L'abbaye de Disentis mise sur les étudiants étrangers

L’abbaye grisonne de Disentis souffre, comme les autres monastères de Suisse, de la crise du coronavirus. L’école et l’internat associés misent de plus en plus sur les élèves des autres cantons et de l’étranger pour garder leur rentabilité.

Raphael Rauch, kath.ch/traduction et adaptation: Raphaël Zbinden

Vigeli Monn, âgé de 55 ans, est Abbé du monastère bénédictin de Disentis depuis 2012. Il explique sa stratégie pour maintenir le dynamisme du lieu, qui a fêté en 2014 les 1’400 ans de sa fondation.

Les 43 étudiants de l’internat et les 100 élèves externes sont en vacances depuis une semaine. Quel regard portez-vous maintenant sur «l’épisode coronavirus»?
Nous avons bien géré la crise. Pendant toute la période de confinement, l’école a été fermée. Un dispositif d’écolage à domicile a été mis en place, comme ailleurs. L’internat est par contre resté en activité. Nous avons des étudiants étrangers qui ne pouvaient simplement pas rentrer chez eux. Pour cet été, des étudiants de Namibie et de Chine doivent demeurer à Disentis. Nous les prenons en charge.

Indépendamment de la crise sanitaire, comment se profile l’avenir pour l’école et l’internat?
La région de la Surselva [où se situe Disentis, ndlr.] voit sa population décliner. Il y a donc de moins en moins d’élèves potentiels. Malgré cela, nous avons réussi à augmenter notre proportion d’élèves locaux. Concerant l’internat, c’est plus difficile.

Quelle est votre stratégie sur ce point?
Nous voyons un potentiel de croissance au Tessin. De nombreux parents de ce canton voudraient que leurs enfants apprennent l’allemand, afin qu’ils puissent aller travailler plus tard en Suisse alémanique. Le potentiel international est cependant de plus en plus privilégié. Nous sommes en partenariat depuis un certain temps avec d’autres écoles et agences de placement à l’étranger. Il y a notamment un intérêt de la Chine, de l’Afrique du Sud et de la Namibie.

Mais quelles sont les motivations des parents de ces pays pour envoyer leurs enfants à Disentis?
Nous ne demandons pas de certificat de baptême, nous accueillons tout le monde. Et de nombreux parents sont convaincus par notre longue tradition d’éducation. Notre situation, dans les Alpes, synonyme d’air pur, est également un avantage certain. Il y a aussi la sécurité qu’offre la Suisse, ainsi que la possibilité, une fois une maturité suisse obtenue, de pouvoir intégrer des universités suisses de renom, telles que l’EPFZ.

L’Abbaye de Disentis a récemment fêté ses 1400 ans | © Ponte1112/Flickr/CC-BY-NC-ND 2.0)

De quels milieux sont les parents qui envoient leurs enfants dans votre internat?
En Chine, ce sont les familles de la classe moyenne, en Afrique du Sud et en Namibie, c’est plutôt la classe supérieure.

Comme d’autres monastères, vous avez dû recourir au chômage partiel. Pouvez-vous déjà estimer le manque à gagner?
Non, il est encore trop tôt pour cela. Ce qui est sûr, c’est que ce sera une année difficile. Un grand spectacle open air était prévu en mars. Nous étions en pleine répétition, toutes les chambres d’hôtes étaient pleines – et tout a dû soudainement être annulé. Les troncs d’église sont en outre restés vides [eu égard à l’annulation des messes, ndlr.]. Nous avons dû annuler des réceptions, tout s’est écroulé.

La situation s’est-elle améliorée entre-temps?
Oui, les gens commencent à revenir. Les pèlerins, les touristes et les participants aux conférences représentent une source importante de revenus pour nous. Beaucoup veulent venir en automne. D’autres ont peur d’une deuxième vague et temporisent avec les réservations.

Votre église vient d’être rénovée. Un nouveau livre d’art intitulé L’arche blanche (Weisse Arche) présente les travaux de restauration. Qu’est-ce que ce terme signifie pour vous?
Le terme vient de l’écrivain et journaliste suisse Niklaus Meienberg. Mais il faut dire qu’il ne plaît pas à tout le monde. Il est délicat de nous présenter comme une sorte de «bouée de sauvetage» pour la région. Dans la littérature, on trouve aussi le terme de «l’Escurial des Grisons». Pour moi, Disentis, c’est ma maison. Nous, les bénédictins, nous ne choisissons pas un ordre, mais un monastère.

Il existe de nombreuses prophéties de malheur concernant l’avenir de l’Eglise. Avez-vous de l’espoir?
Nous avons de la relève. Un confrère, âgé de 25 ans, a fait sa profession solennelle le 11 juillet 2020. À l’automne, un deuxième commencera sa candidature. Actuellement, nous sommes 19 religieux. Au plus bas de notre histoire, résidait dans l’abbaye un seul moine, aux meilleurs moments, il y en avait plus de 90. Même si cela ne garantit pas que nous pourrons continuer, nous avons cet espoir qui nous vient de la foi et de la confiance en Dieu. (cath.ch/kath/rr/rz)

Rédaction

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