Incohérences bien catholiques

Le concile Vatican II a remis en évidence la mission du peuple de Dieu tout entier, autrement dit tous les baptisés. Un document récent du Vatican (Instruction pour la conversion pastorale des paroisses) rappelle opportunément «la centralité du peuple de Dieu en tant que sujet actif de l’évangélisation». Dès lors, pourquoi cette mission ne pourrait-elle pas comporter l’exercice de responsabilités importantes dans la «gouvernance» des communautés? En communion avec les pasteurs ordonnés, certes, mais pas seulement au titre de délégués ou d’auxiliaires subalternes du clergé. Dans la perspective d’une pastorale de proximité, surtout quand le manque de prêtres est patent, ne pourrait-on pas confier la pleine sollicitude pour telle Eglise locale à un groupe de baptisés – voire à telle ou telle personne -, évidemment après discernement, formation, nomination et avec accompagnement? Le prêtre trouvera toujours un sens et une tâche pour exercer sa belle mission, notamment sacramentelle. Mais la guidée concrète d’une communauté ne doit pas nécessairement être réservée à des ministres ordonnés, qui ne sont pas toujours les plus compétents pour ce type de service indispensable à la vie de l’Eglise.

Les prêtres, parlons-en, en essayant d’éviter le mauvais cléricalisme. Chez nous du moins, leurs ministères et même leurs territoires de mission, sont de plus en plus étendus et complexes. Fatigues, routine, découragement, burn-outs guettent parfois ces hommes et ces chrétiens pourtant tout dévoués à leurs mandats apostoliques. On insiste même actuellement pour leur rappeler les exigences d’«un art de la proximité», d’une «culture de la rencontre» pour éviter tout fonctionnarisme. Etre «près des gens», voilà le sésame du bon prêtre, de sorte qu’il puisse «sentir l’odeur des brebis» qui lui sont confiées. Mais en même temps, on maintient un système d’accès à ce ministère qui limite drastiquement les candidats possibles. Chez nous, seuls les hommes célibataires, ont le droit de se poser la question d’un éventuel appel. Notre Eglise n’a-t-elle pas restreint à l’excès la liberté de la vocation que Dieu peut adresser aux baptisés-es pour servir le Christ et l’Evangile de cette belle manière?

«Comment peut-on redire sans sourciller que les laïcs, quels qu’ils soient, ne peuvent en aucun cas prononcer l’homélie pendant la messe?»

Ce fut l’un des beaux fruits du concile Vatican II. Désormais les laïcs – en particulier des femmes – se forment en théologie jusqu’à des niveaux universitaires. Souvent, ils ou elles ajoutent des initiations complémentaires pour enrichir leurs compétences et favoriser leurs rayonnements, en plus de leurs expériences de vie évidemment. On comprend mal pourquoi de tels chrétiens – hommes et femmes – ne pourraient pas commenter la parole de Dieu non seulement dans les vastes domaines de la catéchèse et de la communication moderne, mais aussi dans les liturgies qui rassemblent le peuple de Dieu, avide de connaissances bibliques et d’impulsions spirituelles pour mieux vivre la foi dans un monde de plus en plus exigeant. Comment peut-on redire sans sourciller que les laïcs, quels qu’ils soient, ne peuvent en aucun cas prononcer l’homélie pendant la messe?

A côté d’excellentes déclarations et de précieux rappels, il y a encore beaucoup d’incohérences dans les documents qui viennent de Rome.

Sainte Cohérence, prie pour nous!

Claude Ducarroz

5 août 2020

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