Philarète plaide l'indépendance de son Eglise auprès de Bartholomée

Philarète Denisenko, le chef dissident du Patriarcat orthodoxe de Kiev, n’est pas satisfait du décret de janvier 2019 octroyé par le patriarcat œcuménique de Constantinople, qui n’instaure que l’autonomie de «Eglise orthodoxe autocéphale» d’Ukraine (EOAU-PC), pas sa véritable indépendance.

Philarète a annoncé son intention de demander un nouveau décret (tomos, en langage ecclésiastique) au patriarcat de Constantinople pour obtenir une réelle indépendance de cette Eglise, qui dépend désormais juridiquement du patriarche Bartholomée. 

Cette «Eglise orthodoxe ukrainienne unifiée» non canonique est considérée par la majorité des Eglises orthodoxes comme une communauté schismatique. Cette Eglise nationale promue par l’ex-président ukrainien Petro Porochenko a été instituée en janvier 2019 en Ukraine par le Patriarcat de Constantinople, mais elle n’est reconnue par quasiment aucune autre Eglise orthodoxe au plan mondial.

Le président Porochenko octroie, en janvier 2019, l’Ordre du Mérite de première classe au patriarche oecuménique Bartholomée pour sa reconnaissance d’une Eglise ukrainienne indépendante | © Mykhailo Markiv www.president.gov.ua

Substitution manquée

L’EOAU-PC n’a pas réussi à se substituer à l’Eglise orthodoxe d’Ukraine (EOU-PM), l’Eglise canonique rattachée au Patriarcat de Moscou, dont le primat est le métropolite de Kiev Onuphre. Malgré les efforts de cette nouvelle Eglise concurrente poussée par les milieux nationalistes ukrainiens, l’Eglise canonique ne s’est pas effondrée, contrairement aux spéculations; elle a même fondé 246 nouvelles paroisses en 2019 ! La nouvelle Eglise autocéphale d’Ukraine dépendant du Patriarcat de Constantinople n’a réussi à rallier qu’une petite minorité de paroisses.

Philarète – qui fut défroqué et anathématisé en 1997, après avoir été réduit à l’état laïc en 1992 – s’était éloigné de Moscou à la chute du communisme. Appuyant les mouvements nationalistes ukrainiens dans les années 1990, il avait fondé l’Eglise orthodoxe ukrainienne-Patriarcat de Kiev (EOU-PK), à l’époque non reconnue par Constantinople. Mais, après s’être rallié au départ à la création de l’Eglise orthodoxe autocéphale d’Ukraine (EOAU-PC), Philarète s’est aperçu que le tomos accordé en janvier 2019 n’a  pas vraiment rendu l’Eglise ukrainienne autocéphale, c’est-à-dire indépendante. «Elle l’a subordonnée à Constantinople», a déploré Philarète lors d’une interview au site d’information ukrainien Apostrophe.

Moscou a rompu les liens avec Constantinople

«Le patriarche de Constantinople devrait nous donner un tomos comme celui qu’il a donné à l’Eglise en Pologne, en Roumanie, en Bulgarie et en Serbie. Nous avons besoin de ce genre de tomos. Et c’est ce que nous espérions», a déclaré Philarète. «Nous continuerons à exiger jusqu’à la fin un tomos du type de ceux dont les autres Eglises disposent».

Le 11 octobre 2018, le Synode d’Istanbul avait aboli unilatéralement son décret vieux de 1686 remettant la métropolie de Kiev à Moscou. Constantinople avait aussi réhabilité les dirigeants des diverses Eglises orthodoxes non canoniques en Ukraine. Le Synode du Patriarcat de Moscou avait alors réagi en rompant les liens avec Constantinople.

Rejet du «concile d’unification»

L’EOAU-PC voulait regrouper toutes les Eglises orthodoxes ukrainiennes non canoniques. Cependant, Philarète Denisenko a rapidement quitté la nouvelle Eglise, suivi de ses partisans. Il dirigeait alors, avec le titre de «patriarche de Kiev», l’ancienne Eglise orthodoxe ukrainienne-Patriarcat de Kiev (EOU-PK), la plus grande des Eglises non canoniques. Il rejette depuis lors les décisions du «concile d’unification» des Eglises orthodoxes ukrainiennes du 15 décembre 2018. Un «synode local», convoqué par Philarète, a décrété l’annulation, le 20 juin 2019, de la dissolution de son Eglise, de jure intégrée à la nouvelle Eglise orthodoxe autocéphale d’Ukraine (EOAU-PC).

Dans l’interview accordée à Apostrophe, il a promis que l’Eglise orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev (EOU-PK) – dont il n’accepte pas la dissolution – attendrait «le moment où l’Eglise ukrainienne recevra le véritable tomos de l’autocéphalie».

Le «patriarche honoraire» est revenu sur sa signature

Philarète, qui a reçu le titre de «patriarche honoraire» de la nouvelle Eglise orthodoxe,  demande désormais à Constantinople de rendre l’original du décret émis par l’assemblée de l’Eglise orthodoxe du Patriarcat de Kiev (EOU-PK) attestant sa dissolution. Lors d’une conférence de presse à Kiev, Philarète a déclaré que c’était le patriarche de Constantinople qui avait demandé la dissolution de l’EOU-PK.

«Nous avons convenu que cette décision [de dissoudre son Eglise, ndlr] était illégale, car l’assemblée n’était pas conforme à la charte ecclésiastique du Patriarcat de Kiev. Et quand nous avons vu que nous étions devenus dépendants, nous avons retiré nos signatures de la décision de dissoudre le Patriarcat de Kiev. Et maintenant, nous exigeons que le patriarche œcuménique Bartholomée nous rende l’original du décret de cette assemblée», a déclaré Philarète lors d’une conférence de presse tenue à Kiev le 29 juin 2020. (cath.ch/interfax/unianinfo/ukrinform.net/be)

Jacques Berset

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