L’aumônier, figure essentielle dans les «Centres-Covid-19» tessinois

Rita Monotti, cheffe du service de médecine interne à l’hôpital «La Carità» de Locarno, a été en première ligne dès le début de la crise sanitaire du Covid-19. La doctoresse tessinoise a exprimé sa gratitude pour le précieux travail des aumôniers au sein des équipes soignantes. Une collaboration qui a permis de faire tomber beaucoup de préjugés.

Catt.ch/Federico Anzini; traduction et adaptation Davide Pesenti

«Je garde un souvenir indélébile du premier week-end dramatique d’urgence sanitaire, lorsque 50 personnes atteintes de Covid-19 sont entrées à l’hôpital. Et davantage les jours qui ont suivi», raconte Rita Monotti, cheffe du service de médecine interne de l’hôpital «La Carità» de Locarno. Il s’agissait du premier «Centre pour patients Covid-19» de la Suisse italienne, région durement frappée par la pandémie.

«Chaque jour, deux ou trois patients étaient transférés et intubés dans les services de soins intensifs. Et puis il y a eu de plus en plus de décès, en particulier parmi les patients très âgés et ceux qui avaient d’autres pathologies», se souvient la médecin tessinoise.

Vaincre la peur et la solitude

Au début de la crise, une grande insécurité régnait quant à l’évolution de la maladie. «Le sentiment dominant chez les patients était la peur. Il était nécessaire de prendre des décisions avec eux et de rester en contact avec les familles, de soutenir leur espoir. Les médecins ont l’habitude d’être confrontés à la fin de vie. Mais la mortalité élevée de cette pandémie a rendu la situation encore plus douloureuse», confie la doctoresse.

La difficulté de la crise sanitaire était aggravée par la solitude qu’éprouvaient de nombreux patients, surtout les plus graves. Dans ces circonstances, les appels vidéo ont été d’une grande aide pour assurer la liaison avec les familles, surtout pour les patients qui n’ont pas pu maintenir le contact avec leurs proches de manière indépendante.

«Lorsque la situation est devenue plus critique, précise Rita Monotti, les proches ont eu la possibilité de venir à l’hôpital. C’était très importante même si, évidemment, accompagner la mort et le deuil dans une telle situation a été beaucoup plus difficile pour le personnel».

Malheureusement, cette possibilité n’était pas offerte à tout le monde, car parfois les proches eux-mêmes étaient malades ou en quarantaine. «Ce sont les situations les plus dramatiques que j’ai vécues», se souvient Rita Monotti.

Les aumôniers, une présence essentielle

Dans ces circonstances terribles, la présence de spécialistes en médecine palliative, accomplissant leur travail avec professionnalisme et humanité dès le début de la crise à l’hôpital de Locarno, a été capitale. Mais une autre figure a été essentielle dans le dispositif mis en place à l’hôpital de Locarno: l’aumônier.

Rita Monotti est cheffe du service de médecine interne à l’hôpital «La Carità» de Locarno

Dans un premier temps, l’évêque de Lugano, Mgr Valerio Lazzeri, a envoyé le Frère Michele Ravetta qui a assumé immédiatement la charge.

Ensuite, afin de couvrir efficacement l’ensemble de la journée, y compris un piquet de nuit, Mgr Lazzeri a nommé deux autres prêtres : don Jean Luc Farine et don Marco Nichetti.

«C’est une présence fondamentale, confie la doctoresse Monotti, également souhaitée par la direction de l’hôpital. Ils font un travail précieux au sein de l’équipe médicale. Ils ont été bien accueillis et tout le personnel apprécie leur travail. Un travail d’équipe également effectué avec les assistants spirituels laïcs non religieux présents dans notre hôpital».

Elle se dit étonnée et touchée par la façon dont cette situation d’urgence a fait tomber tant de préjugés, en mettant en évidence les besoins les plus profonds de la population.

«Le personnel de santé interrogeait le prêtre sans gêne pour demander la communion, ou signalait rapidement un éventuel désir d’un patient de rencontrer un aumônier, simplement parce qu’il l’avait vu regarder la messe à la télévision», précise la tessinoise.

«Un miracle»

Depuis fin février 2020, la docteur Rita Monotti a vécu chaque instant de la transformation rapide dictée par la pandémie. La chirurgie a progressivement fermé, puis la maternité, la gynécologie et la pédiatrie ont déménagé pour faire place aux nouveaux lieux de soins intensifs et à la «médecine Covid-19». Les urgences ont été déplacées dans des bâtiments préfabriqués. De toute évidence, le soutien de la clinique Moncucco de Lugano a été décisif.

En un peu plus d’une semaine, l’hôpital régional de Locarno, avec huit lits pour les soins intensifs, a atteint 45 lits. «Un miracle, s’exclame Rita Monotti, le résultat d’un incroyable travail d’équipe réalisé avec détermination par la direction, avec le soutien de tous les chefs de service : trois réunions par jour pour coordonner tout le travail».

La situation dramatique dans le nord de l’Italie avait capté l’attention du monde entier. «Nous n’étions donc pas complètement pris au dépourvu. Mais personne ne s’attendait à cette vitesse de propagation du virus. C’était une véritable course contre la montre pour sauver le plus grand nombre de vies».

Gratitude

La phase critique est aujourd’hui derrière le Tessin. Début mai à Locarno, il règne une atmosphère «familiale». La pandémie a déclenché un changement de mentalité, remarqué par beaucoup, qui a rendu l’équipe soignante plus unie et plus solidaire.

«En ce moment, c’est la gratitude qui prévaut en mon for intérieur, confie Rita Monotti dans un soupir. Je suis reconnaissante surtout pour l’aide inestimable reçue des médecins et du personnel de santé de tous les hôpitaux tessinois».

Elle a vu des étudiants et des assistants médicaux passer d’épuisantes gardes de plus de 12 heures d’affilée. «L’expression ›yeux souriants’ a été inventée parce que la seule partie du corps non couverte par des vêtements de protection sont les yeux et que la communication avec les patients se fait souvent par le regard», raconte la chef de service.

Au Tessin, malgré le relativement grand nombre d’infections et de décès, la protection du personnel de santé a été efficace.

«Ce fut une expérience dramatique mais inoubliable. Un médecin assistant africain, désireux de retourner dans son pays d’origine pour devenir chirurgien, m’a demandé un certificat. Il voulait avoir un souvenir à conserver pour le montrer à ses futurs enfants et petits-enfants. C’est un signe que ces semaines fatigantes ont profondément touché tout le monde». (cath.ch/catt.ch/fa/dp)  

Davide Pesenti

Portail catholique suisse

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