Ô Beyrouth !

Et Beyrouth explosa, se fendit, fulmina. Au Liban, l’été a un goût de cendre. Car la gigantesque explosion du port de la capitale a secoué la torpeur de nos jours de chaleur. Oui, le Liban saigne à nouveau. Comme groggy après la déflagration du 4 août, il se révèle prisonnier d’un système politique archaïque et victime d’un jeu de pouvoirs obscur.

Sorti exsangue d’une guerre civile meurtrière, le Pays du cèdre paie une négligence coupable au prix fort, des tonnes d’explosifs ayant été laissées sans surveillance. Et le miroir de la réalité vient heurter douloureusement ceux qui espéraient un avenir meilleur. Les essais de reconstruction déjà anciens se heurtent aujourd’hui aux incohérences d’une organisation étatique défaillante. Comme Sisyphe condamné à remonter la pente, le Liban semble voué à une perpétuelle remontée dans un environnement particulier, entre la Syrie meurtrie et Israël dominant.

Les efforts de la communauté internationale, sous la houlette du président Macron, suffiront-ils à surmonter cette n-ième épreuve ? La somme réunie pour soutenir les Libanais marque la volonté des nations touchées par cette tragédie estivale. Mais, sur place, la population se lasse des promesses permanentes. Et elle manifeste bruyamment son ras-le-bol des manigances du pouvoir. Pas sûr que du chaos actuel émergent des solutions durables.

Le Liban, dont sont amoureux tous les francophiles, reste un pays à part. Résilient, accueillant (les réfugiés palestiniens, puis syriens), admirable dans sa diversité, ce pays d’une beauté saisissante représente un art de vivre rare au Proche-Orient. Il serait déshonorant de voir disparaître la Suisse du Moyen-Orient dont le pape Jean Paul II disait, en 1989, qu’il était «plus qu’un pays: un message de liberté et de pluralisme pour l’Orient et pour l’Occident». Ô Beyrouth, nous pleurons et nous espérons avec toi.

Bernard Litzler

10 août 2020

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