«Cachez ce 'C' que je ne saurais voir!»

Je n’ai pas à prendre position dans le débat – ô combien anachronique – sur le changement de nom d’un parti politique suisse qui, du reste, n’en est pas à sa première mue. Un sourire amusé toutefois à mon passé fribourgeois. La famille de mon père votait «conservateur» et celle de ma mère «radical». Mais tous s’entendaient pour s’affirmer catholiques et chrétiens. Nul besoin pour eux de défiler derrière une bannière confessionnelle pour assurer leurs succès électoraux.

Mais voilà. Le vieux parti issu du Sonderbund crut bien faire au sortir de la deuxième guerre mondiale d’imiter ses voisins européens qui tenaient haut et ferme le fanion de «la démocratie chrétienne». Il n’y a plus guère aujourd’hui que la CDU allemande pour s’en réclamer. En théorie du moins, puisque le «C» arboré par le parti d’Angela Merkel se confond avec la lettre initiale du mot conservateur.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que le PDC suisse a mal à son «C». Pour en être guéri ou s’en débarrasser, il s’autoproclama successivement parti de l’humain, puis de la famille, et aujourd’hui du «Centre». Appellation équivoque qui ne va pas sans rappeler les avatars du «Zentrum» allemand dont un des derniers chefs, Franz Joseph von Papen, comparut au tribunal de Nuremberg.

Pour les stratèges du PDC cependant le temps se fait court. «Enlever le ‘C’ pour éviter la chute». Entendez: la prochaine déconfiture électorale qui entraînerait la perte de son unique et dernier siège au Conseil fédéral.

«Je ne rêve pas d’un sursaut vengeur et triomphant de mon Eglise, mais d’une nouvelle Pentecôte sous les feux de l’Esprit»

S’affirmer «chrétien» dans la Suisse d’aujourd’hui équivaudrait donc à jouer dans l’équipe des perdants. Des «losers», pour parler la langue commune. Un mot malsain qui attire la malchance. Un mot malodorant, aussi, qui devient carrément ordurier quand des humoristes lui accolent l’épithète «catholique». Mais par quoi le remplacer? Facile. Il suffit de faire ses emplettes au marché des «valeurs», qui sont modelables à souhait. Chacun sait qu’elles ont le nez de cire, manipulable à gauche ou à droite selon les opportunités du moment.

Le quotidien romand qui reflétait les états d’âme du PDC mentionnait aussi la décision d’Erdogan d’ouvrir à nouveau au culte musulman l’antique et vénérable basilique Sainte-Sophie de Constantinople. Le contraste est saisissant. Alors que les chrétiens deviennent des maquisards et des apatrides sur leurs terres, les musulmans s’affichent au grand jour dans des sites autrefois chrétiens.

Je ne juge pas. Je constate et m’interroge. Serais-je devenu un fantôme ou un revenant, errant sur des ruines froides? Ou, par miracle, le feu couverait-il encore sous la cendre? Je ne rêve pas d’un sursaut vengeur et triomphant de mon Eglise, mais d’une nouvelle Pentecôte sous les feux de l’Esprit. Un monde ancien s’en va. C’est certain. Un nouveau monde chrétien sort de ses limbes. Cela aussi est certain. Ne le voyez-vous pas?

Guy Musy

15 juillet 2020

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