sa réaction consiste à dire « mon Seigneur et mon Dieu! » Chaque fois que je pense à ce texte je me rappelle, et certains d’entre vous m’ont déjà entendu le dire récemment, comment saint Thomas d’Aquin citant saint Grégoire le Grand commente cette déclaration de l’apôtre Thomas: voyant Jésus ressuscité : Thomas voit une chose et il en dit une autre. Ce qu’il voit c’est un homme vivant dont il pensait qu’il était mort. Il y avait bien des moyens de réagir à cela. Dire « mon Seigneur et mon Dieu » c’est avoir la foi : cet homme ressuscité est Dieu !

Qu’est-ce que ça change pour moi que le Christ soit ressuscité ?

Cette résurrection du corps, celle de Jésus et la nôtre à sa suite, c’est vraiment le cœur de la foi chrétienne. Comme le dit S. Paul, « Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain nous mourrons » (1 Corinthiens 15,32). Nietzsche ironisait en disant qu’on ne voyait pas la résurrection sur le visage des chrétiens. Il y a quelque chose dans cette remarque… Posons-nous la question: qu’est-ce que ça change pour moi que le Christ soit ressuscité ? On peut y répondre à l’aide de quelques exemples.

Méditer sur la mort et la résurrection

On trouve des exemples dans les lectures bibliques de cette messe. Saint Pierre, dans la deuxième lecture, nous dit d’une part « même s’il faut que vous soyez affligés pour un peu de temps encore par toutes sortes d’épreuves », d’autre part « vous exultez d’une joie inexprimable remplie de gloire car vous allez obtenir le salut des âmes qui est l’aboutissement de votre foi ». Nous pouvons exulter d’une joie inexprimable ! Le temps de Pâques est bien l’occasion d’y songer, mais le temps d’épidémie nous pousse aussi à méditer sur la mort et la résurrection. Ce n’est pas la même chose de vivre sa vie tout entière, plus particulièrement des moments où on pense au risque de mourir bientôt, en croyant ou en ne croyant pas à la résurrection. Je sais que dans une visite à une paroisse de Rome, le pape a répondu à des questions, notamment à celle d’une jeune fille qui lui a dit : « Je suis revenue à la foi, mais toute ma famille se moque de moi. Qu’est-ce que je peux leur répondre ? » Le pape lui a répondu : « Laisse-les voir la joie de ta foi ! »

Dieu agit. Laissons-le agir !

La première lecture nous montre d’une autre manière comment la foi a un impact sur la vie. On a un texte qui semble presque une forme d’utopie: « Tous les croyants vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun ;  ils vendaient leurs biens et leurs possessions, et ils en partageaient le produit entre tous en fonction des besoins de chacun ». Utopie? Disons que sans des buts élevés on ne va pas loin… Et qu’il ne faut pas limiter les possibilités de la vie chrétienne à nos propres forces : Dieu agit. Laissons-le agir !

En tout cas c’est le principe de vie des communautés religieuses : mettre les biens en commun et évidemment aussi ce qui suit dans le texte des Actes des Apôtres : fréquenter le temple, rompre le pain dans les maisons (ce qui inclut la célébration de la messe), aussi prendre le repas avec allégresse et simplicité du cœur : c’est possible, puisque ça existe, vraiment, même si pas parfaitement, et j’en suis témoin ! Certaines familles confinées font maintenant la même expérience, y compris dans la prière commune. Et combien d’exemples de personnes à qui la foi en la résurrection a permis de joyeusement donner leur vie pour que d’autres vivent. Je pense à saint Damien de Molokaï qui est allé sur une île de l’archipel d’Hawaii, où il n’y avait que des lépreux et dont il savait qu’il ne pourrait pas repartir. Ou encore à saint Maximilien Kolbe qui s’est offert à Auschwitz pour remplacer un père de famille choisi pour être exécuté. C’est le type de changement que la résurrection amène dans nos vies, dans notre rapport à la vie et à la mort. Et ce changement permet la vie des autres. Certes parmi les personnes qui risquent leur vie en soignant des malades de nos jours, la générosité ne se trouve pas que chez des croyants. Il y a des saints qui s’ignorent, et cette ignorance est une grandeur.

La référence à Dieu

Pâques accouche-t-il donc d’une utopie ? je me souviens du récit qui m’avait été fait par le P. Georges Cottier qui avait participé à une rencontre entre délégués du Vatican et philosophes communistes dans les derniers temps de l’Union soviétique. Cette rencontre avait eu lieu à Budapest, et ces philosophes communistes avaient une question : nous essayons de convaincre les gens de partager, pour que la société soit plus juste, mais ça ne marche pas. Est-ce que vous pouvez nous aider ? C’est donc là la perspective d’incroyants probablement sincères – ce n’était évidemment pas le cas de tous dans le système soviétique – mais ce système visait quand même un peu ce que décrivent les Actes des Apôtres. Ils avaient perçu que la différence entre leur idée de mise en commun des biens (au besoin par la violence) et la mise en commun des chrétiens, c’est la référence à Dieu.

Dieu nous a créés pour que nous vivions, sinon il ne nous aurait pas faits. S. Irénée disait, au 2ème siècle : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme, c’est de voir Dieu ». Seigneur, nous attendons de te voir, dans la foi nous t’entrevoyons, aide-nous à vivre pleinement et à aider notre prochain à vivre !

2e DIMANCHE DE PÂQUES ou DE LA MISÉRICORDE
Lectures bibliques. : Actes 2, 42-47; Psaume 117, 2-4, 13-15b, 22-24; 1 Pierre 1, 3-9; Jean 20, 19-31

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