Enclavée entre l’Arménie chrétienne et l’Azerbaïdjan musulman, le Haut-Karabagh cristallise un drame ancien.
Laurence d’Hondt, cathobel
L’Arménie et l’Azerbaïdjan ont de nouveau fait parler les armes dans le Haut-Karabagh, l’une des régions les plus militarisées au monde. Depuis le 27 septembre, les deux camps ont échangé des tirs d’artilleries, déployé des blindés, décrété la mobilisation générale, tandis que l’armée azérie a bombardé la capitale Stepanakert. On parle à ce jour de plus d’une centaine de morts. Comme à chaque regain de tensions, les deux pays se rejettent la responsabilité du déclenchement des hostilités.
Mais qu’est-ce que le Haut-Karabagh? Situé dans le Caucase, coincé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, le Haut-Karabagh est une haute terre recouverte de montagnes et de forêts, avec en son cœur, Stepanakert, une capitale provinciale, aux allures encore staliniennes. Entre 1991 et 1994, il a été le théâtre d’une guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan qui aurait fait près de 30.000 morts. La victoire de l’Arménie en 1994 a été célébrée comme un acte héroïque et une revanche sur l’histoire tragique des Arméniens, plus particulièrement du génocide de 1915.
Pour les Azeris, il est le symbole d’une défaite humiliante et d’une amputation de territoire qu’ils ne sont pas près d’abandonner. Aucuns pourparlers de paix n’ont à ce jour mis fin au conflit latent. Peuplé d’Arméniens, la survie du petit pays ne tient qu’à un fil: relié à l’Arménie par un mince corridor routier, il est entièrement dépendant de son voisin arménien pour son commerce et ses relations extérieures. Sans le soutien d’Erevan et de la diaspora arménienne, il ne pourrait faire face à ses dépenses militaires, ni assurer sa viabilité économique. S’il a déclaré son indépendance dès 1991, il n’a jamais été reconnu. Un aéroport vide symbolise cette absence totale de connexions.
Cette haute terre enclavée et figée dans un conflit récurrent, cristallise au fond deux pôles politico-religieux hostiles depuis des siècles. D’une part, la Turquie musulmane qui voit dans le conflit autour du Karabagh, l’occasion d’affirmer son soutien au «frère turcophone et musulman» qu’est l’Azerbaïdjan. Ce dernier, gros producteur de pétrole, souffre actuellement de l’effondrement des cours, tandis que le président turc, Recep Tayyip Erdogan ne cesse de multiplier les fronts extérieurs pour galvaniser le nationalisme turc et faire oublier ses difficultés économiques: après l’incursion en Syrie, les tensions maritimes avec la Grèce, le Haut-Karabagh apparaît comme une nouvelle occasion d’affirmer la grandeur de l’empire ottoman.
De l’autre côté, l’Arménie qui fait de cette terre enclavée, une cause nationale destinée à contrarier le cours dramatique de l’histoire des chrétiens dans la région. L’Arménie est ainsi devenue un havre pour les chrétiens du Moyen-Orient: tout au long de la guerre en Syrie: des milliers d’Arméniens de Syrie et surtout d’Alep s’y sont installés et y demeurent aujourd’hui. En cas d’aggravation de la situation libanaise, ils pourraient être rejoints par les Arméniens du Liban. Si l’Arménie est soutenue par la Russie, le pays demeure cependant très fragile et isolé, en raison notamment de la fermeture de sa frontière avec la Turquie et de sa faiblesse démographique. Dans ce cadre, le Haut-Karabagh, rebaptisé la République d’Arstakh, incarne plus que ce qu’il est: il symbolise la fierté retrouvée du peuple arménien. (cath.ch/cathobel/lh/mp)
Rédaction
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/le-haut-karabagh-dernier-front-chretien/