«Prendre soin» – Le nouvel impératif

L’encyclique Laudato si’ n’a pas fini de nous interpeller, cinq ans après sa publication le 24 mai 2015, alors que nous peinons à sortir du désarroi pandémique. Ce cinquième anniversaire fait l’objet d’une semaine – du 16 au 24 mai – sous les auspices du pape François, alors qu’au niveau plus local la Plateforme Dignité et Développement a récemment proposé un cycle invitant à la découverte du texte de l’encyclique.

La notion qui traverse l’encyclique de bout en bout est le «prendre soin». On pourrait même dire que cette notion en constitue le message principal. Dans la version espagnole – probablement la version originale – italienne et anglaise les termes «cuidar» et, respectivement «cura»`et «care» apparaissent des dizaines de fois. Dans la version française le vocabulaire est plus dispersé ce qui atténue peut-être un peu la clarté du message: le «prendre soin» n’apparaît en tant que tel que treize fois et parfois il est remplacé par «sauvegarde» ou «faire attention».

La pandémie rappelle en grandeur nature l’importance du «prendre soin» dans nos vies privées et sociales. Le prendre soin va plus loin que la bienveillance, laquelle peut se limiter à une attitude passive. Le prendre soin s’exprime la plupart du temps par des actes. Cette attitude est par essence porteuse d’humanité, elle découle de la reconnaissance que chacun est coresponsable de ceux qu’il croise sur son chemin.

Le «prendre soin» dépasse les frontières des professions et des métiers même s’il fait partie explicitement de la déontologie des professionnels des soins. Sans lui, les rapports familiaux, amicaux, avec les collègues ou les voisins se grippent rapidement et parfois dégénèrent.

«Au sens strict, nous ne sommes propriétaire de rien, à nous d’agir en respectant la volonté et l’esprit de Celui qui a tout mis entre nos mains.»

Les temps de la pandémie font ressortir les limites du modèle purement économique de l’interaction sociale, où tout est intérêt. Contrairement au donnant-donnant qui est conditionné par l’attitude de l’autre, le «prendre soin» est résolument inconditionnel, donc asymétrique ce qui ne veut pas dire qu’il y ait pas de place pour la réciprocité. En mettant l’accent sur le «prendre soin», Laudato si’ est donc un appel au dépassement de la logique économique.

Pour le pape François, l’obligation morale du  «prendre soin» repose sur un constat central: «tout nous a été confié», la Création dans toutes ses particularités comme notre humanité et l’humanité. Puisque, au sens strict, nous ne sommes propriétaire de rien, à nous d’agir en respectant la volonté et l’esprit de Celui qui a tout mis entre nos mains. Le «prendre soin» appelle donc à donner à toute activité, dans et en dehors du marché du travail, une touche, un accent qui fasse référence au mandat reçu.

Avec Laudato si’, le prendre soin devient le nouvel impératif que personne ne devrait pouvoir oublier. Relire l’encyclique du pape François devrait nous inciter à donner un nouveau souffle à nos activités au moment du retour progressif à la «normalité» de manière à ce que le monde ne retombe pas dans les travers d’une course effrénée à l’efficacité de court terme.

Ainsi, la «normalité» de l’après serait enrichie par l’expérience et la leçon apprise au temps de la pandémie qui montrent l’importance critique qu’a l’attention à «prendre soin» qui doit désormais devenir omniprésente: dans la vie privés, sociale et économique et à tous les niveaux: prendre soin de soi, des autres et de la Création. Sans la généralisation de cette attitude, une destruction deshumanisante nous guette qu’aucune promesse technologique – même la plus folle – ne saura nous épargner.

Paul H. Dembinski | Mardi 19 mai 2020

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