Qu’est-ce qu’une encyclique pontificale?

Le pape François s’apprête à signer la troisième encyclique de son pontificat, le 3 octobre 2020 à Assise (Italie). «Fratelli tutti», (Tous frères, en italien) portera sur la «fraternité humaine» et «l’amitié sociale». Il s’agit de la 299ème encyclique d’une liste qui remonte au pontificat du pape Benoît XIV (1740-1758). À peine élu, ce dernier publia «Ubi primum», le 3 décembre 1740, une encyclique sur le ministère des évêques. Depuis, les pontifes romains ont publié sous cette forme une multitude de textes d’enseignement sur des éléments théologiques, ecclésiaux ou socio-politiques.

Du grec ἐγκύκλιος (egkuklios), qui signifie «circulaire», et du latin litterae encyclicae, l’encyclique est donc à l’origine une «lettre circulaire» du pape aux évêques du monde entier, ou à une partie d’entre eux, aussi adressée par leur intermédiaire au clergé et aux fidèles, et même, parfois, «aux hommes de bonne volonté». Ce type de texte laisse au pape une grande latitude pour aborder des sujets extrêmement variés.

Après la Constitution apostolique, l’encyclique est le texte pontifical le plus important qu’un pape peut signer. Elle prime ainsi sur une exhortation apostolique, une lettre apostolique ou bien un message pontifical.

Une encyclique ne promulgue pas de nouveaux dogmes

Le titre des encycliques est toujours tiré de l’incipit, généralement les deux ou trois premiers mots du texte. L’encyclique Laudato si’ publiée en 2015 par le pape François commence par exemple par «Laudato si’, mi’ Signore» (Loué sois-tu, mon Seigneur, en italien).

La version officielle d’une encyclique est en latin. Cependant, parfois adressée à une seule nation, elle est alors écrite dans la langue de celle-ci. Ce fut le cas de Mit brennender Sorge (Avec une brûlante inquiétude, en allemand), encyclique du pape Pie XI publiée en 1937 et à destination de l’Église en Allemagne. Rédigée dans la langue de Goethe à la veille de la Seconde guerre mondiale, elle constitue une critique de l’idéologie nazie.

Ces textes pontificaux ont valeur d’enseignement et comportent parfois des mises en garde, plus rarement des condamnations. Mais une encyclique ne promulgue pas de nouveaux dogmes. Elle propose une juste lecture de la doctrine ainsi que des remèdes et des analyses, et exalte des figures exemplaires, comme la Vierge.

Léon XIII, champion des publications d’encyclique

Hormis celui de Jean Paul Ier (1978) qui ne dura que 33 jours, chaque pontificat de la période contemporaine a été marqué par la publication de nombreuses encycliques. Celles de Jean Paul II étaient particulièrement longues. Mais c’est à Léon XIII (1878-1903) que l’on en doit le plus, avec un total de 86 publications. Une grande partie de ces textes, souvent courts, seraient plutôt qualifiés, aujourd’hui, de Lettres apostoliques ou même de Messages pontificaux.

Après Léon XIII, c’est à Pie XII (1939-1958) que l’on doit un nombre important d’encycliques, avec 41 textes. Sous le pontificat de Benoît XVI, trois encycliques furent publiées.

Les grandes encycliques «sociales»

Parmi les encycliques les plus mémorables, on compte Rerum novarum de Léon XIII, évoquant les conditions de travail inhumaines de la classe ouvrière et les moyens pour les catholiques d’y remédier. Publiée en 1891, elle fut la première d’une longue liste d’encycliques dites «sociales». Ainsi, Rerum Novarum a été plusieurs fois mise à jour, en particulier lors d’années anniversaires: par Pie XI, 40 ans plus tard, dans Quadragesimo anno (1931) ; par Jean XXIII, dans Mater et Magistra (1961), et par Jean Paul II, dans Laborem exercens (1981), ainsi que dans l’encyclique du centenaire de la première publication, Centesimus annus (1991).

Dans le domaine du magistère social, il convient aussi de citer Pacem in terris, de Jean XXIII, publiée en 1963, sur «la paix entre toutes les nations», ou encore Populorum progressio, de Paul VI, en 1967, sur le «développement des peuples».

Sur le monde moderne, la franc-maçonnerie, la régulation des naissances…

Nombre d’encycliques ont aussi été l’occasion pour les papes de fustiger les erreurs de leur temps. Dans Inscrutabili divinae sapientiae, en 1775, Pie VI a déploré les progrès de l’athéisme et les idées du siècle des Lumières. Dans Ubi primum, en 1824, Léon XII a condamné les erreurs modernes, essentiellement l’indifférence à l’égard du catholicisme. L’une des encycliques de ce genre, la plus célèbre, reste Quanta cura, publiée par Pie IX en 1864 pour désavouer l’évolution du monde moderne. Cette publication était accompagnée d’un Syllabus, une liste de 80 erreurs contemporaines concernant la doctrine catholique. Elle soulignait, entre autres, qu’affirmer que «le pontife romain peut et doit se réconcilier et transiger avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne», était une erreur.

En 1884, dans Humanum genus, Léon XIII a condamné pour sa part la franc-maçonnerie et les sociétés secrètes. Quant à Pie X, en 1907, il a réprouvé le modernisme dans Pascendi dominici gregis. Dans Humanae vitae, en 1968, Paul VI abordait le mariage et la régulation des naissances en réaffirmant la condamnation de la contraception artificielle.

Des encycliques politiques

Parmi les encycliques politiques, on peut énumérer Respicientes ea omnia de Pie IX, en 1870, condamnant l’entrée dans Rome des troupes italiennes et la fin du pouvoir temporel des papes. Pie X, lui, est l’auteur en 1906 de Vehementer nos, condamnant la loi française de séparation des Églises et de l’État votée en 1905. En ce début de 20e siècle, on trouve aussi Ad beatissimi apostolorum principis de Benoît XV, en 1914, sur la paix et à la charité chrétienne face aux horreurs et aux misères de la Première Guerre mondiale puis la condamnation du paganisme et du racisme nazi par Pie XI, en 1937, dans Mit brennender Sorge et l’encyclique Summi pontificatus de Pie XII, en 1939, proposant une théorie chrétienne de la paix au début de la Seconde Guerre mondiale.

Enfin, sur le plan de l’ecclésiologie, on peut citer parmi tant d’autres les 11 encycliques de Léon XIII consacrées à Marie et au Rosaire, mais aussi Maximum illud de Benoît XV, en 1919, sur les missions, Musicae sacrae de Pie XII, en 1955, sur la liturgie et la musique sacrée ou encore Ut unum sint de Jean Paul II, en 1995, sur l’engagement œcuménique.

Les encycliques du pape François

Publiée en juillet 2013, quatre mois après l’élection du pape François, Lumen fidei, encyclique sur la foi, a été rédigée en grande partie par son prédécesseur, le pape Benoît XVI.

Trois ans plus tard, le pontife argentin rédige une encyclique sur l’écologie intégrale. Dans le sillage de Jean XXIII qui avait adressé Pacem in Terris aux fidèles et aux hommes de bonne volonté, le pape François lance, avec Laudato si’ une «invitation urgente» à la sauvegarde de la Maison commune «à chaque personne qui habite cette planète». Le fait de consacrer une encyclique à l’écologie dit combien le 266e successeur de Pierre accorde de l’importance à ce sujet.

Il en est de même pour la prochaine encyclique qui doit paraître le 4 octobre prochain. La «fraternité», thème déjà longuement développé par le pape François, sera, par la force du statut de l’encyclique, mise à l’honneur. (cath.ch/imedia/hl/rz)

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