Sarah: L'Eglise ne doit pas se voir comme une institution du monde

L’Eglise catholique doit changer et cesser de se considérer comme une «institution du monde», estime le cardinal Robert Sarah. Le coronavirus et sa cohorte de morts renvoient l’Eglise à sa responsabilité première, à savoir «annoncer Jésus qui a vaincu la mort par sa Résurrection», estime le prélat guinéen dans une tribune publiée le 19 mai 2020 sur Le Figaro Vox.

Depuis longtemps, estime le préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, l’Eglise est entrée dans un «rapport faussé au monde». Confrontés à une société qui semblait ne pas avoir besoin d’eux, «les chrétiens se sont efforcés de démontrer qu’ils pouvaient lui être utiles», analyse-t-il, et se sont engagés dans des «luttes pour un monde meilleur». La paix, la solidarité ou encore l’équitable répartition des richesses sont des combats justes, reconnaît le prélat au discours conservateur.

La parole du Christ «n’est pas de ce monde»

Cependant, les chrétiens ne doivent pas faire oublier que la parole du Christ «n’est pas de ce monde». «L’Eglise a des messages pour ce monde uniquement parce qu’elle a les clefs d’un autre monde», rappelle-t-il. Le Covid-19 a, selon lui, mis à nu une «maladie insidieuse» de l’institution ecclésiale: celle de vouloir être du monde.  

Après cette crise, «le monde attend [de l’Eglise] une parole de foi qui lui permette de surmonter ce face-à-face avec la mort qu’il vient de vivre», poursuit le préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. Sans cette «parole claire», les hommes risquent de sombrer dans une «culpabilité morbide» ou dans une «rage impuissante face à l’absurdité» de leur condition. Seule l’Eglise peut donc leur permettre de donner sens à ces décès de «personnes aimées».

Les sociétés occidentales se sont habituées à «nier la mort, la cacher, l’ignorer», observe-t-il  encore. Pourtant devant les «morgues géantes» de Bergame ou de Madrid, les images de «l’homme augmenté et immortel» véhiculées par la société se sont révélées illusoires.

Cesser d’avoir peur d’aller à contre-courant

«La modernité triomphante s’est effondrée devant la mort», poursuit-il. Si le monde peut résoudre des crises sanitaires, ou se relever de la crise économique, «il ne résoudra jamais l’énigme de la mort». Même la philosophie est impuissante à consoler les cœurs. En réalité, résume-t-il, «seule l’espérance d’une vie éternelle permet de surmonter le scandale».

Mais pour annoncer cette parole du Christ, «l’Eglise doit changer», considère le cardinal: elle doit «cesser d’avoir peur d’être à contre-courant», «renoncer à penser comme une institution du monde» pour «revenir sur son unique raison d’être: la foi».

Un «mal spirituel»

Si la société aura bien sûr besoin de psychologues pour surmonter le traumatisme lié au fait de n’avoir pu accompagner les mourants, elle aura encore plus besoin de prêtres pour apprendre à prier et espérer, avance-t-il. En effet, cette crise démontre, selon lui, que les hommes souffrent sans le savoir d’un «mal spirituel»: ils ne savent pas donner de sens à la souffrance, à la finitude et à la mort. (cath.ch/imedia/be)

Jacques Berset

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