Commission sur le diaconat féminin: les raisons de l'échec de 2016

Le pape François a annoncé l’ouverture d’une nouvelle commission d’étude sur le diaconat féminin le 8 avril 2020, faisant suite à une précédente commission créée en 2016. Les membres de ce groupe de travail avaient réussi à se mettre d’accord sur l’existence de diaconesses dans l’Eglise, mais s’étaient opposés sur la nature de cette «ordination».

En 2016, lors d’une audience avec les supérieures d’ordres de religieuses du monde entier et suite à une question de l’une d’entre elles, le pape François s’était interrogé sur l’existence des diaconesses dans les premiers temps de l’Eglise, exposant à ce titre le fruit de ses discussions avec un théologien syrien. Il avait alors même confié avoir abordé ce thème avec cet «érudit» lors des visites que ce cardinal lui rendait à Rome.

«Quel était le rôle des diaconesses en ces temps?», avait lancé le pontife devant les religieuses. «Avaient-elles l’ordination ou non?» Cette discussion ouverte avait abouti ni plus ni moins à la création par ses soins d’une commission visant à étudier l’existence du diaconat féminin, en premier lieu sous un angle historique.

Chacun a «sa propre vision»

L’étude fournie par les douze membres de ce groupe de travail semble n’avoir pourtant pas répondu aux interrogations du pontife, comme il l’a révélé dans l’avion de retour de Macédoine du Nord, en mai 2019. Si ses membres ont «travaillé ensemble» durant deux ans, chacun a «sa propre vision», a expliqué le pape. La commission a donc été arrêtée, chaque membre poursuivant le travail de son côté.

Le pape argentin a cependant exposé en substance quelques avancées résultant des travaux des experts. «Il y avait des diaconesses à l’origine», a soutenu le pape. Dans un entretien donné en mai 2019 sur la chaîne de télé catholique canadienne Sel et lumière TV, le Père Bernard Pottier, jésuite nommé dans cette première commission, a en effet confirmé de manière sous-jacente que sa commission s’était accordée sur ce point.

Selon le jésuite, il n’est plus possible de nier l’existence de femmes diacres dans les premiers temps de l’Eglise, étant donné la découverte depuis Vatican II de nombreux documents prouvant leur existence. Cependant, ces femmes bénéficiaient-elles «d’une ordination sacramentelle ?», a interrogé le pontife dans l’avion. A ce propos, on ne voit «pas clair», a reconnu le chef de l’Eglise catholique, et la question demeure «discutée».

Une conception propre du diaconat féminin

Malgré ces différences de point de vue, «il y a une manière de concevoir [le diaconat féminin] qui n’est pas celle du diaconat masculin», a poursuivi le pape. Ainsi, «les formules d’ordination diaconales trouvées jusqu’à présent ne sont pas les mêmes que celles de l’ordination masculine. Elles ressemblent plus à ce que serait aujourd’hui la bénédiction abbatiale d’une abbesse», a-t-il déclaré, en reconnaissant toutefois que ce point ne semblait pas faire l’unanimité au sein de la commission.

Derrière ce débat sur la nature de la bénédiction – ou de l’ordination – des diaconesses des premiers temps du christianisme se dessine la question de savoir si un tel ministère, s’il devait être créé, diffère du diaconat masculin. Pour certains experts, il demeure évident qu’une telle fonction ne peut rien à voir avec le diaconat masculin, celui-ci appartenant au sacrement de l’ordre et n’étant accessible qu’aux hommes.

Pour d’autres, comme le Père Bernard Pottier, les recherches historiques, la restauration du diaconat permanent après Vatican II et la modification théologique du sacrement de l’ordre par Benoît XVI, permet d’envisager un diaconat ordonné semblable à celui des hommes. En effet, depuis la promulgation du motu proprio Omnium in mentem en 2009, les diacres ne sont plus canoniquement associés aux fonctions d’enseignement, de sanctification et de gouvernement au sein de l’Eglise.

Pour le jésuite, cette clarification du sacrement de l’ordre par le pape allemand redéfinit ce qu’est le diacre par rapport au sacerdoce formé par le prêtre et l’évêque et fait du diacre «une autre spécificité» au sein du sacrement de l’ordre. Celui-ci n’agit pas «au nom du Christ tête», comme c’est le cas pour le prêtre. Cet argument ouvrirait selon lui la voie au diaconat féminin telle qu’on l’envisage chez les hommes.

Un débat qui remonte au XVIIe siècle

En réalité, le pape François semble rendre vie à un débat cristallisé depuis plusieurs siècles. La question de l’étude d’un diaconat féminin et le débat quant à son type d’ordination sont anciens, met en lumière sur son site la professeure américaine Phyllis Zagano, membre de la commission de 2016.

Dès le XVIIe siècle, le théologien Jean Morin a établi que les anciens rituels «rencontraient les exigences du Concile de Trente pour une ordination sacramentelle», rappelle Phyllis Zagano.  Un siècle plus tard, son adversaire Jean Pien avance que même si l’on démontre que les femmes étaient ordonnées par imposition des mains, les ordinations ne pouvaient être considérées comme sacramentelles.

Bien plus tard, ce même débat resurgit de façon presque identique.  En 1972, le belge Roger Gryson affirme que des femmes diacres ont été réellement ordonnées tandis que le liturgiste français Aimé-Georges Martimort s’y oppose et publie une contre-étude en 1982.

Pour le Père Bernard Pottier, cette question est sérieusement abordée dès la fin du Concile Vatican II, après la restauration des diacres permanents. La conférence épiscopale allemande, suivie de la conférence des évêques des Etats-Unis, demande alors au pape d’étudier la possibilité d’ordonner des femmes diacres.

Selon lui, par deux fois, en 1976 sous Paul VI, puis en 1994 sous Jean Paul II, les pontifes avaient écarté cette interrogation en indiquant qu’il était impossible d’ordonner des femmes prêtres. Et ce, sans se prononcer explicitement sur la question des femmes diacres. 

Les diaconesses ne peuvent être assimilées aux diacres

Il y a quelques années, la Commission théologique internationale a donc été chargée de donner une réponse claire sur le sujet. Toujours selon l’Américaine Phyllis Zagano, celle-ci se serait prononcée en faveur du diaconat féminin dans un premier document en 1997. Son président, alors le cardinal Ratzinger, aurait refusé de signer ce document et nommé une nouvelle commission.

Ce sujet a donc été réexaminé par ce même organe en 2003. La commission concluait son rapport en avançant, déjà, que les diaconesses dont fait mention la tradition de l’Eglise «ne peuvent pas être assimilées purement et simplement aux diacres».

Soulignant «fortement l’unité du sacrement de l’ordre», elle concluait en ces mots: «À la lumière de ces éléments mis en relief par la présente recherche historico-théologique, il revient au ministère de discernement que le Seigneur a établi dans son Eglise de se prononcer avec autorité sur la question». La nouvelle commission créée par le pape François aura la tâche délicate de trancher ce débat. (cath.ch/imedia/cg/bh) 

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