Rome: hôpitaux belges des Frères de la Charité «plus catholiques»

Alors que les évêques de Belgique expriment le 7 mai 2020 «leur très profonde estime aux Frères de la Charité en Belgique et à tous leurs collaborateurs, pour leur engagement en faveur des personnes handicapées mentales, malades ou blessées», les 15 établissements psychiatriques des Frères de la Charité ne seront plus ‘des entités catholiques’, selon une décision du Vatican. En cause: l’acceptation de l’euthanasie.   

L’organisation qui gère les œuvres des Frères de la Charité ayant réitéré son refus de revenir sur son acceptation de l’euthanasie, le cardinal Luis Ladaria Ferrer, préfet de la Congrégation romaine pour la doctrine de la foi, dans un courrier daté du 30 mars, l’a informé qu’elle ne peut plus se prévaloir du qualificatif de «catholique». Le jésuite espagnol écrit que «les hôpitaux psychiatriques gérés par l’association Provincialat des Frères de la Charité asbl en Belgique ne pourront plus, désormais, être considérés comme des entités catholiques».

En Belgique, la gestion des quinze hôpitaux de la congrégation des Frères de la Charité est confiée à une association, le Provincialat des Frères de la Charité asbl, dont le conseil d’administration est composé de douze laïcs – parmi lesquels l’ancien Premier ministre démocrate-chrétien belge Herman Van Rompuy, ancien président du Conseil européen – et seulement trois frères consacrés de la congrégation. En 2017, le conseil a décidé d’inclure la possibilité de recourir à l’euthanasie dans les directives de ses hôpitaux relative à la loi belge sur l’euthanasie.

Trois ans de dialogue sans résultat

«Malgré les trois ans de dialogue, la vision des responsables de l’organisation est restée malheureusement inchangée», regrette le Frère René Stockman, supérieur général des Frères de la Charité à Rome, qui ne voulait absolument pas d’euthanasie dans les centres qui portent le nom des Frères de la Charité. «C’est contraire à la doctrine de l’Eglise», a-t-il répété toutes ces années.

Frère René Stockman, supérieur général de l’Ordre des Frères de la Charité à Rome | © cathobel

«Nous allons sans doute demander aux quelques religieux qui participaient encore à la gestion de ces hôpitaux  de la quitter», déclare le supérieur général des Frères de la Charité, pour lui une décision  »douloureuse», car ces hôpitaux sont l’origine de la congrégation. Elle a été la première à soigner les malades psychiatriques en Belgique dès 1815.  La congrégation devra probablement rompre les liens institutionnels qui l’unissaient encore à l’organisation qui pourrait elle-même avoir à changer de nom.

Litige en vue sur le nom et les propriétés

La suppression de l’étiquette ‘catholique’ va entraîner une discussion sur l’utilisation du titre de «Frères de la Charité» ainsi que sur la propriété des biens. Le président de la section belge, Raf De Rycke, a toutefois déclaré à différents médias belges vouloir continuer à travailler avec le même nom, la même mission et la même vision, «dans l’intérêt des frères belges, des collaborateurs, des clients et de la société».

Il n’est pas exclu que le conseil général des Frères de la Charité intente une action en justice contre l’organisation belge, notamment en ce qui concerne la propriété des bâtiments, ce qui pourrait entraîner des années de litige devant les tribunaux.

Une décision «validée par le pape François»

La décision d’ôter label ‘catholique’ de l’organisation, «validée par le pape François», écrit Nicolas Senèze, correspondant à Rome du quotidien catholique français La Croix, met un terme au dialogue engagé il y a trois ans, après que l’organisation, liée aux Frères de la Charité de Gand, ait décidé d’admettre l’euthanasie pour ses patients en psychiatrie. Rome rappelle à ce propos «l’inacceptabilité morale de l’euthanasie» ainsi que «l’impossibilité d’introduire cette pratique dans les hôpitaux catholiques, même dans des cas extrêmes, et de collaborer à cet égard avec les institutions civiles».

Le conseil d’administration de l’organisation – où les religieux sont en minorité – justifiait sa décision par la volonté de conformer à la législation belge après qu’une maison de retraite catholique flamande ait été contrainte de payer une amende pour avoir refusé l’euthanasie à une patiente de 74 ans atteinte d’un cancer du poumon.

Embarras des évêques de Belgique

Embarrassés, les évêques de Belgique écrivent dans leur communiqué du 7 mai qu’en «ces temps difficiles de coronavirus, ils apprécient particulièrement leur engagement sans faille dans l’aide et la proximité à ces personnes».

La branche belge de l’organisation des Frères de la Charité et ses 13’000 employés gèrent également des dizaines d’écoles primaires et secondaires, des garderies et des centres orthopédagogiques en Belgique. Ses employés soignent ou éduquent 30’000 personnes en Belgique, l’organisation étant un acteur très important des soins psychiatriques dans le pays, notamment en Flandre, où elle gérerait 60 % des 3’500 lits de psychiatrie.

Fondés en 1807 à Gand pour prendre soin des personnes âgées pauvres sous le nom de «Frères Hospitaliers de Saint-Vincent» par l’abbé Pierre Joseph Triest  – son procès de béatification s’est ouvert le 26 août 2001 à la cathédrale de Gand – les Frères se sont développés progressivement en une congrégation internationale avec des maisons dans 30 pays. (cath.ch/cathobel/com/be)

Les évêques belges appellent à la poursuite du dialogue

Le nonce apostolique à Bruxelles a remis au président de la Conférence épiscopale de Belgique une copie de la lettre écrite le 30 mars 2020 par le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi au Supérieur général des Frères de la Charité.  Le préfet conclut que les discussions au sujet de l’euthanasie avec les institutions de soins des Frères de la Charité en Belgique, «n’ont pas pu aboutir à un accord».
Dans leur communiqué du 7 mai 2020, les évêques de Belgique «ressentent la situation actuelle de la Congrégation des Frères de la Charité, dans laquelle interviennent différentes sortes d’arguments et où diverses lignes de responsabilité se rencontrent, comme douloureuse et extrêmement complexe. Ils appellent à la poursuite d’un dialogue soutenu entre tous les acteurs concernés». En vertu de leur responsabilité pastorale, les évêques disent vouloir continuer à s’investir en faveur de l’unité et de la communion au sein de la communauté ecclésiale. «Ils gardent leur confiance et continueront à collaborer avec toutes les institutions de soins du milieu chrétien». JB

Des tentatives de dialogue

Le Saint-Siège avait mandaté Mgr Jan Hendriks, évêque auxiliaire d’Amsterdam, en tant que visiteur apostolique. Celui-ci n’avait constaté aucun progrès ni aucune volonté de trouver «une solution viable qui évite toute forme de responsabilité de l’institution en matière d’euthanasie». Le prélat avait ainsi échoué à créer des «opportunités et des espaces de dialogue sur ce sujet extrêmement délicat et de trouver ainsi, dans un esprit d’ecclésialité sincère, une convergence sur la doctrine catholique en la matière».
Avec regrets, la congrégation religieuse a dû faire le choix de se séparer de ses établissements de santé. Ses Frères n’apporteront plus aucune contribution aux hôpitaux et laisseront l’entière responsabilité à l’organisation de gestion. Il reste cependant beaucoup d’aspects à définir, notamment la question des édifices utilisés par les services de soin qui appartiennent aux Frères de la Charité. Il faudra ainsi désormais trouver un accord pour que la société qui gère les hôpitaux achète les bâtiments ou transfère ses services.
Les Frères de la Charité est une communauté composée de Frères (et non de prêtres) qui réalise d’importants projets notamment en République centrafricaine, au Soudan du Sud, mais aussi en Chine. (cath.ch/imedia/ah/be)

Jacques Berset

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