D’une Eglise à l’autre!

J’ai lu avec plaisir et intérêt l’interview diffusé sur cath.ch de Bernard Miserez, le sympathique chapelain du Vorbourg. Ce prêtre jurassien est sorti vainqueur d’une agression du coronavirus et a pris le parti d’en rire.

Plus sérieusement, il déplore que l’Eglise – locale?- ne soit pas suffisamment présente auprès des malades, de ceux qui les soignent et de ceux, toujours plus nombreux, qui souffrent des retombées économiques et sociales de cette pandémie. A Genève, des files impressionnantes de nouveaux indigents mendient leur carton de nourriture.

Ce n’est pas mon rôle de confirmer ou d’infirmer ce reproche. Mais c’est un fait que les religieux et religieuses ont visiblement disparu des institutions sociales et sanitaires du pays. Plus de voile, de froc, de cornette ou de soutane pour les identifier. L’absence de ces signes extérieurs ne prouve pas encore la désertion de l’Eglise. Car ce sont désormais des laïcs qui la représentent sur ces champs de bataille. Ils sont loin d’être inactifs, même s’ils restent discrets sur leur appartenance ecclésiale.

Le reproche de Bernard Miserez reflète la perception encore vivace d’une Eglise qui ne s’identifie qu’avec son clergé et non pas avec «le peuple de Dieu» formé de l’ensemble des baptisés. Une Eglise centrée exclusivement sur les sacrements – Bernard Miserez parle «d’obésité liturgique» – de préférence à d’autres formes de présence et d’accompagnement évangéliques.

Ces propos ne sont pas si éloignés de la boutade d’un paroissien enregistrée par Mgr Charles Morerod. Ce laïc déclarait à son évêque que le coronavirus avait réduit au chômage les prêtres, puisqu’ils n’avaient plus de messes à dire. Hors de la messe, pas de salut ! C’est ainsi qu’on caricature trop souvent le catholicisme. Mais est-ce une caricature?

«Une nouvelle Eglise est en germe. Comme je souhaiterais qu’elle prenne corps et s’épanouisse»

Je crois pouvoir affirmer cependant, si je me réfère à ce que je lis, entends et vois, que la pandémie n’a pas transformé prêtres et religieux en paresseux oisifs et parasites. Je suis même émerveillé par l’ingéniosité des moyens que certains mettent en œuvre pour diffuser par les ondes ou via internet des célébrations de qualité auxquelles leurs paroissiens n’ont pas le droit de participer visiblement. Mais ce sont encore des «messes», faut-il faire remarquer !

Le moment est sans doute venu – merci cher coronavirus! – d’imaginer d’autres types de célébrations – bientôt eucharistiques? – à l’intérieur des maisons ou des appartements où vit une famille «confinée». Ou de rassembler – virtuellement – des groupes de jeunes ou de moins jeunes autour d’un texte biblique, d’une catéchèse ou d’un autre écrit. Et même de les amener à échanger entre eux sur leurs engagements sociaux, politiques, écologiques ou humanitaires. Nous n’inventons rien. Nous ne faisons que nous réapproprier une pratique de la toute première communauté chrétienne: «Ils rompaient le pain à domicile, prenaient leur nourriture dans l’allégresse et la simplicité de cœur» (Actes 2,46).

Une nouvelle Eglise est en germe. Comme je souhaiterais qu’elle prenne corps et s’épanouisse. Les forces de renouveau l’emporteront-elles sur l’inertie, la sclérose et la routine? Pourront-elles surmonter les forces de l’ombre toujours en embuscade? Un immense chantier est en train de s’ouvrir. Il promet du travail à chacun.

Guy Musy

6 mai 2020

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