Un premier bilan de la pandémie

La pandémie actuelle affecte l’ensemble de notre système économique et social. Comme toute crise systémique, elle permet une bonne radiographie de nos sociétés.

Si l’on dresse un bilan provisoire, on constate que les pays d’Europe du Nord (Norvège, Danemark, Allemagne) ont une meilleure situation que les pays d’Europe du Sud (Espagne, Italie, France). Il y a deux exceptions à ce tableau: le Portugal pour le Sud et la Grande-Bretagne pour le Nord. La Suisse se situe entre les deux groupes.

Examinons cela en détail. L’Allemagne n’a enregistré que 5’600 décès, soit 6,7 pour 100’000 habitants. A l’autre extrémité du spectre, l’Italie a enregistré 25’000 décès, soit un peu plus de 42 morts pour 100’000 habitants. L’Espagne a le même niveau de mortalité. La Grande-Bretagne est à un niveau inférieur (28 décès pour 100’000 habitants) comme la France (20,1). La Suisse a enregistré environ 1’600 décès, soit un taux de mortalité de 18 pour 100’000.

Ces chiffres n’illustrent pas seulement un état sanitaire. Ils mettent en lumière une situation sociale. Tous les pays dont nous parlons possèdent un système de sécurité sociale. Les écarts ne viennent donc pas de là. Ils ont pour origine une plus ou moins bonne organisation du système de santé et la qualité de la gouvernance politique. L’Allemagne a un système de parfaite complémentarité entre la médecine de ville et les hôpitaux, ce dont ne disposent pas l’Italie et la France par exemple. De plus ses pouvoirs politiques ont défini dès le départ une ligne claire en matière de lutte contre la pandémie, car ils en avaient les moyens (en matière de tests en particulier). Les pays d’Europe du Sud n’ont pas eu de ligne claire dès le départ, que l’on pense à la tenue des élections municipales en France au milieu de mars ou à la tenue des matchs de football. Ils ne disposaient pas des tests adéquats et des masques en raison des délocalisations industrielles.

«Les pays qui s’en sortiront le mieux sont ceux où la crise a été la moins profonde»

Un cas particulier est celui des Etats-Unis. Plus de 50’000 morts, à l’heure où nous écrivons cette chronique. Une gouvernance chaotique et l’absence de système général de sécurité sociale font redouter une situation encore plus mauvaise. Les Etats-Unis paient leurs fractures sociales entre communautés et leurs fractures idéologiques entre Républicains et Démocrates, qui leur font oublier le bien commun. La pandémie met en lumière ces divisions.

La Suisse, en comparaison, s’en tire de façon moins négative sur le plan sanitaire, même si le nombre de décès en EMS est un gros point noir. Le Conseil fédéral a défini et maintenu une ligne cohérente. Il n’en va pas de même au niveau social, puisque les demandes se multiplient pour les aides d’urgence, comme le souligne Caritas.

L’heure est maintenant au déconfinement et au retour des activités économiques et sociales. Celui-ci se fera très progressivement. Les pays qui s’en sortiront le mieux sont ceux où la crise a été la moins profonde, et à ce niveau on peut craindre un accroissement du fossé entre le nord et le sud de l’Europe, mais aussi avec l’Afrique, si une aide appropriée n’est pas mise en œuvre. La gravité de la crise économique et sociale au niveau mondial entraînera à coup sûr des bouleversements géopolitiques dont on constatera les répliques au cours des prochaines années.

Jean-Jacques Friboulet

29 avril 2020

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