La troisième question

Tous déconfinent. Donc déconfinons. Sans oublier d’observer les mesures sanitaires évidemment. Juste conseil de frère Alain Berset.

Après deux mois de jeûne liturgique presque total, après une si longue traversée du désert religieux, maintenant que nous avons plus ou moins goûté aux célébrations virtuelles – la manne! -, nous allons rentrer dans la terre promise des messes présentielles. Les nouvelles techniques ont fait tout ce qu’elles pouvaient pour pallier les absences réelles de l’eucharistie. Merci à celles et ceux qui se sont donnés corps et surtout âme pour alimenter notre vie spirituelle par des invitations et des incitations à écouter la parole de Dieu et à prier autant que possible, y compris dans une certaine nostalgie de la communion.

Et maintenant sonne l’heure de vérité. Au moment où les célébrations vont à nouveau investir nos églises et chapelles restées si longtemps en état d’abstinence eucharistique, comment allons-nous réagir, nous les «vieux croyants» plus ou moins habituels et parfois habitués?

D’abord quant à l’eucharistie qui nous a tellement manqué, n’est-ce pas? Allons-nous revenir en cohortes nombreuses et ferventes vers nos sanctuaires désormais tout ornés pour nous accueillir «à la maison»? Ou aurons-nous pris goût à un certain confort des «messes-canapés» qui ont fini par nous offrir gratuitement parole et prière à domicile, à toute heure du jour et de la nuit? Franchement, avons-nous conservé –et peut-être développé- cette faim de la communion qui devrait nous précipiter vers nos tables eucharistiques d’où le prêtre est si heureux de nous redire: «Heureux les invités au repas du Seigneur»? Réellement, pas seulement virtuellement!

«Cet éparpillement ecclésial aura-t-il diminué en nous le besoin de revoir les autres chrétiens?»

Et puis il y a aussi la question de la communauté. Le confinement, même compensé par des liturgies soignées, nous a surtout montré des églises presque vides, des nefs occupées par des bancs désolés, autrement dit l’absence réelle de la communauté en chair et en os. Bien sûr, nous avons porté dans nos cœurs et dans nos prières l’Eglise universelle devenue largement invisible. Dans les mystères liturgiques, la communion des présents est toujours plus ample que la réunion des visibles. Mais peut-être, à la faveur du service à domicile des liturgies, pour des groupes très restreints, voire même des personnes seules, cet éparpillement ecclésial aura-t-il diminué en nous le besoin de revoir les autres chrétiens, la faim de refaire communauté, la joie de revivre concrètement de vrais rassemblements d’Eglise. Dans la crise, sommes-nous devenus plus individualistes ou plus communautaires? Sans oublier que la réponse à cette question ne concerne pas seulement les liturgies. Elle interroge la mentalité quotidienne des chrétiens, si la «pratique religieuse» déborde largement la fréquentation des églises.

Je me suis permis de poser deux questions: l’une sur la soif profonde de l’eucharistie «vraie», l’autre sur le besoin viscéral de re-composer des communautés d’Eglise bien vivantes.

Finalement, il reste une troisième question, adressée à tous, à travers les deux premières. C’est celle que Jésus posa un jour à ses disciples: «Pour vous, qui suis-je?» (Mt 16,15) Oui, la seule question qui mérite la réponse de toute une vie. Celle de chacun de nous, avant, pendant et après le confinement.

Claude Ducarroz

27 mai 2020

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/blogsf/la-troisieme-question/