Inde: l'Eglise nie la discrimination à l'encontre des chrétiens dalits

Le mouvement de libération des chrétiens dalits en Inde a déposé une plainte auprès de la nonciature apostolique contre la discrimination dont les ‘intouchables’ (ou harijans) se disent victimes dans l’Eglise catholique indienne. Mgr Antony Pappusamy, archevêque  catholique de Madurai, réfute ces accusations.

Le National Council of Dalit Christians (NCDC) dénonce la persistance au sein de l’Eglise catholique indienne, en particulier dans l’Etat du Tamil Nadu, de discriminations et de «castéisme» (système social indien basé sur l’appartenance à une caste) visant ces groupes défavorisés. Dans une procédure en cours devant la Cour suprême indienne, les chrétiens dalits réclament plus de droits au gouvernement indien, notamment un statut de «castes répertoriées» – les «scheduled castes», qui bénéficient de certains avantages (*). Ils critiquent la séparation, en fonction des castes, des bancs dans les églises et des lieux de sépulture dans les cimetières catholiques.

Le nonce interpellé

L’avocat Franklin Caesar Thomas, fondateur du NCDC, a envoyé une lettre dénonçant des faits de discrimination au nonce apostolique en Inde et au Népal, Mgr Giambattista Diquattro. Président du Conseil épiscopal du Tamil Nadu, Mgr Antony Pappusamy a réfuté les accusations du NCDC. «Il y a des cas très rares [de discrimination, ndlr] dans les diocèses du Tamil Nadu, parce qu’il est de notre devoir de sauvegarder les intérêts de notre peuple, y compris des chrétiens dalits, et nous le faisons de tout cœur», concède l’archevêque de Madurai Pappusamy dans une interview à l’agence de presse catholique asiatique Uca News.

«Si quelqu’un a écrit une lettre au nonce, c’est son avis, mais nous ne pouvons pas blâmer toutes les églises du Tamil Nadu. L’Eglise fait son devoir et en fait nous faisons de notre mieux pour donner la préférence aux enfants chrétiens dalits dans nos instituts d’éducation et dans d’autres domaines».

Tenus à l’écart des postes hiérarchiques

«Les chrétiens dalits ne jouissent pas de la liberté des sikhs dalits et des bouddhistes dalits dans le pays, mais ils ne jouissent pas davantage de la liberté dans l’Eglise. Ils sont tenus à l’écart de la hiérarchie et considérés comme intouchables«, a déclaré le juriste Franklin Caesar Thomas à Uca News.

«Plusieurs groupes chrétiens dalits des Etats du Tamil Nadu, de l’Andhra Pradesh et d’autres régions du pays se sont plaints aux autorités ecclésiastiques dans le passé et ont même écrit à la nonciature apostolique. Mais sans succès», selon l’avocat. Le mouvement chrétien de libération des dalits a même envoyé un mémorandum au Vatican en septembre dernier par l’intermédiaire de la nonciature apostolique.

Candidats dalits ignorés et négligés

L’avocat Franklin Caesar Thomas a écrit dans une lettre du 18 juillet que les prêtres d’origine dalit, qui étaient théologiquement, moralement et spirituellement fidèles à leur vocation sacerdotale, ont été délibérément laissés de côté lors de l’examen préliminaire et de la sélection finale pour les sièges d’évêque.

Selon l’archevêque Antony Pappusamy, le Saint-Siège ne pratique pas la discrimination. Un exemple en est les nombreux prêtres des communautés africaines et afro-américaines qui ont été élevés au rang d’évêques, d’archevêques et de cardinaux «sans racisme ni aucune forme d’exclusion».

Une sorte d’apartheid ?

 Cependant, Franklin Caesar Thomas contredit cette affirmation, car il affirme que les candidats dalits qualifiés et méritants sont ignorés et négligés en raison d’une structure de «pensée de caste». Parmi les 17 évêques catholiques du Tamil Nadu, un seul est originaire de la communauté dalit, a déclaré l’avocat. En outre, certaines paroisses organisent même des festivals séparés pour les catholiques dalits ou interdisent les processions de dalits catholiques sur leur territoire.

La lutte des chrétiens dalits ainsi que celle des musulmans dalits pour le statut de «castes répertoriées» (»scheduled castes») a commencé après qu’un décret présidentiel de 1950 ait aboli les privilèges  accordés aux convertis de «castes répertoriées» qui n’étaient pas hindous. Même si les privilèges des «castes répertoriées» ont été restitués aux sikhs (1956) et aux bouddhistes (1990), ils n’ont pas été accordés aux chrétiens et aux musulmans, et il semble peu probable que cela change, a écrit Uca News.

Les dalits, ou intouchables, sont la caste la plus basse de la société hindoue. Un grand nombre d’entre eux se sont convertis au christianisme et à l’islam au cours des décennies, bien qu’en réalité, les religions n’offrent qu’une protection limitée contre les préjugés de la société dominante. Le mot dalit signifie «piétiné» en sanskrit et fait référence à tous les groupes qui étaient autrefois considérés comme intouchables et se trouvaient en dehors du système de castes hindoues à quatre niveaux. Les données du gouvernement montrent que 201 millions des 1,3 milliard de personnes en Inde appartiennent à ce groupe socialement défavorisé. Environ 60 % des 25 millions de chrétiens en Inde sont également d’origine dalit et tribale. (cath.ch/ucannews/be)

(*) L’article 46 de la Constitution indienne établit que l’Etat doit promouvoir les intérêts économiques et éducatifs des «sections les plus faibles de la population» en leur réservant certains avantages. Il s’agit d’une part des dalits, classés comme «castes répertoriées» (scheduled castes) et de l’autre des populations aborigènes, les «tribus répertoriées» (scheduled tribes). JB

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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