Antoine de Padoue, ce saint canonisé 352 jours après sa mort

Le 13 juin, l’Eglise catholique a célébré saint Antoine de Padoue, grand prédicateur franciscain et parmi les saints les plus populaires au monde. Impressionné par sa capacité à prêcher, le pape Grégoire IX le canonisa le 29 mai 1232, soit moins d’un an après sa mort.

C’est lors d’un repas, le vendredi 13 juin 1231, qu’Antoine, atteint d’infarctus, demande à être ramené dans sa communauté de Padoue (Italie). Mais le voyage à dos de bœufs est si fatigant que le cortège portant le futur saint s’arrête dans une petite église dédiée à Sainte-Marie de la cellule (Sainte Marie de Cela ou encore de l’Arcella), aux portes de la ville. Là, l’âme d’Antoine est «absorbée dans l’abîme de la lumière», écrit l’un de ses biographes, le Père Strappazzon. «Je vois mon Seigneur, Il m’appelle à Lui», aurait confié Antoine sur son lit de mort.

Après plusieurs années de prédication harassante, ce fervent disciple de François s’envole donc, paisible, rejoindre son Créateur, laissant à sa ville d’adoption l’exemple d’une vie donnée à Dieu. La nouvelle de la mort de ce Portugais originaire de Lisbonne ne se fait pas attendre. Dans les rues de Padoue, une ribambelle d’enfants se précipite pour annoncer la nouvelle en s’époumonant «Le père saint est mort; saint Antoine est mort». Toute la population le pleura, raconte encore le Père Strappazzon.

Canonisé moins d’un an après sa mort

Dès le jour de sa mise en terre, les miracles se multiplient, alimentant sa réputation de sainteté. Conscient de la nature exceptionnelle de l’homme qui vient de perdre la vie, le pape Grégoire IX ne perd pas de temps et le canonise le 30 mai 1232, soit précisément 352 jours après sa mort. On raconte que les cloches de Lisbonne ont sonné miraculeusement ce jour-là, célébrant les retrouvailles d’Antoine avec son Sauveur.

Il faut dire que Grégoire IX connaissait bien le prédicateur puisqu’il l’avait lui-même entendu prêcher deux ans auparavant, lors du chapitre général d’Assise au moment de la Pentecôte 1230. L’évêque de Rome, impressionné par sa fine connaissance des Ecritures et par son charisme, le qualifia alors de «trésor du Testament». Tous les témoins rapportent un don de prédicateur tel que le pontife lui avait donné l’autorisation de prêcher librement en tous lieux et donc permis de se détacher de sa mission de gouvernement. Cette faveur autorisa Antoine à terminer sa vie en annonçant le Christ jusqu’à l’épuisement, parfois devant plus de 30’000 personnes, et souvent à jeun. Il rédigea durant cette période ses Sermons des dimanches et des fêtes de l’année, écrits d’une grande profondeur toujours largement commentés aujourd’hui.  

Le Saint du monde entier pour Léon XIII

Connu et admiré en son temps par le pape qui le canonisa, saint Antoine de Padoue est aussi un fidèle compagnon des pontifes des deux derniers siècles. En 1880, alors qu’il reçoit en audience un groupe de fidèles de Padoue, Léon XIII ne cache pas son admiration pour le Saint et met en lumière son universalité. «Padouans, vous avez un grand saint mais ce n’est pas seulement le vôtre. Regardez autour de vous: il y a des dévots de saint Antoine partout dans le monde, jusque dans les moindres recoins de la Terre. Saint Antoine est le saint du monde entier». Ce discours qui fait mouche pousse alors le Père Antonio Locatelli, accompagnateur du groupe, à créer l’Association universelle de Saint Antoine, qui fut plus tard louée par le pontife. Dès lors, Antoine prend aussi le nom du «saint que tout le monde aime».

Un peu moins d’un siècle plus tard, celui que Pie XI considérait comme un «grand thaumaturge» est proclamé «docteur évangélique de l’Eglise» le 16 janvier 1946 par Pie XII. Cette date n’est pas choisie au hasard par le pontife: elle correspond à la fête des cinq martyrs franciscains morts au Maroc, qui ont conduit saint Antoine à épouser la vocation franciscaine. Par ce terme de ›docteur évangélique’, le pape de la Seconde Guerre mondiale souligne une fois de plus la formidable capacité d’évangélisation d’Antoine. De ses écrits, émane «la fraîcheur de l’Evangile», explique à son tour Benoît XVI en commentant ce titre.

Un «homme évangélique»

Lors de sa visite à la Basilique de saint Antoine de Padoue, le 12 septembre 1982, à l’occasion du 750e anniversaire de la mort du ›Saint’, Jean-Paul II loue quant à lui les vertus de cet «homme évangélique». Chez ce Portugais, souligne-t-il, «la sainteté a atteint des sommets particulièrement élevés, s’imposant à tous par la force de l’exemple et conférant à son culte la plus grande extension mondiale… Il serait en effet peu facile de trouver une ville ou un village du monde catholique où n’existe au moins un autel ou une image du Saint».

Grand admirateur du ›Saint’, Benoît XVI lui consacre toute une catéchèse. Depuis la place Saint-Pierre, il encourage la foule à imiter le christocentrisme d’Antoine. «Antoine, à l’école de François, place toujours le Christ au centre de la vie et de la pensée, de l’action et de la prédication (…). C’est précisément en regardant le Crucifié que nous voyons, comme le dit saint Antoine, à quel point est grande la dignité humaine et la valeur de l’homme». Deux ans après l’émergence de la crise économique de 2008, le pape allemand donne en exemple cet amoureux des pauvres et invite à adopter sa disposition à la prière, un «dialogue affectueux» pour Antoine.

Un exemple à suivre

A l’occasion des 800 ans de la vocation de saint Antoine, célébrée cette année par les frères mineurs conventuels de Padoue, le pape a encouragé les religieux à suivre son exemple. A sa suite, il s’agit de voir le Christ en chaque frère et sœur et d’offrir «à tous la consolation, l’espérance et la possibilité de rencontrer la Parole de Dieu sur laquelle on peut ancrer sa vie». Jésuite, le premier pape argentin de l’Histoire n’en partage pas moins un certain «franciscanisme» avec saint Antoine. Comme lui, le Portugais voue une grande admiration au Poverello et admire son amour pour les plus pauvres.

Dans un autre registre, le pontife reste aussi très attaché à cette tradition argentine conduisant les jeunes femmes à prier Antoine pour se marier. Sur le ton de la plaisanterie, il avait partagé une anecdote avec des jeunes filles à la fin d’une audience générale. «À 20 ans les jeunes filles demandent à saint Antoine qu’un fiancé arrive, qu’il tienne et [leur] convienne. À 30 ans, elles demandent qu’il vienne et tienne. À 40 ans, elles prient toujours saint Antoine mais uniquement pour qu’il vienne… A cet âge qu’il vienne, c’est tout». A la fois brillant prédicateur et pauvre parmi les pauvres, Antoine aura forcé l’admiration et inspiré nombre de papes. (cath.ch/imedia/cd/bh)


Saint Antoine en quelques dates
1195 : Naissance à Lisbonne.
1220 : demande son admission parmi les disciples de François d’Assise, où il devient Frère Antoine. Il part au Maroc mais doit en revenir dès 1221 pour raison de santé.
1222 : François d’Assise l’envoie prêcher en Italie et en France.
1226 : Devient custode de Limoge.
1227 : Devient provincial de l’Italie du nord de l’ordre franciscain.
1231 : Meurt Arcella, près de Padoue.
1232 : Antoine est canonisé le 30 mai par le pape Grégoire IX.
1946 : Déclaré docteur de l’Eglise en 1946.
Saint Antoine est le saint national du Portugal, il est le patron des marins et des prisonniers. Son culte sera propagé en France, après la Première guerre mondiale, par l’immigration italienne.
Depuis le XVIIe siècle il est souvent invoqué pour retrouver les objets perdus. On raconte qu’un novice voulant quitter l’Ordre déroba à Antoine son psautier, annoté de sa main, et qu’il utilisait pour ses cours d’écriture sainte à ses confrères. Antoine pria pour retrouver son psautier. Le novice, repentant, rapporta l’ouvrage.

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