Istanbul: le Conseil d'Etat décide du sort de la basilique Ste-Sophie

Le Conseil d’Etat turc, le Danıştay, examine la demande d’annulation d’un décret ministériel de 1934 qui a transformé la basilique de Sainte-Sophie à Istanbul en musée. La juridiction administrative suprême de la République de Turquie devrait rendre sa décision le 2 juillet 2020. Elle va statuer sur la demande des islamistes turcs qui veulent en faire à nouveau une mosquée, au grand dam de membres du Congrès et de l’administration américaine, mais également du monde orthodoxe.

Le président islamiste Recep Tayyip Erdogan ne cache pas son intention de transformer en mosquée la basilique chrétienne de Hagia Sophia (sagesse de Dieu), le monument le plus important de l’architecture byzantine. Cet édifice datant du VIe siècle est inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.  

Convertie en mosquée au XVe siècle

En 1453, immédiatement après la prise de Constantinople par les Ottomans, la basilique a été convertie en mosquée, avant que le président turc Mustafa Kemal Atatürk, en 1934, désaffecte le lieu du culte pour «l’offrir à l’humanité». Sainte-Sophie devient un musée, mais les islamistes ont toujours voulu «récupérer» le prestigieux édifice pour en faire à nouveau une mosquée, provoquant la colère des autorités grecques et, bien au-delà, des milieux orthodoxes au plan mondial.

Sam Brownback, ambassadeur extraordinaire des Etats-Unis chargé de la liberté religieuse internationale, a interpellé gouvernement turc afin qu’il maintienne le statut de musée de Sainte-Sophie.

Hagia Sophia agite la twittosphère

Dans un tweet, le républicain conservateur estime que Sainte-Sophie revêt une énorme importance spirituelle et culturelle pour des milliards de croyants de différentes confessions dans le monde. «Nous appelons le gouvernement turc à la maintenir en tant que site du patrimoine mondial de l’UNESCO et à en garantir l’accessibilité à tous dans son statut actuel de musée», écrit ce catholique converti nommé ambassadeur pour la liberté religieuse dans le monde par Donald Trump.

Des responsables politiques gréco-américains ont également interpellé l’administration américaine face à l’éventualité que la Turquie transforme Sainte-Sophie, «symbole universel de tolérance religieuse de toutes les confessions», en mosquée. Membre du Congrès, le républicain Gus Bilirakis, élu de Floride, et Christos Marafatsos, vice-président de la Coalition nationale pour la diversité (NDC), un groupe représentant les minorités pour Trump, affirment qu’il existe une menace réelle que le président turc Erdogan change le statut de Sainte-Sophie en tant que musée et site du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Trump interpellé

Selon Gus Bilirakis, «nous devons prendre cela très au sérieux!» Il en a déjà parlé au président Trump l’année dernière pour l’informer de la signification de Sainte-Sophie. Le représentant de la Floride déclare que depuis lors, il s’est entretenu à plusieurs reprises de la «menace sérieuse» qui plane sur Sainte-Sophie avec le président Trump et le vice-président Pence, le secrétaire d’Etat Mike Pompeo, ainsi qu’avec des membres du Conseil national de sécurité. Il s’est également entretenu de ce sujet avec l’ambassadeur pour la liberté religieuse Sam Brownback.

Yavuz Selim Kıran, vice-ministre turc des affaires étrangères, a rétorqué que la Turquie, qui a ratifié la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel le 16 mars 1983, «contribue activement à la préservation de ses 18 sites inscrits au patrimoine mondial» de l’UNESCO.

Pour la Turquie, «une affaire intérieure»

«Sainte-Sophie est la dotation de Fatih Sultan Mehmet. [Mehmet II le Conquérant, 1432-1481, ndlr] Toute décision concernant son utilisation est une affaire intérieure qui nous concerne». Il a demandé dans  un tweet destiné à l’ambassadeur Brownback de ne pas s’inquiéter, car «la Turquie continuera à protéger son patrimoine culturel et religieux».

La transformation de Sainte-Sophie en mosquée risque, selon plusieurs observateurs, de dresser l’ensemble du monde civilisé contre la Turquie et aggravera les relations de ce pays avec les Etats de tradition chrétienne, avec l’Union Européenne et avant tout avec la Grèce, à un moment où la politique européenne de bon voisinage devrait être mise en œuvre. De nombreuses Eglises orthodoxes partagent les préoccupations du patriarche œcuménique Bartholomée, qui a déclaré que cet héritage de 1’500 ans «devrait nous unir, et non nous diviser!» (cath.ch/be)

L’UNESCO veut protéger les sites religieux
Près de 20 % des biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO ont un caractère religieux ou spirituel. Ces sites religieux et sacrés sont représentatifs des différentes cultures et traditions du monde.
Présents dans la plupart des pays du monde, ils représentent la catégorie de biens la plus nombreuse. La signification spirituelle particulière et importante d’un très grand nombre de biens du patrimoine mondial est souvent évoquée pour démontrer leur valeur universelle exceptionnelle. De très nombreuses villes historiques inscrites sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO possèdent des éléments revêtant une importance religieuse et sont considérées comme des villes saintes par différentes communautés. JB

Jacques Berset

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/istanbul-le-conseil-detat-decide-du-sort-de-la-basilique-ste-sophie/