Marthe Robin accusée de 'fraude mystique'

Un livre à paraître début octobre aux éditions du Cerf met en cause la figure de Marthe Robin, évoquant une «fraude mystique». Pour le Père carme Conrad De Meester, décédé à fin 2019, «ses actes frauduleux sont si fréquents et si génialement orchestrés qu’il est impossible que Marthe n’en ait pas eu conscience». Pour les défenseurs de la vénérable co-fondatrice des Foyers de Charité, cette opinion personnelle ne saurait remettre en cause les avis favorables de dizaines d’autres experts exprimés lors du procès de béatification.

Le message spirituel de Marthe Robin ne serait pas de Marthe. Ses écrits seraient le résultat d’un patchwork habile mais frauduleux, à partir de dizaines d’auteurs mystiques. Presque trente ans après sa mort, tandis que Rome a reconnu, en 2014, ses vertus héroïques, un livre, à paraître le 8 octobre 2020, dénonce, selon son auteur, une imposture, explique La Croix.

La mise en cause émane du Père Conrad De Meester. Le carme belge (1936-2019), spécialiste de la mystique, avait été sollicité en 1988 pour étudier les textes de Marthe Robin en vue de son procès en béatification. Quand il meurt en décembre 2019, son supérieur découvre le manuscrit du livre de 400 pages au terme duquel il parvient à une conclusion sans concession: Marthe Robin a trompé son monde.

L’impossible retour à la vérité

La paralysie, les stigmates, l’absence de nourriture pendant un demi-siècle excepté l’hostie consacrée, les visions: le carme émet de sérieux doutes sur la véracité de ces phénomènes. Pour lui, la stigmatisée de Châteauneuf s’est peut-être convaincue elle-même, usant de tous les moyens pour maintenir l’illusion: «Ses actes frauduleux sont si fréquents et si génialement orchestrés qu’il est impossible que Marthe n’en ait pas eu conscience, souligne Conrad De Meester. La notoriété de Marthe, de ses ’expériences mystiques’ et le ‘culte’ qui a entouré sa personne ont rendu difficile sinon impossible un retour à la vérité.»

Un seul avis négatif

Il est contestable de mettre la loupe sur une seule des expertises du procès de canonisation. Il faut savoir que 28 experts ont participé à l’enquête, répond dans Famille Chrétienne Sophie Guex, la postulatrice de la cause.»Faire écho à une seule expertise, c’est ignorer toutes les autres qui ont conduit l’Église à rendre un avis positif sur Marthe Robin en confirmant l’authenticité de sa vie chrétienne et en reconnaissant l’héroïcité de ses vertus, en 2014.» Les stigmates et le fait de ne pas s’alimenter ont été attestés par de très nombreux témoins.

Plagiat ou pensée originale?

Mais ce ne sont pas tant les aspects surnaturels qui troublent Conrad De Meester. Selon son analyse, les écrits mystiques de Marthe ne sont qu’une compilation plus ou moins habile d’auteurs antérieurs, un plagiat érigé en système. Plus d’une trentaine d’auteurs sont ainsi mis à contribution.

«C’est vrai que Marthe a emprunté des paragraphes entiers à d’autres mystiques», admet Sophie Guex. Mais ce procédé n’est pas si étonnant. N’ayant fait que peu d’études, Marthe a trouvé chez d’autres, c’est-à-dire dans les livres dont elle disposait, les mots qui lui manquaient pour exprimer ce qu’elle vivait. Devenue aveugle, Marthe avait acquis la capacité de mémoriser les textes qu’on lui lisait. Là encore, il semble assez logique qu’elle en restitue des passages lorsqu’elle dictait ses commentaires à des secrétaires. «Mais après 1945, Marthe s’est détachée de ces modèles car elle a atteint une maturité mystique.» En outre les écrits de Marthe sont surtout des notes personnelles qui, au départ, n’étaient pas destinées à une publication.

Enfin, l’enquête de Conrad De Meester, essentielle sur les premières années de Marthe Robin, n’aborde pratiquement pas la longue période qui suivit, des années 1950 au 6 février 1981, date de sa mort.

«Dieu a su écrire droit sur des lignes courbes»

Malgré la mystification dont il accuse Marthe, Conrad De Meester lui reconnaît de grandes qualités: intelligence, cœur, intuition, sensibilité, affection, force, endurance….Il salue la fécondité des Foyers de Charité et le bien que Marthe a pu faire: «Dieu a su écrire droit sur des lignes courbes», écrit-il.

Prêtres et évêques, intellectuels et retraitants, religieux et curieux: plus de 100’000 visiteurs se sont rendus au chevet de Marthe. Auraient-ils été tous subjugués par la ‘sainte’ de Châteauneuf, répondent les défenseurs de la vénérable. Comment serait-elle parvenue à berner si longtemps ceux qui l’entouraient?

Un procès très sérieux et complet

L’enquête canonique ouverte en 1986 a été réalisée avec le plus grand sérieux, rappelle Sophie Guex. «Elle a suivi toutes les étapes et les règles d’un procès classique.» La phase diocésaine a rassemblé les témoignages et les rapports d’experts, dont celui du Père de Meester, jusqu’en 1996, date de sa transmission à Rome. Toute cette documentation a été examinée et complétée par une enquête romaine jusqu’en 2014. Au terme de ce long processus, les membres de la Congrégation pour les causes des saints ont rendu un avis favorable, confirmé par le pape François.  (cath.ch/cx/fc/mp)

La vie de Marthe Robin
13 mars 1902. Naissance.
1918. Premiers symptômes de la maladie.
1928. Paralysie progressive et définitive.
À partir de 1930. Marthe Robin ne se nourrit plus, perd la vue, vit la Passion du Christ chaque vendredi.
1936. Arrivée du Père Finet, premier Foyer de Charité.
1942. Expertise médicale.
6 février 1981. Décès.
1986. Ouverture de l’enquête diocésaine en vue de sa béatification.
2014. Reconnaissance des vertus héroïques par le pape François.
2020. Sortie du livre de Conrad De Meester, La Fraude mystique de Marthe Robin.

Conrad De Meester: La fraude mystique de Marthe Robin, Paris, Éditions du Cerf, 416 p.

Maurice Page

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