Cathédrale de Fribourg: un poste délicat pour l'abbé Philippe Blanc

Philippe Blanc, nouveau curé de la cathédrale de Fribourg à partir du 1er octobre 2020, reprend un ministère sur le fil du rasoir. Ancien curé de la cathédrale de Monaco, le prêtre français est coutumier de la Suisse. Il est aussi connu à Fribourg pour y avoir géré des dossiers sensibles par le passé. Regards croisés sur son parcours.

Question brûlante depuis plusieurs mois. Qui sera le futur curé de la cathédrale de Fribourg? En août 2020, le nom de Philippe Blanc est évoqué dans les paroisses de la capitale. L’information est confirmée sur Radio Fribourg, puis par le diocèse de Monaco. Du côté du vicariat épiscopal de Fribourg et l’évêché de Lausanne, Genève et Fribourg: pas de communication. La prudence semble de mise, suite aux affaires successives qui ont miné la cathédrale. La nomination officielle sera annoncée le 1er octobre 2020.

«Une grande écoute»

L’abbé Blanc n’est pas un inconnu dans la ville des Zähringen. Il y fut curé modérateur entre 2015 et 2018. Le qualificatif qui ressort particulièrement à son propos: «Une grande écoute». Quelques personnes qui ont collaboré avec lui durant cette période ont accepté d’en dire davantage.

«La première chose qui m’a frappé chez lui, c’est sa capacité à tenir sa place de curé dans une réunion de conseil de paroisse», lance Gilbert Dévaud, président du conseil de la paroisse fribourgeoise de Ste-Thérèse de Lisieux. «D’après les statuts, le curé à une voix consultative au sein du conseil. Philippe Blanc a parfaitement intégré ce paramètre: il ne s’est jamais mêlé à nos discussions, mais il a toujours été à l’écoute, sans s’imposer». Et le président de paroisse d’ajouter: «Quand il prêchait, par contre, c’est nous qui l’écoutions. Car ses homélies étaient extraordinaires».

«Doué pour désamorcer les conflits»

«Très agréable dans la collaboration, très organisé, très à l’écoute et très disponible», énumère Marie-Hélène Dey-Bugnon, secrétaire de l’UP Saint-Joseph. «C’était quelqu’un de calme, posé, droit, mais avec du caractère: si quelque chose n’était pas convenable, il le signalait. Il était doué pour désamorcer les conflits».

Les conflits n’ont pas manqué. A Fribourg, Philippe Blanc a dû mener la fusion de deux unités pastorales, regroupant ainsi cinq clochers, sur quatre communes, avec autant de mentalités propres et de fonctionnements différents. «Oui, c’était osé de la part de Mgr Morerod de confier ce dossier à un non-Fribourgeois. J’imagine qu’il a opté pour quelqu’un qui avait l’avantage d’avoir un regard neuf sur la situation», suppose l’abbé Blanc, gardant de cette période «une expérience magnifique, du point de vue pastoral» et «une joie dans le travail avec les prêtres, agents pastoraux laïcs, les conseillers de paroisse» pour parvenir à créer l’UP Saint-Joseph.

«C’est important pour Philippe Blanc de réunir les gens afin de les rassurer et de les encourager»

Agnès Jubin

«Il a beaucoup aimé être à Fribourg, malgré les difficultés que comportait cette fusion d’UP», confie Agnès Jubin, bénévole engagée en équipe pastorale. «C’était très important pour lui de réunir les gens pour les rassurer et les encourager. Il a ainsi organisé plusieurs rencontres inter-paroissiales, et pas seulement administratives. Il a lancé ces matinées liturgiques, pour expliquer le sens des différents rites», se rappelle la Jurassienne, rapportant encore ceci: «Dans les messes des familles, il avait une parole très libre et un charisme particulier pour parler aux enfants, en toute simplicité».

Une «vocation progressive»

Né en 1957 à Marseille, Philippe Blanc y vit avec ses parents et son grand frère jusqu’à l’âge de 20 ans. Son appel à la prêtrise? Philippe Blanc parle volontiers de «vocation progressive», qu’il développe à l’école catholique et chez les scouts. A l’école à Marseille, il a le souvenir d’y avoir rencontré plusieurs prêtres rayonnants, qui avaient le don d’éveiller des vocations chez les jeunes.

Philippe Blanc se souvient bien de son prof de caté, Joseph Sardou, futur archevêque de Monaco, dont il sera, en 1986, le premier séminariste à être ordonné de sa main. L’écolier se rappelle d’avoir animé déjà très tôt des Semaines saintes mémorables, sous le regard bienveillant et confiant de ses mentors prêtres.

«Mon rêve était d’entamer une carrière diplomatique»

Abbé Philippe Blanc

Au sein de sa paroisse aussi, de belles rencontres ont jalonné son chemin d’enfance. Si bien qu’à 13 ans, alors que ses camarades rêvent de devenir vétérinaire, pompier ou pilote, Philippe Blanc se voit déjà prêtre. Mais à l’adolescence, il met cette idée de côté et démarre à Aix-en-Provence des études d’histoire, en relations internationales. «Mon rêve était d’entamer une carrière diplomatique», se souvient-il.

Des études à Fribourg et à Rome

Cinq ans plus tard, il arrive à Fribourg pour étudier la philosophie. Le hasard veut que sur le boulevard de Pérolles, à Fribourg, il croise Mgr Abelé, évêque de Monaco de l’époque. Une rencontre déterminante. Philippe Blanc, qui poursuit sa deuxième année fribourgeoise, s’est inscrit comme séminariste pour le compte du diocèse monégasque. Il loge au séminaire diocésain – alors à Villars-sur-Glâne – et à l’université, il côtoie entre autres, les futurs ecclésiastiques Alain de Raemy, Martial Python et Paul Frochaux.

Puis Philippe Blanc est envoyé à Rome par son nouvel archevêque, Mgr Brand, pour étudier la théologie. Il étudie à l’Université Grégorienne, loge au Séminaire pontifical français de Rome et gravite autour de l’église Saint-Louis-des-Français. Pendant ces années romaines, il revient régulièrement à Monaco, notamment pour son ordination sacerdotale, le 22 juin 1986, à la cathédrale, par Mgr Sardou. Loin de la Suisse, l’abbé Blanc garde néanmoins quelque chose de Fribourg avec lui: le cardinal Journet.

«J’apprends que le cardinal Journet est le grand-oncle de mon évêque à Monaco»

Abbé Philippe Blanc

Après six ans de théologie, il repart de Rome avec un bachelor, un master, et une année de doctorat. Il est rappelé à Monaco par Mgr Sardou pour devenir aumônier au lycée Albert-1er pendant six ans. Parallèlement, il rédige son doctorat consacré à l’ecclésiologie de Charles Journet. «Au cours d’une conversation avec Mgr Sardou, j’apprends que le cardinal Journet est son grand-oncle», confie Philippe Blanc, qui voit dans cette anecdote un clin d’œil de Dieu sur sa route.

Curé de la cathédrale

L’abbé Philippe est nommé ensuite curé de la cathédrale de Monaco. Pendant vingt ans, il y assure entre autres les messes paroissiales, mais participe également aux célébrations officielles, auxquelles la famille princière prend régulièrement part. La cathédrale est dédiée à Notre-Dame-de-l’Immaculée-Conception. Son patron secondaire est saint Nicolas de Myre, celui auquel la cathédrale de Fribourg voue également une grande piété.

Un nouveau clin d’œil? «En 2011, à l’occasion des 100 ans de la consécration de la cathédrale de Monaco [le 11 juin 1911], nous avons proposé aux fribourgeois de nous prêter les reliques de saint Nicolas pour quelques jours, raconte le curé Blanc. Accédant à notre demande, le prévôt de l’époque, Claude Ducarroz, avait dépêché un chanoine pour veiller sur le fameux ‘bras reliquaire’ pendant son séjour monégasque».

Une passion pour la Terre Sainte

Directeur des pèlerinages de Monaco pendant une vingtaine d’années, Philippe Blanc est attaché à la Terre Sainte, qu’il visite plusieurs fois chaque année. Il tisse de nombreux liens avec les chrétiens sur place, qu’il met volontiers en contact avec les pèlerins qu’il accompagne. En reconnaissance pour son engagement, Mgr Michel Sabbah, ancien patriarche latin de Jérusalem, le nomme chanoine honoraire de la basilique du Saint-Sépulcre.

En tant que président de Association nationale des directeurs diocésains de pèlerinages (ANDDP) pendant dix ans, il a étoffé un réseau international, côtoyant des organisateurs de ‘pélés’ d’autres pays, à l’instar de Mgr Rémy Berchier, à la tête du pèlerinage romand de Lourdes.

Dessiner l’avenir pastoral de Fribourg

Grand connaisseur du cardinal Journet et même postulateur de sa cause de béatification, Philippe Blanc est parallèlement passionné par la théologie de Maurice Zundel, à partir de laquelle il prêche régulièrement des retraites au Foyer de charité de Bex (VD). Pour l’abbé Alexis Morard, doyen des paroisses du Grand-Fribourg, il y a effectivement deux «clans» en Suisse romande. «D’un côté, ceux qui suivent la pensée de Journet, plutôt thomistes, et les autres, les ‘zundéliens’, plutôt modernes et mystiques. Les deux courants ne sont pas forcément faits pour s’entendre», explique-t-il.

«Philippe Blanc reconnait le bon dans chaque personne, il arrive à voir les bribes de sainteté en chacun»

Abbé Alexis Morard

«Mais cette polarisation spirituelle ne semble pas inquiéter Philippe Blanc, qui arrive à percevoir les ‘touches de génies’ propres de ces deux théologiens suisses», poursuit l’abbé Morard. Par analogie, il estime que son confrère déploie son ouverture théologique dans ses propres relations humaines. «Il reconnait le bon dans chaque personne, il arrive à voir les bribes de sainteté en chacun», loue le Fribourgeois.

Les deux prêtres sont appelés à collaborer étroitement pour dessiner l’avenir pastoral du secteur urbain fribourgeois. «Nous avons une vision commune pour le Grand-Fribourg», note Alexis Morard, réjoui de cette future collaboration «qui comprendra une dimension inclusive du fonctionnement de nos unités pastorales [UP Notre-Dame et UP Saint-Joseph, ndlr.], avec une meilleure prise en compte des pastorales transversales, comme l’interaction avec les communautés religieuses.» (cath.ch/gr)

Abbé Philippe Blanc en quelques dates
– 14 octobre 1957: naissance à Marseille.
– 22 juin 1986: ordination sacerdotale à la cathédrale de Monaco par Mgr Sardou.
– 1993-2013: curé de la cathédrale de Monaco
– 2013-2018 à Fribourg: vicaire, puis curé de l’UP St-Pierre-et-Paul, dès 2015, avec la création de l’UP St-Joseph (fusion de UP St-Pierre-et-Paul – avec St-Pierre et Villars-sur-Glâne – et de l’UP3 – avec Ste-Thérèse, Givisiez et Granges-Paccot)
– 2018-2020 à Monaco: délégué épiscopal à la charité-solidarité, à l’écologie intégrale, à l’œcuménisme et au dialogue interreligieux, et prêtre à l’église St-Charles.
– 1er octobre 2020: curé modérateur de l’UP Notre-Dame de Fribourg, qui comprend la cathédrale

Grégory Roth

Portail catholique suisse

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