Face à l’éventualité d’un schisme intégriste, l’agence APIC a demandé au
Père Bruno Wildhaber, docteur en théologie et assistant en droit canonique
à la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg, de brosser un
tableau historique et canonique de ce qu’a été et de ce que signifie une
schisme dans l’Eglise.
A l’origine, le mot « schisme » évoque, en grec, une « déchirure », par exemple celle d’une pièce de vêtement. Au sens figuré, le terme suggère les
dissensions, voire les scissions qui se produisirent dans plusieurs communautés dès les premiers temps de l’Eglise, principalement à Corinthe (1 Cor
1,10; 11,18; 12,25). Le « prototype » du schisme a été,dans l’Ancien Testament, la séparation d’Israël et de Juda après la mort de Salomon.
Parcours historique
A l’époque des apôtres et des pères de l’Eglise, le terme de schisme
qualifie tant les phénomènes de distorsion que les symptômes de rupture affectant les jeunes Eglises, notamment lors d’une succesion épiscopale
discutée ou plusieurs évêques étaient élus. Ainsi vers 362 Antioche comptait, au dire de saint Jérôme, 5 évêques concurrents. Le schisme apparaît
donc comme une sécession, avec tendance à l’éclatement de l’Eglise locale.
Aux conflits de personnes se juxtaposèrent très tôt des conflits d’ordre
doctrinal ou disciplinaire.
Au IV/Vèmes siècles, dans le cadre des controverses christologiques,
l’Egypte copte et la Perse ne suivirent pas la même voie que Byzance, et
cela malgré les efforts des premiers Conciles oecuméniques (Nicée,
Constantinople, Ephèse et Chalcédoine). Avec la chute de l’Empire
d’Occident, Rome et Constantinople se sont murés toujours davantage dans
une politique d’exclusion mutuelle (schisme de Photios en 867 , de Michel
Cérulaire et de Léon IX en 1054), jusqu’à la rencontre de Paul VI et
d’Athénagoras à Jérusalem en 1964 (levée du schisme à Saint-Pierre en
1967).
Entre temps l’Occident (le « Grand schisme » avec trois papes de 1378 à
1417) comme l’Orient (entre autres la dissidence des « vieux croyants » dans
la Russie du XVIIe siècle) connurent leurs schismes respectifs. Pour peu
que la conflagration gagnât les centres vitaux de la foi (prédication,
sacrements), le schisme se doublait alors de l’hérésie : arianisme, hérésie
cathare, protestantisme. Ce dernier eut bientôt en son sein ses propres
hérétiques et schismatiques : les puritains, les méthodistes (dans l’anglicanisme). L’ultime schisme important qui toucha l’Eglise dans notre pays
fut celui des « vieux catholiques » qui refusèrent de reconnaître l’infaillibilité pontificale proclamée par le Concile Vatican I en 1870.
Aperçu canonique
Le droit de l’Eglise régi par le nouveau Code de droit canon promulgué
par Jean Paul II en 1983 définit le schisme comme un « refus de soumission
au Pontife suprême ou de communion avec les membres de l’Eglise qui lui
sont soumis » (canon 751). Le schisme constitue donc une mise en cause
mortelle de la communion, qui est l’être même de l’Eglise.
Dès qu’il atteint le stade de la rupture et débouche dans le domaine
public, le schisme entraîne pour ses fauteurs une série de sanctions
canoniques(c. 1364) :
1. Pour tous ses adhérents déclarés, un schisme provoque l’excommunication
automatique, dite « latae sententiae ». Il faut noter que l’excommunication
interdit aux fautifs de participer à l’eucharistie et aux autres sacrements, ainsi qu’à toutes les cérémonies du culte, le prive de tous ses honneurs, charges et privilèges, casse enfin tous ses actes de juridiction
(gouvernement pastoral) (c. 1331).
2. Pour les clercs, l’excommunication entraîne la perte de l’office
ecclésiastique (c. 194).
3. En certaines circonstances, l’excommunication peut entraîner l’exil ou
l’assignation à résidence.
Si l’obstination des responsables ou le choc du scandale l’exigent,
« d’autres peines peuvent être ajoutées, y compris le renvoi de l’état
clérical », plus communément appelé « réduction à l’état laïc » (c. 1364). En
effet, le code prévoit (cc. 1326 et 1327) une aggravation de la peine en
fonction des circonstances, par exemple si le délinquant a commis un abus
d’autorité, voire a profité de ses fonctions ou s’opiniâtre dans sa rébellion.
Une éventualité pour Ecône
Dans le cas d’un évêque ordonnant d’autres évêques sans mandat du SaintSiège (délit d’usurpation), aussi bien le dignitaire consécrateur que les
prélats consacrés encourent l’excommunication automatique (c. 1382). On se
trouverait alors « de facto » devant un schisme « à l’état naissant », motif
pour lequel le code reste muet sur le sort immédiat de ses adhérents, à
moins qu’ils ne se manifestent sur-le-champ et ne se livrent spontanément à
des actes lésant l’autorité légitime et la liberté de l’Eglise (cc.
1370-77). Les responsables compétents doivent alors compléter par des mesures adéquates les sanctions envisagées « a priori » par la loi : c’est le
régime dit « ferendae sententiae » (acte positif et concret de l’autorité
compétente, cc. 1314 et 1318), et cela au double niveau de l’Eglise universelle et de l’Eglise locale (congrégations romaines et conférences épiscopales avec l’évêque du lieu). L’évêque diocésain peut ainsi préciser et
même aggraver les peines, car il est souvent le seul à même de juger la
gravité du cas (c. 1327).
Le canon 1365 prescrit que « la personne coupable de participation interdite aux célébrations sacrées (et c’est le cas lorsqu’il s’agit de prêtre
ou d’évêque excommunié), sera punie d’une juste peine. Il faut relever pour
conclure la condamnation spéciale frappant celui « qui excite publiquement
ses sujets à la contestation ou à la haine contre le Siège apostolique ou
l’évêque du lieu ». Il sera puni d’interdit (excommunication au plan « objectif » touchant l’activité de prédication, le droit de conférer les sacrements et toute activité officielle dans l’Eglise) ou d’autres justes peines. (c. 1373).
Il est à noter enfin que toute peine revêt d’abord un caractère
médicinal (c. 1312) et devrait servir, moyennant une démarche de pénitence
et de réconciliation, au « salut des âmes qui doit être la loi suprême » (c.
1752, le dernier du Code). (apic/bv/ym)
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