Chine: le vrai visage de la dictature

Le pouvoir communiste à Pékin n’a pas eu besoin d’envoyer les chars à Hong Kong. Il lui a suffi de faire voter une loi qui supprime toute velléité de démocratie et a été immédiatement appliquée par les autorités locales. Cela conforte la crainte justifiée qu’impose ce pouvoir à la population.

Dans son exercice du pouvoir, le parti communiste chinois innove. Il a retenu la leçon de la chute de l’empire soviétique. Il en a déduit deux obligations. La première est d’ordre matériel. Il lui faut donner un certain bien-être à sa population. Il a délégué cette tâche à l’économie de marché, en particulier grâce à l’ouverture aux investissements étrangers. La seconde obligation est d’ordre spirituel. Il faut tuer dans l’œuf toute manifestation de démocratie et pour cela s’asseoir sur les libertés fondamentales: libertés de pensée et de religion, liberté d’association, d’information et de manifestation. Au total, le pouvoir chinois estime qu’il n’a pas besoin de contrôler les «ventres». Il lui suffit de contrôler d’une main de fer les «têtes» et les relations humaines.

Si cette vision montre une belle intelligence de l’histoire des empires, elle est bien sûr complètement contraire à la défense des droits universels de la personne. Les hommes d’affaires qui négocieront avec les pouvoirs publics chinois savent dorénavant à quoi s’en tenir. Celui-ci méprise et foule aux pieds nos valeurs fondamentales.

«Le pouvoir à Pékin a une volonté de domination claire»

Le vote de la loi liberticide pour Hong Kong a le mérite de la clarté. Elle jette aux oubliettes le vieux rêve du doux commerce, selon lequel la multiplication des échanges favoriserait la pénétration des valeurs de liberté. Ce rêve avait déjà été caressé dans les années 1960 en Occident vis-à-vis de l’Union soviétique. Certains avaient imaginé que le communisme se transformerait en s’ouvrant à l’économie de marché. L’entrée des chars russes en Tchécoslovaquie en 1968 a montré la vanité de ce rêve. Et les derniers évènements de Hong Kong le confirment. Le pouvoir à Pékin a une volonté de domination claire. Ses investissements à l’étranger sont autant d’instruments qui cherchent à accroître son influence et il ne s’inscrit pas dans l’ordre normal des relations internationales qui séparent les questions économiques et les questions politiques.

Le régime chinois poursuit donc sa fuite en avant. Après l’annexion du Tibet et la mise au pas de Hong Kong, il est en train d’interdire par la violence les spécificités culturelles de la population ouïghour, au nord-est de la Chine. Une partie des personnes sont envoyées dans des camps de «rééducation» et certaine femmes sont stérilisées de façon à stabiliser le nombre d’habitants de cette région. Le régime n’a pas changé ses méthodes traditionnelles de contrôle de la population. Il les a perfectionnées grâce à l’informatique, en particulier grâce aux techniques de reconnaissance faciale.

«Certaines valeurs de dignité de la personne et de solidarité restent au cœur de la population chinoise»

La dernière étape de sa domination sur la région sera la conquête de Taïwan. Le régime s’y prépare en construisant une marine puissante capable de contrôler la Mer de Chine. Par ses menaces, il empêche les Etats d’avoir des relations normales avec cette partie de la Chine qui est restée démocratique. Et le Japon l’a compris qui a entrepris une campagne de réarmement.

Le tableau est sombre. Deux petites lumières toutefois. La première est donnée par le film Heidi, qui passe actuellement dans nos salles. Il montre combien certaines valeurs de dignité de la personne et de solidarité restent au cœur de la population chinoise, malgré le corset de fer qui lui est imposé depuis 1949. La seconde vient de la démographie. A partir de 2035, la population chinoise va vivre un vieillissement accéléré qui mettra à mal la volonté d’expansionnisme de ses dirigeants. En faisant un cours sur l’économie chinoise au début des années 2010, j’avais été frappé par la rapidité de ce vieillissement due à la politique de l’enfant unique.

Il reste à souhaiter que nos pays défendent leurs valeurs face au pouvoir communiste chinois et qu’ils ne cèdent pas aux menaces ouvertes ou voilées de ce dernier. Il faut également espérer que nous soutiendrons les personnes persécutées comme nous l’avons fait pour Sakharov et les défenseurs des libertés en Europe de l’Est dans les années 1970-80.

Jean-Jacques Friboulet

8 juillet 2020

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