Art et Spiritualité. Nouvelle évangélisation?

Je salue l’initiative du Vicariat épiscopal de Genève de promouvoir dans cinq paroisses du canton cinq concerts et cinq expositions. Ces manifestations devraient déboucher sur une réflexion «spirituelle» et – qui sait? – sur un acte de foi. Karl Barth pensait que Dieu se délecte de la musique de Mozart. Quant aux icônes, nombreux sont ceux qui estiment qu’elles reflètent sur terre les lueurs d’un lointain paradis.

Je me réjouis donc qu’au moment où l’Eglise se déchire sur des épiphénomènes secondaires et transitoires elle mette enfin le doigt sur le vrai problème. Car la crise que traversent les chrétiens de nos jours, quelle que soit leur dénomination confessionnelle, est d’abord une crise de la foi. Nous avons perdu nos repères de croyants et les générations nouvelles les ignorent. Alors, tant mieux si la Flûte enchantée et je ne sais quel Violon d’Ingres nous aident à les retrouver et même à les faire connaître. A condition que cette singulière catéchèse tienne toutes ses promesses et ne se bloque pas au milieu du gué qu’elle tente de traverser. Deux exemples pour me faire comprendre.

Je viens de «prendre part» ou, plus correctement, d’«assister» à un concert qui mettait au programme d’une salle genevoise le Requiem du Mozart. Un parterre garni de gens de ma génération ou de la précédente, mais aucun jeune de dix-huit-trente ans. Pas mieux qu’à la messe du dimanche! Un silence sacré, des apparitions sur scène: celle du chœur, des solistes suivis du chef. Et des applaudissements finaux, rituels eux aussi. C’était du Mozart, tout de même!

Mais au-delà de cette liturgie d’esthète, ai-je été touché, interpellé par le message dramatique transmis par le compositeur dont on a dit qu’il pensait à sa mort prochaine quand il composait ce Requiem? Ai-je entrevu mon propre trépas à travers cette musique qui annonçait le sien ? Sans appropriation du message, je demeure un observateur externe, peut-être attentif, mais le cœur étranger à ce que Mozart voulait transmettre.

«La crise que traversent les chrétiens de nos jours est d’abord une crise de la foi. Nous avons perdu nos repères de croyants et les générations nouvelles les ignorent.»

J’en dirai autant du retable de l’atelier Hans Geiler de Fribourg  (1527) qui a retrouvé depuis sa récente restauration son emplacement originel. A savoir l’église des moniales dominicaines d’Estavayer-le-Lac. Il représente une statue de la Vierge entourée de deux saints dominicains et sur ses volets latéraux la nativité et l’adoration des mages. Bien sûr, il est permis de s’extasier sur ce chef d’œuvre, pérorer à l’infini sur sa composition ou s’intéresser à son histoire un tantinet rocambolesque. Mais il serait regrettable de demeurer étranger ou indifférent au «mystère» que Geiler veut évoquer et même célébrer.

Je souhaite que le visiteur ou touriste qui fait le pèlerinage d’Estavayer, sans forcément se mettre à genoux comme le vieux mage du tableau, se retrouve dans ce Joseph qui les yeux mi clos assiste méditatif à travers sa lucarne aux deux scènes où figure cet enfant mystérieux. Tellement pris par ses pensées qu’il en perd son chapeau. Quel magnifique symbole du cheminement du croyant, d’abord perplexe et silencieux!

Une authentique œuvre d’art devrait mettre en route celui qui la contemple. A condition qu’il en perce l’écorce ou la coquille et étanche sa soif au jus de la sève et du fruit. Sans doute pour ce faire, aura-t-on besoin d’un éveilleur ou d’une éveilleuse. Socrate parlait de sage-femme et d’accoucheur. Serait-ce le rôle dévolu à la nouvelle évangélisation

Guy Musy

23 septembre 2020     

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