Liban: Deriane demande la démission des responsables de la catastrophe

Qualifiant la double explosion sur le port de Beyrouth le 4 août 2020 d’un «des plus grands crimes de ce siècle», le cheikh sunnite Abdellatif Deriane, mufti de la République, a déploré le 19 août que les responsables libanais refusent de démissionner.

Le chef religieux de la communauté sunnite a fustigé les responsables libanais qui se sont «exonérés» de toute responsabilité dans les explosions dévastatrices du port de Beyrouth, sous des prétextes de «hiérarchie administrative». Il dénonce le fait que ces responsables, coupables «d’actes de négligence et d’irresponsabilité», refusent de laisser leur place à des personnes «qui méritent de représenter le peuple libanais». 

Dans le viseur Aoun et Berry

Dans un discours prononcé à l’occasion de l’Hégire, le nouvel an musulman célébré cette année le jeudi 20 août 2020, le cheikh Abdellatif Deriane a dans le viseur notamment le chef de l’Etat, le président Michel Aoun, un ancien général de confession maronite, président de la République depuis le 31 octobre 2016.

Michel Aoun avait affirmé au lendemain des explosions de Beyrouth avoir été au courant de la présence des 2’750 tonnes de nitrate d’ammonium dans un entrepôt du port, mais ne pas avoir pu agir «parce que cela n’entrait pas dans ses prérogatives». Le président Aoun, qui rejette une enquête internationale sur les causes des explosions, refuse de démissionner, malgré les demandes répétées de la rue, estimant que cela entraînerait un «vide de pouvoir». Le cheikh Deriane a également dans le collimateur le président de la Chambre, le chiite Nabih Berry, qui avait dénoncé un «complot» pour forcer les députés à démissionner. 

Pour une enquête internationale

Le mufti réclame pour sa part une enquête internationale sur les exposions «afin d’identifier les responsabilités et regagner la confiance» de la population, traumatisée par la catastrophe qui a fait, selon un bilan provisoire, au moins 177 morts et des dizaines de disparus ainsi que 6’500 blessés et 300’000 déplacés.

La plus haute instance sunnite libanaise a appelé le chef de l’Etat à convoquer rapidement les consultations parlementaires contraignantes pour la nomination du futur Premier ministre et la formation d’un «gouvernement neutre de secours, composé de technocrates», alors que le cabinet de Hassane Diab a démissionné depuis le 10 août.

TSL: pas de «lien direct» entre l’attentat et la Syrie ou le Hezbollah

Concernant le jugement rendu le 18 août 2020 par le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) dans l’attentat du 14 février 2005 qui avait coûté la vie à l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et à 21 autres personnes, le cheikh Deriane a estimé que «l’assassinat de Rafic Hariri nous oblige à tout faire pour sauver le pays de la prolifération des armes», faisant sans aucun doute référence aux armes du Hezbollah, note le 19 août 2020 le quotidien francophone libanais «L’Orient-Le Jour».

Dans l’après-midi du lundi 14 février 2005, une explosion de forte puissance s’est produite dans le centre-ville de Beyrouth, laissant dans la chaussée un cratère de quelque dix mètres de diamètre et deux mètres de profondeur.

Composée de juges libanais et internationaux et siégeant au Pays-Bas, le TSL, à l’unanimité, a rendu le 18 août son jugement concernant l’attentat du 14 février 2005. Il a condamné par contumace Salim Jamil Ayache pour son rôle dans l’attentat, mais a acquitté les trois autres accusés de ce procès, Hassan Habib Merhi, Hussein Hassan Oneïssi et Assad Hassan Sabra. Le tribunal évoque l’appartenance des accusés au Hezbollah mais reconnaît qu’aucune preuve n’a permis d’établir un «lien direct» entre l’attentat et la Syrie ou le Hezbollah.

Antonio  Guterres, secrétaire général des Nations Unies, a souligné «l’indépendance et l’impartialité» du Tribunal spécial pour le Liban et demandé à tous de respecter la décision du Tribunal, soulignant que «le jugement rendu dans cette affaire reflète l’attachement de la communauté internationale à la justice pour les terribles crimes commis ce jour-là». (cath.ch/orj/onu/be)

Jacques Berset

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