La Garde suisse en temps de Covid: les jeunes gardes racontent

A la veille de leur prestation de serment au pape François, le 4 octobre 2020, deux gardes suisses se confient à I.MEDIA. A 22 ans, ils ont pleinement conscience de devoir accomplir leur service dans un contexte sanitaire exceptionnel et historique.

«J’ai réalisé que l’assermentation du 4 octobre resterait dans les livres d’histoire de la Garde». Le regard pétillant, Eliah Cinotti, jeune garde de 22 ans, rayonne dans son uniforme de gala. Dimanche, il prêtera serment au Souverain pontife, dans la cour Saint-Damase du Vatican.

Un aboutissement pour ce Suisse du canton de Berne, entré à la Garde en octobre 2019. Une «vocation» qui remonte à ses dix ans. À l’époque, lui et sa famille passent Noël à Rome. Assistant à la bénédiction Ubi et Orbi prononcée par le pape Benoît XVI, il aperçoit un piquet de gardes suisses. Tel un coup de foudre, le garçon forge alors dans son esprit le désir de rentrer à la Garde. «Il avait été fasciné au point de les dessiner dans notre journal de bord», raconte sa mère, présente aux côtés de son fils. «On s’était dit que cela lui passerait… mais aujourd’hui, nous sommes là pour son assermentation», sourit son père.

Une assermentation en petit comité

Les parents du jeune homme sont venus de Suisse pour assister à la prestation de serment de leur fils. Ils le savent: cette cérémonie sera historique puisqu’elle n’aura pas lieu un 6 mai comme c’est l’usage depuis 1528. «Au départ, il n’était même pas question que nous puissions y participer en raison des restrictions sanitaires», se souvient la mère d’Eliah.

Finalement, les parents et les frères et sœurs pourront y assister. «Avoir notre famille pour ce si grand événement, c’est le plus grand cadeau que nous pouvions avoir», se réjouit Eliah, qui reconnaît avoir passé une année très particulière.

«Notre vie faite de services intenses nous a cruellement manquée»

Arrivé en octobre dernier après avoir effectué son service militaire en Suisse, le jeune militaire, comme toutes les nouvelles recrues, a d’abord eu un temps de formation. Puis il est entré progressivement en service. Rien de plus normal pour cette institution pluricentenaire. «C’était magique. Je ressentais la grandeur et la puissance de ce lieu. J’étais impressionné par cette force humaine et sociale, ce monde qui venait de partout…», se rappelle-t-il.

Mais le coronavirus est venu perturber de plein fouet le quotidien de la Garde. En mars, avec l’établissement du confinement, tous les services extraordinaires ont été interrompus. Plus de grandes messes, plus d’audiences publiques ou bien de visites diplomatiques. «Pour tout vous dire, on s’en est réjouit au départ car on avait plus d’heures de sommeil! Mais très vite, notre vie faite de services intenses nous a cruellement manquée», reconnait-il.

«Durant le confinement, les journées sont passées très lentement»

Certes, le service ordinaire s’est poursuivi, avec des règles sanitaires strictes – port du masque, désinfection des mains, respect des distances sociales et limitation des contacts. «Mais forcément, durant le confinement, les journées sont passées très lentement», rapporte pour sa part Martin Lugon-Moulin, un autre garde de 22 ans, venu du canton du Valais.

«Habituellement, les contacts sont permanents avec les touristes, les pèlerins, les employés du Vatican ou bien les évêques et les cardinaux… Les sollicitations rythment nos journées. Mais là, il faut bien le dire, nous n’avions plus qu’à discuter entre nous», poursuit le jeune homme qui prêtera également serment dimanche.

«Ce confinement a vraiment permis de souder la Garde suisse»

Dans cette vie au ralenti, les deux militaires relèvent toutefois de conséquences très positives: «Ce confinement a vraiment permis de souder la Garde suisse. Nous sommes devenus une vraie équipe. Certes, nous nous connaissions bien. Mais désormais nous nous connaissons mieux!», insiste Eliah. «D’un point de vue de l’esprit de corps, cela a été une très bonne chose puisqu’on s’est retrouvé entre nous», abonde Martin. «On a fait des soirées ensemble alors qu’on pouvait avoir tendance à rester ou sortir avec les mêmes petits groupes», détaille-t-il.

Les jeunes gardes ont aussi pris conscience de la chance d’avoir pu passer leur confinement au Vatican. «Nous avions les jardins pour nous défouler. Honnêtement, sans que cela soit une partie de plaisir, nous n’étions pas à plaindre par rapport à des familles vivant à Rome qui ont vécu confinées dans des petits appartements», souligne le natif du Vallais. «150 gardes loin de leur pays, de leurs parents, de leurs amis ou fiancées… Moralement cela n’a pas été facile toujours», note Éliah, qui relativise rapidement: «nous ne sommes pas à plaindre pour autant. Nous avions nos camarades et les nouvelles technologies aident aussi à garder le contact avec les proches».

«Comme si on entrait dans l’histoire»

Protéger le pape François à l’heure du Covid revêt aussi des précautions nouvelles. «Il ne faut pas le mettre en danger. Pour éviter une contamination, nous respectons au maximum le protocole sanitaire, par exemple en nous désinfectant abondamment les mains avant de le saluer», raconte Eliah, confiant par ailleurs que le pape François a gardé sa sympathie durant toute la période. «Toujours un «bonjour» de sa part ou bien un «bon appétit», quand bien même le déjeuner est dans deux heures!», sourit-il. Il faut croire que les «Suisses» ont parfaitement intégré les nouvelles règles puisque, depuis le début de la crise sanitaire, aucun garde n’a été controlé positif.

Parmi les événements marquants qui resteront gravés dans leur mémoire : la bénédiction Urbi et Orbi du 27 mars durant laquelle le pape François, sous un déluge de pluie, a béni la ville et le monde depuis une place Saint-Pierre absolument déserte. « Je m’en souviendrais toute ma vie. J’étais en service pas très loin et j’ai eu conscience de vivre un moment historique, comme si on entrait dans l’histoire. Il s’est passé quelque chose de spirituellement très fort ce soir-là », raconte Eliah.  

Depuis le début du mois de septembre, la vie semble repartir peu à peu au Vatican. « Les audiences ont repris dans la cour Saint-Damase, quelques visites diplomatiques ont eu lieu, des touristes reviennent doucement », commente Martin, qui espère revoir bientôt les grands événements qui marquent la vie du Vatican. « Cela nous manque, évidemment. Ils constituent les grands moments de notre mission. » (cath.ch/imedia/hl/mp)

I.MEDIA

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